Le nucléaire est-il une énergie écologique ? L’électricité nucléaire est-elle propre ? Est-elle vraiment décarbonée ? Quelles pollutions engendre-t-elle ? On fait le point.

La France est l’un des pays les plus actifs dans l’industrie nucléaire. Près de 70% de l’électricité produite par la France provient du nucléaire. À ce titre, cette énergie suscite énormément de débats : régulièrement, les citoyens, les politiques et les médias s’agitent autour du nucléaire : est-il sûr, est-il rentable, est-il efficace ?  Faut-il continuer ou démanteler ? Et quels seraient les avantages et les inconvénients d’une sortie du nucléaire ?

Au coeur des débats sur le nucléaire, il y a également une question qui cristallise les désaccords : celle de savoir s’il s’agit d’une énergie propre et écologique. Là encore les camps s’opposent. D’un côté, il y a ceux qui affirment que le nucléaire est une énergie propre, n’émettant pas de carbone ou de pollutions de l’air, de l’autre il y a ceux qui affirment au contraire que c’est une énergie très polluante. Pour y voir plus clair et pouvoir se faire une opinion éclairée sur le sujet, nous vous proposons de passer en revue la question nucléaire au prisme de l’écologie. Alors, le nucléaire, écologique ou pas ? On vous explique !

Le nucléaire est-il écologique : comprendre les bases

Radioactivite-France

La première chose à savoir, c’est que comme toutes les énergies, le nucléaire n’est pas 100% écologique. Pour qu’une énergie soit « écologique » il faudrait qu’elle n’ait aucun impact sur l’environnement. Or toutes les énergies ont des conséquences sur notre planète. Le nucléaire par exemple fonctionne grâce à des infrastructures : ici les centrales. Or pour construire les centrales, il faut de l’énergie, des matières premières, des ressources. La consommation de cette énergie et de ces ressources a nécessairement un impact sur l’environnement. Par exemple, pour construire une centrale on utilise des engins de chantiers qui consomment du pétrole et donc émettent du CO2. On fabrique également du béton pour les structures, on extrait et transporte l’uranium (qui reste par ailleurs une ressource limitée) nécessaire au fonctionnement des centrales. Pour cela, il faut des engins mécanisés, des véhicules, qui eux-aussi polluent. C’est la même chose pour toutes les formes d’énergie : par exemple l’énergie solaire nécessite des matériaux, parfois rares, qu’il faut extraire, transporter, assembler pour fabriquer les panneaux solaires… À ce titre, aucune énergie n’est 100% écolo et le nucléaire ne fait pas exception à la règle, puisqu’elle génère différents types d’impacts environnementaux.

Mais alors, lesquels ?

Les dangers écologiques du nucléaire : la pollution radioactive ?

Le nucléaire génère-t-il des pollutions radioactives ? Voilà une question qui revient souvent dans le débat. En effet, lorsque l’on manipule des produits radioactifs, il existe un risque que la radioactivité se transmette dans l’environnement. L’accident de Tchernobyl en 1986 en Ukraine a ainsi donné lieu à des pollutions radioactives importantes dans plusieurs pays d’Europe. Les taux de radioactivité très élevés observés à la suite de l’accident ont ainsi causé de nombreux problèmes sanitaires (entre 9 000 et 90 000 décès imputables directement à la pollution radioactive). Cela a également eu des conséquences sur l’environnement, en contaminant la biodiversité sur près de 200 000 km2, avec une augmentation de la mortalité animale notamment et une contamination de certaines réserves d’eau.

Toutefois, en situation normale, (c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas d’accident nucléaire grave), la pollution radioactive d’une centrale est généralement considérée comme plutôt faible, voire nulle. Par exemple, l’l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) a pris des mesures de la radioactivité partout en France et notamment autour des centrales. Sa conclusion est qu’en France la pollution radioactive liée à la production d’énergie nucléaire est « faible » (c’est-à-dire généralement inférieure à la radioactivité naturelle émise par le soleil ou les sols par exemple). Concrètement, cela veut dire qu’en situation normale, les taux de pollution radioactive autour d’une centrale nucléaire sont négligeables. En revanche, si un accident grave survient, la contamination radioactive peut-être très grave. Depuis les années 1950, 2 accidents dans des centrales nucléaires civiles ont mené à des rejets de radioactivités majeurs hors des sites de production (c’est-à-dire dans la nature) : Tchernobyl et Fukushima.

Nucléaire : la question des eaux de retraitement

D’autres part, la production d’électricité nucléaire nécessite une forte utilisation d’eau, afin de refroidir les réacteurs. Ainsi, une centrale nucléaire utilise légèrement plus d’eau que les centrales à charbon ou les centrales solaires thermiques selon l‘Electric Power Research Institute (entre 133 et 190 000 litres d’eau par mWh d’électricité produite). Cette eau de refroidissement est rejetée dans l’environnement où sa température élevée peut avoir un impact sur les écosystèmes (la prolifération d’algues par exemple, ou un effet sur les biotopes).

De plus, si la température de l’eau des fleuves qui refroidissent les centrales est trop élevée, il est parfois nécessaire de mettre les centrales à l’arrêt pour éviter une surchauffe de l’eau dans l’écosystème. D’autre part, le prélèvement d’eau dans les milieux pour faire fonctionner les centrales pose deux autres problèmes. Le premier, c’est qu’il diminue la disponibilité de la ressource pour d’autres usages (ce qui peut-être problématique en cas de sécheresse). Le second, c’est qu’il peut, dans certains cas, détruire les organismes vivants dans l’eau prélevée.

