Où en est la lutte contre le changement climatique en Europe ? Nos émissions baissent-elles ? Et grâce à quoi ? Retour sur le panorama publié par l’Agence Européenne de l’Environnement.
Quelques mois après la COP21, nombreux sont les observateurs qui se questionnent sur les suites qui vont être données à l’accord historique de Paris. Que vont faire les gouvernements pour parvenir à atteindre leurs objectifs ? Des efforts sont-ils réellement mis en place ? Et dans quelle mesure cela fonctionne-t-il ? Qu’en est-il de l’Europe et que font vraiment les gouvernements pour lutter contre le changement climatique depuis 25 ans ?
Pour mieux le comprendre, intéressons-nous à la parution du rapport annuel de l’Agence Européenne de l’Environnement sur les émissions de gaz à effet de serre en Europe. Comment les émissions de gaz à effet de serre ont-elles évolué en Europe depuis 25 ans ? Les gouvernements en font-il assez ? Cela suffira-t-il à atteindre les objectifs de Paris ? Décryptage.
Les émissions de CO2 ont baissé de 24% en 24 ans
Premier constat : la lutte contre le changement climatique est déjà lancée depuis longtemps en Europe, et n’a pas attendu la COP21. Depuis 1990, des progrès relativement importants ont déjà été réalisés en matière d’émissions de CO2. Les émissions de CO2 du vieux continent ont diminué de 24% depuis 1990, soit en moyenne une baisse de 1% par an. Globalement, l’Europe a donc largement dépassé les objectifs qu’elle s’était fixés dans le cadre du protocole de Kyoto en 1997 (qui étaient une diminution de 8% des émissions entre 1990 et 2012).
Au total, l’Europe à 28 (+ l’Islande), qui représente environ 7% de la population mondiale, a émis en 2014 environ 4 290 millions de tonnes équivalent CO2, soit environ 9% des émissions mondiales estimées à 46 000 millions de tonnes équivalent CO2.
Toutefois, le rythme de cette baisse va devoir s’accélérer de façon très importante si les pays européens souhaitent atteindre les objectifs définis dans le cadre de la COP21. En effet, si l’Europe n’a pas de cible globale de réduction des émissions de CO2 pour 2030 dans le cadre de la COP21, la plupart des pays européens ont d’ores et déjà fixé des objectifs ambitieux.
Ainsi, la France prévoit d’ici 2030 une baisse de 40% de ses émissions de GES (gaz à effet de serre) par rapport aux niveaux de 1990. Cela veut dire que l’Hexagone va devoir réduire de 130 millions de tonnes ses émissions de CO2 par rapport aux niveaux actuels (sachant que le pays n’a pu les réduire que de 90 millions de tonnes durant les 25 dernières années). Pour 2050, le gouvernement va encore plus loin en tablant sur une baisse de 75%. En Allemagne, l’objectif est d’atteindre une baisse de 55% d’ici 2030, et 80 à 95% d’ici 2050. Pour cela, l’Allemagne va devoir réduire ses émissions de 340 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici 2030, puis encore d’au moins 310 millions de tonnes de CO2 entre 2030 et 2050.
Cela représente une baisse 1.5 à 3 fois plus rapide que celle que ces pays ont été capables d’achever depuis 1990. Sachant que ces objectifs ne suffiront sans doute même pas à rester sous la barre des 2 degrés d’augmentation des températures.
Les émissions de CO2 dans les pays européens : de forte disparités
D’autre part, au sein de l’Europe à 28, les émissions de CO2 ne sont pas réparties de façon égales dans tous les pays. Ainsi, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie (les plus grandes puissances économiques du continent) sont les 4 plus gros émetteurs. L’Allemagne représente à elle seule 21% des émissions européennes, le Royaume-Uni 12%, la France 10.7% et l’Italie 9.7%. C’est la France qui s’en sort le mieux en matière d’émissions de CO2 par habitant parmi les grandes puissances européennes, avec 6.7 tonnes de CO2 par habitant, soit près de 2 fois moins que l’Allemagne.
Mais surtout, si des progrès dans la baisse des émissions se ressentent à l’échelle de l’Europe, ils ne sont pas répartis de façon égale dans tous les pays européens. D’abord, entre 1990 et 2014, certains pays ont continué à augmenter leurs émissions de CO2. C’est le cas notamment de Chypre, de l’Irlande, du Portugal, ou encore de l’Espagne (+15% d’émissions de GES entre 1990 et 2014) et de la Grèce. Dans ces pays la forte croissance des 2-3 dernières décennies, soutenue par une forte poussée des constructions immobilières a entraîné une hausse des émissions.
