Maintenant que vous connaissez l’histoire de la COP21 grâce au dernier article de notre Dossier COP21, voyons comment il est possible que cette négociation soit un succès. Malgré les nombreuses négociations depuis 20 ans, il a toujours été difficile d’obtenir un accord sur le climat. Le contexte géopolitique difficile, l’opposition de certains Etats et la difficulté à se projeter dans un nouveau modèle ont longtemps bloqué les négociations. Voici 5 choses à surmonter pour faire de la COP21 un succès.
1. Les accords sur le climat sont négociés par des Etats souverains pour des Etats
C’est un défi fondamental en matière de démocratie internationale et de diplomatie. Tous les accords sont négociés et signés par des Etats, dans l’intérêt des Etats.
Pourquoi est-ce un problème ? Prenons l’exemple du protocole de Kyoto : énormément d’Etats ont signé le protocole qui prévoyait une réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, très peu ont atteint l’objectif, et on en vient à se demander à quoi tout cela a servi.
En réalité, le droit international est aujourd’hui un système « westphalien » (du nom du traité de Westphalie qui a instauré en 1648 le système des Etats-Nations souverains). Plus concrètement, cela signifie que chaque Etat décide de sa politique et chaque Etat est souverain. Il n’existe donc pas d’autorité au dessus des Etats qui soit capable d’obliger un Etat à tenir ses engagements ou à le punir quand il ne les tient pas. Même l’Organisation des Nations-Unies ne peut pas se substituer aux Etats. Dans les faits, cela veut dire que chaque Etat peut signer un traité sur le climat et ne pas le respecter.
L’autre problème est que, dans les négociations, ces Etats ne négocient que pour leur intérêt. Si un Etat ne se sent pas concerné par le problème, rien ne l’oblige à signer. C’est ce que firent les Etats-Unis en 1997 au moment de la signature de Kyoto. Même les plus grandes démocraties mondiales n’invitent pas tous leurs citoyens à se prononcer sur la signature des traités. Ce sont des diplomates et des politiques qui les négocient, et leur priorité dans ces négociations est bien souvent l’économie.
2. Le refus de signer des gros pollueurs
La conséquence logique est que les plus gros pollueurs refusent bien souvent de signer les accords sur le climat. Lorsqu’un pays pollue énormément, c’est qu’une grande partie de son économie dépend d’industries qui polluent. S’engager à réduire ses émissions, bien souvent, c’est aussi s’engager à réduire (au moins temporairement) le dynamisme de certaines industries.
Pour reprendre le même exemple, en 1997 les Etats-Unis refusent de signer Kyoto pour une bonne raison. Après 20 ans de baisse de la croissance, d’augmentation du chômage et de ralentissement économique, les années 1992-2000 marquent le retour à la croissance. Les Etats-Unis sont alors le 2ème producteur mondial de charbon et de pétrole et ils n’ont aucun intérêt à s’engager à réduire leurs émissions.
Malgré la signature du traité par le Vice-Président Al Gore (plus connu pour son film « Une vérité qui dérange »), le Congrès Américain refusera de ratifier le traité. Résultat, sous l’administration Clinton entre 1992 et 2000, les émissions augmenteront de 1% par an en moyenne.
Ainsi, pendant longtemps, la Chine et les Etats-Unis ont refusé de signer un accord de réduction de leurs gaz à effet de serre, alors qu’ils représentent près de 38% des émissions mondiales.
3. Le clivage Nord / Sud sur la question du changement climatique
La question du changement climatique a également vu monter une opposition entre pays du Nord et pays du Sud. Au moment des négociations des premières COP, ce sont les européens qui militaient le plus pour une action internationale afin de réduire le changement climatique.
Dans les pays du Sud, en développement, la priorité est différente : ces pays veulent sortir leurs populations de la pauvreté et se développer. Pour eux, réduire leurs émissions veut dire renoncer à l’industrialisation qui pourrait leur apporter de la croissance.
La Chine, l’Inde et d’autres pays en développement se sont regroupés autour d’un groupe intitulé le G77. Ce groupe militait pour une « responsabilité commune mais différenciée » sur le climat. L’idée était simple : puisque les pays occidentaux ont pu se développer pendant 100 ans en polluant et qu’ils sont les principaux responsables, ils doivent faire des efforts plus importants et aider les pays du Sud à financer leur transition vers une économie plus propre, sans entraver leur développement.
Ce principe n’a malheureusement jamais été réellement appliqué : le Fonds Vert sur le Climat, supposé aider à ce financement, n’a été créé que 12 ans plus tard à la COP15 de Copenhague. A ce jour, les modalités de financement ne sont toujours pas clairement définies.
4. L’addiction à la modernité de nos sociétés
L’un des problèmes saillants des réflexions sur le changement climatique est la difficulté à imaginer un changement de paradigme social. Nos sociétés sont accroc à la modernité, à la consommation rapide et au gaspillage. Tout le monde est d’accord sur la nécessité de réduire nos émissions, mais les Etats, les entreprises et les individus continuent de consommer sans prendre en compte la durabilité de leurs pratiques.
En France, nous changeons de téléphone chaque fois qu’un nouveau modèle sort, nous gaspillons près de 20 kg de nourriture par an et par personne, etc. Difficile donc de négocier ce réel changement si nous ne sommes pas prêts à changer notre mode de vie.i
5. La perception du problème du réchauffement climatique
Le problème à la racine de tous les autres est finalement notre perception du changement climatique. Nous situons le changement climatique dans l’avenir, pour éviter d’y penser vraiment.
Les experts expliquent régulièrement que les vrais changements sur nos éco-systèmes seront visibles d’ici une centaine d’années, avec un réchauffement de 2 degrés. Cet éloignement temporel nous empêche de penser le réchauffement climatique comme une vraie urgence et d’agir maintenant pour l’éviter.
Comment faire pour surmonter ces 5 problèmes qui ont bloqué longtemps les négociations climatiques ? D’abord prendre conscience de l’urgence du problème, ensuite, être prêt à remettre en cause un peu notre mode de vie. Il faut aussi que la société civile s’investisse dans les négociations et que son avis compte avec celui des diplomates et des politiques. Il faut que les Etats les plus développés prennent leurs responsabilités dans la transition en aidant les plus pauvres. Enfin, peut-être faut-il aussi mettre en place un mécanisme contraignant qui oblige les Etats à respecter leurs engagements.
Vaste problème qui attend tous les acteurs de la COP21, et qui nécessite donc que chacun se mobilise…car cette COP21 pourrait bien-être celle de la dernière chance (voir notre prochain article mardi prochain dans notre Dossier COP21)
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