Tous les jeudis, l’actualité de la RSE en chiffres ! Cette semaine on se penche sur les opportunités économiques de la protection de la biodiversité. Un rapport de l’IPBES paru en décembre 2024 montre que celles-ci sont importantes…à condition d’agir vite. Explications.

Comme pour le changement climatique, le coût de l’inaction (en retardant l’action de 10 ans) sur la biodiversité, est deux fois plus élevé que celles mises en œuvre tout de suite, alerte l’IPBES dans son rapport Planète en péril. Une action retardée sur le changement climatique ajoute au moins 500 milliards de dollars par an de coûts supplémentaires pour atteindre les objectifs politiques. Au contraire, agir immédiatement sur la biodiversité peut également débloquer « d’énormes opportunités commerciales et d’innovation », selon ce dernier. Plus de 10 000 milliards de dollars pourraient ainsi être générés par des approches économiques respectueuses de la biodiversité et 395 millions d’emplois pourraient être soutenus à l’échelle mondiale d’ici 2030. 

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La nécessité d’un changement transformateur

Mais il faudra pour cela un changement transformateur, c’est-à-dire impliquant des changements fondamentaux dans notre façon de nous structurer (organisation, réglementations, gouvernance), de faire et d’interagir mais aussi dans notre manière de penser le monde et de le comprendre. Car nos pratiques actuelles « renforcent les causes sous-jacentes de la perte de biodiversité et du déclin de la nature », souligne le rapport. Pour autant, il ne faut pas attendre un Grand soir, préviennent les auteurs. « Le changement transformateur est rarement le résultat d’un seul événement, d’un seul moteur ou d’un seul acteur. Il est mieux compris comme des changements que chacun d’entre nous peut créer, et de multiples changements en cascade qui se déclenchent et se renforcent les uns les autres, souvent de manière inattendue », assure le professeur Arun Agrawal, co-président de l’évaluation. 

« Le changement transformatif est urgent, nécessaire et complexe, mais possible », veut rassurer l’IPBES. Pour cela, il faudra toutefois lever cinq obstacles majeurs : les relations de domination sur la nature et les personnes, apparues à l’époque coloniales et qui persistent aujourd’hui ; les inégalités économiques et politiques ; les politiques et institutions inadaptées ; les modes de consommation et de production non durables ; l’accès limité aux technologies propres et aux systèmes de connaissance et d’innovation non coordonnés. Des obstacles qui sont renforcés par les pratiques de lobbying et de corruption et qui créent des inégalités et des injustices. 

Relation entre les défis et les obstacles au changement transformateur. Source : IPBES, Planète en péril (2024)

Réorienter l’économie

Qui doit mettre ce changement en route ? État, entreprises, collectivités, institutions, individus…chacun a son rôle à jouer, insiste l’IPBES. Mais « ceux qui ont le plus bénéficié des activités économiques associées aux dommages causés à la nature – en particulier les acteurs riches – ont plus d’opportunités et de ressources pour créer le changement. Le faire tout en impliquant d’autres personnes dans des processus de décision équilibrés peut libérer à la fois la capacité d’agir et les ressources nécessaires pour créer le changement », précise Arun Agrawal. 

Avec quelles stratégies économiques ? D’abord il faudra abandonner toutes dépenses néfastes à la biodiversité. Et celles-ci sont encore très nombreuses. Les subventions publiques directes néfastes à la nature étaient estimées entre 1 400 Mds $ et 3 300 Mds $ par an en 2022 et elles sont en augmentation. Ensuite, il importe de financer des actions de gestion durable des écosystèmes. Le rapport estime qu’il faudrait entre 722 et 967 Mds $ par an pour gérer durablement la biodiversité et maintenir l’intégrité des écosystèmes. Or, seulement 135 milliards de dollars par an sont aujourd’hui consacrés à la conservation de la biodiversité.

Pour accélérer le changement l’IPBES préconise aussi d’internaliser les coûts environnementaux, par exemple avec une véritable comptabilité analytique triple capital, d’arrêter les subventions et financements (privés et illégaux) néfastes à la biodiversité, de reconsidérer les dettes mondiales, d’inciter à un engagement positif du secteur privé, d’établir la durabilité comme un principe fiscal de base, de mieux mesurer les différentes valeurs (économiques, sociales…) de la nature mais aussi de mettre en place une agriculture régénératrice.

Les 5 stratégies à mettre en œuvre pour assurer un changement transformatif – source : IPBES, Planète en péril, décembre 2024

Illustration : Canva