À côté de ces pays, les plus gros pollueurs ont largement réduit leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre. Le Royaume-Uni a enregistré une baisse de 34% de ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2014, l’Allemagne près de 28%, la France 16.5% et l’Italie de plus de 19%. La Belgique ou le Danemark ont réduit leurs émissions de CO2 de 22 et 27% respectivement et les Pays-Bas de pratiquement 16%. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la plupart des pays européens ont donc réellement agi pour réduire les émissions de CO2 dans leur pays.
La plupart des pays de l’ex ère soviétique ont également drastiquement réduit leurs émissions de CO2 (de l’ordre de 50% de baisse entre 1990 et 2014)
Quels secteurs économiques ont vraiment réduit leurs émissions de CO2 ?
Mais d’où vient cette baisse des émissions de CO2 exactement ? Est-ce le résultat de la transition énergétique et de la politique environnementale des gouvernements ? D’un changement de comportement des consommateurs ? De l’innovation technologique dans les industries ?
D’abord, la baisse des émissions n’est pas liée à une baisse de l’activité économique en Europe, puisqu’entre 1990 et 2014, la croissance de la région s’élève à 47%.
Globalement, c’est plutôt la politique environnementale et énergétique des Etats qui a permis la baisse des émissions de CO2 depuis 25 ans en Europe. D’après l’Agence Européenne de l’Environnement, 25% de la baisse des émissions de GES dans la région est due à la diminution des émissions liées à la consommation électrique et à la production de chaleur. C’est la conséquence logique de la transition énergétique lancée dans de nombreux gouvernement européens, avec le développement d’énergies décarbonnées comme les énergies renouvelables ou le nucléaire.
Les autres secteurs impliqués dans la baisse sont les industries manufacturières et la production d’acier et de fer, qui ont contribué à environ 20% et 10% respectivement de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Cette tendance s’explique notamment par la transition économique vécue par les pays d’Europe de l’Est dans les années 1990, après la chute de l’URSS. En effet, ces pays étaient dotés jusqu’au début des années 1990 de très grosses industries lourdes, qui ont été abandonnées après la fin de l’empire soviétique (notamment au profit d’une production chinoise). C’est ce qui explique que des pays comme la Roumanie, la Slovaquie ou la Lituanie aient pu diviser par deux leurs émissions en 25 ans. D’autre part, de manière générale, presque tous les secteurs ont vu leurs émissions de CO2 baisser : l’élevage, le secteur des déchets, l’agriculture et même le ciment, notamment grâce à l’amélioration des processus.
En fait, les seuls secteurs qui ont vu leurs émissions de GES augmenter sont les transports hors aviation (124 millions de tonnes de CO2 émis en plus par rapport à 1990) et le secteur de la réfrigération et des climatisations (+100 millions de tonnes). Le transport routier notamment, a augmenté partout en Europe : +36% en France, +40% en Allemagne, jusqu’à 240% en Pologne, 200% au Portugal et 113% en Espagne. Majoritairement, ce sont les voitures individuelles et les véhicules légers qui contribuent à polluer le plus (elles représentent 85% des émissions de CO2 du transport routier, pour uniquement 15% pour le transport de marchandises).
Comment accélérer la lutte contre le réchauffement climatique en Europe ?
Au final, l’Europe présente pour l’instant une feuille de route d’assez bonne qualité dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les émissions de CO2 ont été diminuées d’un quart depuis 1990, notamment grâce à des politiques gouvernementales de transition énergétique plutôt efficaces. C’est une stratégie qu’il va falloir accélérer encore pour diminuer nos émissions de CO2. Bien sûr, il faudrait comptabiliser les émissions de GES réalisées dans les pays en développement pour fabriquer les produits que nous consommons en Europe pour avoir nos émissions réelles. Et pour les réduire, il faudrait probablement diminuer la consommation de tous ces produits importés.
Mais, le principal problème en Europe vis-à-vis du changement climatique, c’est que la consommation d’énergie primaire ne baisse pas, et elle a plutôt tendance à augmenter à cause de l’utilisation des voitures. Une raison de plus de réfléchir à des villes sans voitures et d’être plus responsable dans les transports au quotidien.