Le Pape François publie une lettre adressée à tous les fidèles et à l’ensemble de la société mondiale sur les enjeux de l’environnement. Quelle est la position de l’Eglise catholique en matière d’écologie ? Comment le Pape peut-il agir pour le Climat ? Découvrez 10 choses à retenir sur cette encyclique inédite.
La religion et l’écologie sont deux sujets qui se mélangent assez peu en règle générale. Si les écologistes parlent rarement de religion, il serait pourtant faux de croire que les religions ne parlent pas d’écologie. Ce jeudi 18 mai 2015, le Pape François publie d’ailleurs une encyclique spécialement dédiée à la question écologique.
Aujourd’hui, le Pape François dédie la première encyclique de son pontificat à l’écologie, au milieu d’une année charnière où la COP21 devra prendre des décisions qui affecteront durablement la planète. Si cette décision est déjà symbolique en soi (c’est la première encyclique entièrement dédiée à la question), l’encyclique (intitulée « Laudato Si » : Loué sois-tu) est aussi profondément engagé. 10 points à retenir pour mieux comprendre cette encyclique et sa portée.
1- Qu’est-ce qu’une encyclique ?
L’encyclique est une lettre rédigée par le Pape à l’attention de ses évêques et de ses fidèles, et cela en fait l’un des textes les plus solennels et les plus fondamentaux de l’Eglise. L’encyclique est une manière pour un Pape de préciser la position officielle de l’Eglise sur un sujet : ainsi en 1979, Jean Paul II avait publié une encyclique appelée Redemptor Hominis, où il traitait de la dignité humaine. L’encyclique publiée aujourd’hui précise donc la doctrine de l’Eglise en matière d’environnement, sa vision de la crise écologique et la façon dont l’Eglise compte agir vis-à-vis de cet enjeu.
2 – Est-ce la première fois que l’Eglise traite d’écologie ?
Certes, c’est la première encyclique qui soit dédiée à cette question, mais d’autres Papes ont traité de l’environnement. Dès 1972, au moment de la première Conférence des Nations Unies sur l’Environnement à Stockholm, Paul VI mettait en garde contre « la poussée aveugle du progrès matériel » et le déclin du « respect de la biosphère ». Jean Paul II, pendant son pontificat, a également publié une encyclique sur la doctrine sociale de l’Eglise (Centesimus Annus) où il dédie un chapitre à l’écologie. Benoit XVI lui aussi avait déclaré que l’Homme « maltraitait la création (…) en raison de l’utilisation abusive des ressources et de leur exploitation égoïste et sans aucune précaution ».
Bref, François ne sera pas le premier à traiter d’écologie, et on peut même dire que l’Eglise catholique est précurseur dans les discours sur l’écologie. C’est toutefois bien le premier à lui donner une importance si centrale dans son pontificat.
3 – A qui s’adresse l’encyclique Laudato Si ?
Comme l’a précisé François, le texte n’est pas destiné uniquement aux fidèles : il est un appel à toutes les communautés pour un mode de vie plus respectueux de la planète. La preuve de la volonté du Pape de créer un texte universel : dans sa rédaction il a été aidé par un climatologue allemand, une économiste américaine et un théologien orthodoxe.
4 – L’écologie, c’est compatible avec la religion catholique ?
Le deuxième chapitre est entièrement consacré aux liens entre la foi et l’écologie. Le Pape y décrit comment les notions d’amour de toute chose créée par dieu est synonyme d’écologie, de respect de la nature, des animaux et de la planète. Il y décrit aussi comment le renoncement aux excès matériels et la sobriété de vie font écho aux thèses écologistes. Si l’on en croit le pape, être catholique, c’est être écolo.
5 – Comment le Pape perçoit-il la crise écologique ? C’est une punition de Dieu ?
Le texte s’ouvre sur un chapitre entier intitulé « La crise qui frappe notre maison ». Le Pape François y développe longuement les conséquences de la crise écologique, sociale et humaine qui frappe notre planète, il y traite du climat, de la question de l’eau et de la biodiversité, mais aussi des inégalités. Il y décrit aussi comment l’homme est responsable de cette crise, à cause de « l’anthropocentrisme moderne » et de la « globalisation du paradigme technocratique ». C’est donc un texte véritablement engagé, qui prend acte de la responsabilité de l’homme dans une crise qui est multiforme. Pas de déterminisme divin là-dedans, le Pape invite au contraire chacun à être conscient de sa responsabilité dans cette situation, et d’agir pour changer les choses.
6 – Comment le Pape veut-il faire changer les choses, justement ?
Le Pape François se fait l’avocat d’une écologie intégrale, d’un changement de mode de vie. Le quatrième chapitre de l’encyclique est dédié à sa vision de l’écologie : il faut à la fois préserver l’environnement, promouvoir une économie qui défende le bien de l’humanité et une société juste. Pour le Pape, l’écologie doit se concevoir dans la vie quotidienne et chaque acte est un choix face à l’écologie. Il insiste aussi sur la notion de responsabilité inter-générationnelle. C’est un vrai programme politique, écologique et moral. Madame Bruntland aurait presque pu l’écrire.
7 – Et le rôle des Etats dans la crise écologique ?
L’encyclique défend un meilleur dialogue entre les Etats sur la question environnementale. Mais le Pape est aussi lucide face à l’évolution de la politique internationale : il constate le déclin des Etats-Nations, et la nécessité de créer plus de démocratie au niveau international. Pour lui, il faut créer une autorité politique mondiale, qui soit capable de penser démocratiquement le bien commun au-delà de l’intérêt particulier des Etats. Il demande aussi qu’il y ait plus de démocratie participative dans les Etats, des politiques locales et nationales mieux coordonnées, et plus de transparence.
8 – Quel rôle va jouer l’Eglise dans le changement écologique ?
Le dernier chapitre de l’encyclique est nommé « Education spirituelle et écologie », et le pape y décrit comment la religion a son rôle a jouer. L’enseignement de l’amour et de la paix, de l’importance de toute la création et des relations entre les créatures de Dieu doivent être abordés par l’éducation spirituelle.
9 – À quoi servent ces grands discours sur l’environnement ?
Il y a près d’1.3 milliards de catholiques dans le monde, et principalement dans les Pays du Sud (Afrique, Amérique du Sud) où la crise écologique est la plus importante. Si une partie de ces fidèles peuvent prendre conscience de la crise écologique, du rôle qu’ils peuvent jouer dans la transition, l’impact est potentiellement énorme. Le Pape appelle a sortir du paradigme technologique, de la culture du déchet, de la consommation excessive, et à adopter un mode de vie plus sobre. Si certains croyants l’entendent, c’est un beau vecteur de changement.
10 – Que va faire le Pape pour l’écologie ensuite ?
Il est peu probable que le Pape se présente pour être le candidat d’Europe Ecologie les Verts. Cependant, en tant que chef d’Etat et en tant que Pape, il devrait continuer à agir pour défendre sa vision de l’écologie. Il est d’ailleurs invité en Juillet au Congrès américain, pour parler devant une assemblée majoritairement conservatrice, croyante, et climatosceptique, et pour tenter de faire basculer la position des Républicains sur la question environnementale. Vaste programme, qu’on lui souhaite de réussir.