L’enjeu des déchets nucléaires et déchets radioactifs

La production de déchets nucléaires est également un enjeu fondamental pour l’industrie électro-nucléaire. Entre 2007 et 2013, la France a produit environ 50 000 m3 de déchets radioactifs par an, dont environ 60% sont issus de l’industrie nucléaire et en grande partie de la production d’électricité (d’après l’Agence Nationale des Déchets Radioactifs). Majoritairement, ces déchets sont relativement inoffensifs car ils ont une faible activité radioactive et une vie courte (ils deviennent rapidement inertes).

Mais une petite partie d’entre eux ont une activité radioactive élevée (0.2%) ou moyenne (3% environ) associée à des durées de vie parfois longues. Ces déchets restent donc dangereux assez longtemps (plusieurs centaines voire milliers d’années) et peuvent contaminer l’environnement ou les humains. À l’heure actuelle, ces déchets sont traités et stockés dans deux sites principaux. Le site de stockage de la Hague et celui de Marcoule. Il existe un projet qui permettrait d’enfouir ces déchets de façon sécurisée à 500 mètres de profondeur : le projet Cigéo.

Pour plus d’information, vous pouvez consulter notre article : « Comment sont stockés et gérés nos déchets nucléaires ?« 

Le nucléaire, la pollution et le réchauffement climatique : une énergie non carbonée ?

Sur la question des gaz à effet de serre ou des polluants atmosphériques, le nucléaire est plutôt un bon élève parmi les sources de production d’électricité. Les sources d’énergie comme  le charbon ou le pétrole, et même le gaz, lorsqu’ils sont mis en combustion pour produire de l’électricité (ou de la chaleur, ou pour alimenter un moteur), émettent du CO2 et des pollutions diverses. Et c’est le CO2 et les particules fines qui sont responsables respectivement du réchauffement climatique et de la pollution de l’air. Au contraire, produire de l’électricité avec la fission nucléaire n’émet presque pas de CO2 ou de pollution aux particules fines. On dit que l’électricité nucléaire est « bas carbone ».

Concrètement, aujourd’hui, l’électricité nucléaire est parmi celles qui produisent le moins de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie. Évidemment, la construction (ou le démantèlement) d’une centrale nucléaire ou l’extraction de l’uranium émettent des gaz à effet de serre. Mais pendant la phase de production d’électricité, les rejets polluants sont nuls, et ramenées à la quantité d’énergie produite par une centrale, les émissions de gaz à effet de serre du nucléaire sont très faibles. Ainsi, l’énergie nucléaire a une empreinte carbone médiane de 12 g de CO2eq par kWh d’électricité produite, soit autant que l’énergie éolienne, et 3 à 4 fois moins que l’énergie solaire ou 70 fois moins que les centrales à charbon (selon les analystes du GIEC). Quant à la fumée que l’on voit sortir des centrales, il s’agit simplement de la vapeur d’eau qui s’évapore lorsque l’on refroidit les réacteurs. Cette vapeur est sans impact sur l’environnement car elle rejoint le cycle naturel de l’eau.

En gros, cela signifie que parmi les sources de production d’électricité disponibles à l’heure actuelle, le nucléaire fait partie de celles qui émettent le moins de CO2 et polluent le moins l’atmosphère. Autrement dit, en France où le nucléaire représente la majorité de notre production électrique, il est difficile de remplacer le nucléaire par d’autres sources d’énergie sans faire augmenter nos émissions de CO2 à court terme (y compris si l’on ne faisait que de l’éolien et du solaire). Pour plus d’informations, consultez notre article « Peut-on sortir du nucléaire et lutter contre le réchauffement climatique ?« .

À l’heure actuelle, l’énergie nucléaire est donc (avec les énergies renouvelables et notamment l’éolien et l’hydraulique) l’une des sources de production d’électricité les plus efficientes pour produire de l’électricité sans contribuer au réchauffement climatique et sans polluer l’atmosphère.

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Le nucléaire est-il écologique ?

Bref, il est impossible de dire simplement si le nucléaire est écologique ou non. Tout dépend en réalité de la définition que l’on donne de l’écologie et du problème écologique que l’on envisage. Les sociétés humaines sont face à de nombreux problèmes écologiques : le réchauffement climatique, la pollution de l’air, la contamination des milieux naturels, l’acidification des océans, la disparition de la biodiversité… Vis-à-vis de certains de ces problèmes écologiques, le nucléaire est plutôt écologique, mais vis-à-vis des autres, il peut être problématique.

S’il s’agit de se protéger du réchauffement climatique et de ses conséquences, alors le nucléaire peut-être considéré comme une source d’énergie relativement écologique (comparé aux autres) puisqu’il n’émet pratiquement pas de CO2. En revanche, le nucléaire pose un risque de contamination radioactive : si un accident grave a lieu, les conséquences écologiques peuvent être très fortes. De la même façon, si les déchets nucléaires sont mal gérés, ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur les écosystèmes (ainsi que sur la santé humaine).

Il n’y a donc pas de réponse simple à la question de l’impact écologique du nucléaire. Le nucléaire n’est pas 100% écologique ni 100% sûr (comme toutes les énergies). Il est aujourd’hui l’une des sources d’énergie les moins néfastes du point de vue climatique (et donc du point de vue des écosystèmes globaux), mais en cas de problème, les conséquences écologiques locales seraient dramatiques. Mais cette question cache un autre problème : celui de la soutenabilité de notre société dans son ensemble. Le nucléaire et les autres sources de production d’énergie de masse sont en effet les symptômes d’une société qui globalement n’est pas écologique, d’une consommation industrielle et de masse qui ne sont pas soutenables. Et au-delà de la question de savoir quelle source d’énergie est la plus écologique, il faudrait peut-être se demander si produire une telle quantité d’énergie est, en soi, écologique.

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