En 2024, les catastrophes « naturelles » – de plus en plus souvent liées au changement climatique – ont causé des centaines de milliards de dollars de pertes : à eux seuls, les dix événements les plus coûteux ont représenté près de 230 milliards de dollars. Un montant sans doute sous-estimé, sachant que de nombreux dommages n’étaient pas assurés. Tandis que les financements actuels pour la transition écologique restent largement insuffisants face à l’ampleur des besoins, en particulier pour les pays en développement, premiers touchés par le changement climatique.
Trois semaines après le passage du cyclone tropical Chido, Mayotte est toujours en détresse. L’année 2024 s’est terminée par la plus grosse catastrophe naturelle que l’archipel ait connu depuis 1934. Le bilan officiel fait état pour le moment d’une quarantaine de morts, d’une quarantaine de personnes disparues et de plus de 5 600 blessés. Mais dans les faits, l’estimation des disparus est probablement bien en deçà de la réalité en raison du manque de recensement dans les bidonvilles de Mayotte.
Au-delà du bilan humain, le cyclone aurait engendré un coût de 650 à 800 millions d’euros pour le régime CatNat estimé par la Caisse centrale de réassurance (CCR) quelques jours après son passage. Environ 10 000 habitations et professionnels assurés ont été sinistrés. Le cyclone Chido conclut une année marquée par de nombreux événements climatiques meurtriers et hors normes. Des cyclones, des ouragans, mais également des inondations, des sécheresses et des vagues de chaleur qui ont causé 258 milliards de dollars de dommages, selon les données de l’assureur AON résumées dans un rapport publié fin 2024 par Christian Aid.
Le coût des catastrophes naturelles
Depuis 2016, le coût des dommages des catastrophes naturelles dépassent les 250 milliards de dollars. Même si ces dommages en 2024 sont très inférieurs aux estimations de 2023 (351 milliards de dollars), seulement 10 catastrophes naturelles ont engendré un coût de 230 milliards de dollars. Les trois quarts de ces pertes sont dues à des ouragans atlantiques, des inondations en Europe centrale et en Chine, et une série de tempêtes en Amérique du Nord.
Aux États-Unis, l’assureur a répertorié plus de 60 milliards de dollars de dommages entre janvier et septembre 2024 pour ces tempêtes successives. Mais la première puissance mondiale a aussi été frappée par plusieurs ouragans majeurs, Milton en octobre, Helene en septembre, qui ont respectivement coûté 60 milliards et 55 milliards de dollars. En Chine, des inondations meurtrières ont fait plus de 15 milliards de dollars de dommages de juin à juillet, 5 milliards au Brésil fin avril, 4,45 milliards en juin en Allemagne et 4,22 milliards à Valence (Espagne) en octobre dernier. En Asie du Sud-Est, le typhon Yagi a entraîné plus de 12 milliards de dollars de dégâts et causé la mort d’au moins 844 personnes. Et les incendies dévastateurs de Los Angeles donnent le ton pour 2025 (voir encadré).
La nécessité d’adapter les pays les plus vulnérables aux catastrophes naturelles
« Les répercussions économiques sont généralement plus élevées en termes absolus dans les pays à haut revenu, explique le rapport de Christian Aid, la valeur économique des infrastructures et des habitations est généralement plus élevée, les dépenses des ménages y sont plus importantes et une plus grande partie des biens est couverte par l’assurance – et donc calculable – en termes financiers ». Au contraire, comme on l’a vu à Mayotte, l’un des territoires les plus pauvres de France, ou dans le Sud-Est de l’Asie, si les coûts matériels sont moins élevés – notamment parce qu’ils ne sont pas assurés ou que les constructions sont moins onéreuses, c’est bien souvent au prix de plus de pertes humaines. Et c’est une double peine. Car la pauvreté, les logements fragiles et le manque de ressources en général rendent d’autant plus vulnérables ces populations face aux catastrophes naturelles.
Par ailleurs, ces données des assurances sous-estiment les dommages réels et à long terme pour les sociétés touchées : le manque de données dans les régions pauvres s’ajoutent aux pertes humaines, au manque de ressources pour reconstruire, à la destruction des infrastructures d’eau, d’énergie, de santé et industrielles, ou aux pertes agricoles et celles liées aux écosystèmes – les sols, les forêts, les mangroves et les coraux qui ont tous été frappés à Mayotte par le cyclone Chido.
Pour réduire ces vulnérabilités, le rapport appelle les pays riches à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter les conséquences néfastes du changement climatique, qui frappent les pays les plus vulnérables en premier. Il rappelle en outre que les accords signés lors de la COP29 de Bakou (Azerbaïdjan) de financement de la transition écologique des pays émergeant et en développement par les pays développés sont bien en-deçà des besoins. Les 300 milliards de dollars annuels débloqués par les pollueurs historiques sont insuffisants. Il faudrait au minimum 1 300 milliards chaque année pour y parvenir.
Les incendies de Los Angeles, déjà l’une des plus coûteuses catastrophes de Californie
La cité des Anges est en feu et c’est déjà l’une des catastrophes les plus coûteuses de la Californie. Les premières estimations de l’organisme météorologique américain AccuWeather tablent déjà sur près de 150 milliards de dollars de dégâts. De fait, les maisons détruites dans les quartiers des vedettes (Pacific Palissade, Hollywood) comptent parmi les plus chères des États-Unis. Et des effets à plus long terme comme une baisse de l’activité touristique, très lucrative pour la région, sont à prévoir, en plus d’une hausse des dépenses de santé, selon AccuWeather cité par Bloomberg. Si selon Standard and Poor’s, les assureurs devraient pouvoir faire face aux bien assurés (environ 20 milliards de dollars) en raison de bonnes provisions, combien de temps cela durera-t-il ?
La Californie a subi plusieurs mégafeux ces dernières années et que la zone est un hot spot du changement climatique qui en fait un terrain propice à leur multiplication dans les prochaines années, incitant les assurances a déjà fortement réduire leur présence dans les régions californiennes. Ce devrait donc être à l’État, notamment via le plan FAIR, un système public d’assurance mis en place par la Californie pour ceux qui ne trouvent plus d’assureurs, de payer en partie la facture. Mais l’arrivée prochaine de Donald Trump au pouvoir pourrait rebattre les cartes. Le dernier bilan en date fait état d’au moins 24 morts, de nombreux blessés, 180 000 évacuations ainsi que de plus de 10 000 bâtiments détruits.
BH.
Illustration : Canva