Et si sourire contribuait à votre bonheur ? Oui, vous avez bien lu. Sourire peut rendre heureux, même quand on se force. On vous explique.
Quand on est heureux, on sourit, et quand on est contrarié on fronce les sourcils. Ça, tout le monde le sait. Mais est-ce que cette relation fonctionne aussi dans l’autre sens ? Est-ce que l’action de sourire peut nous rendre plus heureux? Voilà une hypothèse longtemps discutée par les scientifiques. La preuve, dès le 19ème siècle Charles Darwin s’interrogeait sur cette question lorsqu’il écrivait son « Expression des émotions chez les humains et les animaux » (1872). Il y écrit « L’expression libre par des signes extérieurs d’une émotion l’intensifie ». En gros, exprimer une émotion via des expressions corporelles (notamment faciales) renforcerait ces émotions. L’idée est simple : non seulement vous souriez quand vous êtes heureux, mais en plus, sourire aiderait à être heureux. Et inversement.
Le rôle de l’expression dans l’émotion : la science de la rétroaction faciale
De nombreux chercheurs se sont penchés sur cette question. L’un des plus importants était William James qui est allé jusqu’à dire que l’on pouvait réprimer une émotion en résistant à l’exprimer corporellement. Bien sûr, il est très difficile de vérifier ces hypothèses. D’abord car mesurer une émotion est une tâche complexe voire impossible scientifiquement. Pourtant, de nombreux protocoles ont été mis en place pour tenter de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse initiale de Darwin, désormais connue sous le nom de « rétroaction faciale ».
Dans les années 1980, une équipe de chercheurs a mis en place un protocole destiné à faire reproduire (sans le leur dire) à des participants les expressions faciales du sourire ou du mécontentement. Pour reproduire le sourire, les participants devaient tenir un stylo entre leurs incisives sans que les lèvres ne touchent le stylo, en prononçant des « ah » (essayez, ça marche, les muscles buccaux sourire se contractent). Au contraire, pour reproduire le mécontentement, les autres participants devaient tenir le stylo entre leurs lèvres en prononçant des « oh ». En même temps, chaque groupe de participants devait remplir un questionnaire comportant des questions sur leur état de bien-être émotionnel. Et en moyenne, ceux qui avaient reproduit le sourire avaient des résultats plus positifs.
Plus tard, d’autres chercheurs en psychologie ont mis en place un protocole étonnant avec du botox. Ils ont administré à certains patients atteints de dépression ou de syndrome d’anxiété du botox supposé bloquer leur capacité à exprimer des expression faciales. Ces patients ont rapporté des sentiments négatifs moins prononcés que dans le groupe de contrôle. Pour aller encore plus loin, d’autres chercheurs ont reproduit l’expérience, mais cette fois en analysant par IRM les réponses cérébrales des sujets lorsqu’on leur demandait de reproduire des expressions faciales de la joie, de la colère ou de la tristesse. Résultat ? Ceux dont l’expression faciale était réduite par le botox montraient des signes d’activité cérébrale moins importants dans les zones impliquant les processus émotionnels (amygdale, hypothalamus…).
En résumé : plus votre visage exprime une émotion, plus votre cerveau active les processus responsables de cette émotion. En d’autres termes, plus vous souriez, plus vous êtes heureux.
Sourire pour réduire le stress et la douleur : ça marche
Cette relation marche dans de nombreux domaines. Ainsi, dans une étude publiée dans le Journal of Pain en 2008, on apprend que les patients qui se forcent à sourire durant une opération douloureuse ressentent moins la douleur que les autres. Une autre étude menée par une chercheur de l’Université de Groningen confirme que les sujets dont l’expression faciale est contrainte (par l’utilisation du stylo tenu par les dents) sont moins affectés lorsqu’ils sont soumis à des images stressantes ou dégoutantes.
Bref, la plupart des études sur ce sujet concluent qu’il existe un lien de causalité réciproque entre l’expression faciale d’une émotion et son ressenti. Il est encore difficile d’expliquer pourquoi, mais certains chercheurs dont le psychologue américain Robert Zajonc ont émis l’hypothèse que tout cela a un rapport avec les contractions musculaires et veineuses. En effet, les recherches ont montré que lorsque le sang qui parvient au cerveau est plus chaud, cela a tendance à produire des émotions négatives. Or en souriant, on contracte certains muscles du visage et cela restreindrait la circulation sanguine vers le cerveau : le sang qui y parvient est donc légèrement plus frais, ce qui activerait des émotions plus positives. D’autres ont montré que l’activation de certains muscles faciaux (ceux liés au sourire) serait lié à la sécrétion d’endorphine et de sérotonine, les hormones du bien-être.
En tout cas, de plus en plus d’individus tentent de mettre à profit cette relation entre sourire et bonheur. Les thérapies du rire et du sourire misent sur cette hypothèse pour rendre leurs patients plus heureux grâce à des séances de rire. Les « stress managers » affirment que sourire aide à mieux gérer le stress et à diminuer le rythme cardiaque, ce qui est confirmé par une étude publiée dans le Journal of Psychological Sciences.
Sourire rend heureux : alors souriez !
Nous avons donc toutes les raisons de croire que sourire aide à stimuler et à renforcer les émotions positives, que cela aide à réduire le stress, que cela rend aussi plus productif. S’il vous faut d’autres arguments, sachez que des études ont démontré que les personnes qui sourient apparaissent deux ans plus jeunes.
Alors, souriez. Avec vos proches, mais aussi au travail et dans le monde de l’entreprise, où le stress est encore malheureusement trop omniprésent. Cela peut vous aider, vous et les autres à relâcher la pression. Car comme le bâillement, le sourire semble contagieux. Les employés qui sourient voient leurs collègues et leurs clients rapporter des niveaux plus élevés de satisfaction. Si vous souriez, il y a aussi des chances que vous vous sentiez plus heureux et que cela vous aide à être plus motivés et plus productifs au travail.
Bien sûr, l’idée n’est pas de se forcer à sourire 24 heures sur 24 ! Simplement d’essayer de laisser son bonheur s’exprimer physiquement, de sourire aux autres. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse qui consiste à cacher ses émotions négatives derrière un sourire. En effet, l’étude menée à ce sujet par l’Université de Groningen montre qu’à la longue masquer ses émotions négatives peut avoir un effet inverse et accentuer les perceptions négatives. Souriez donc autant que possible, mais sans (trop) vous forcer !