2024 sera l’année de l’adaptation, a assuré le ministre de la Transition écologique, en annonçant la sortie prochaine des grandes lignes du futur Plan national d’adaptation au changement climatique. Retardé pour cause de remaniement, celui-ci s’appuiera sur un scénario de +4°C en 2100 par rapport à 1900. Une trajectoire qui a pu faire grincer des dents l’an dernier mais qui est maintenant devenue le scénario de référence. Explications.

La troisième version du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) devait être présentée à la fin du mois de janvier 2024, mais le remaniement acté par la nomination du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, le 9 janvier 2024 aura bouleversé le planning du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Les grandes lignes de cette nouvelle mouture de ce plan, qui devrait comporter une cinquantaine de mesures, seront finalement présentées au gouvernement fin février. Celui-ci sera mis en consultation aux parties prenantes un mois plus tard pour une publication prévue au début de l’été.

Ce nouveau PNACC remplace la précédente version du plan, active de 2018 à 2022, et qui s’appuyait sur une hypothèse d’une hausse des températures en France de +3°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Mais cette fois-ci, en plus du scénario 2°C aligné sur l’Accord de Paris, le plan table sur un scénario de +4°C d’ici 2100 par rapport à 1900 sur le territoire métropolitain. Cette trajectoire a officiellement été retenue comme trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), un cadre commun servant à la construction des politiques d’adaptation en France, publié à l’automne 2023.

La France se réchauffe plus vite que le reste du monde

Si le futur Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) s’appuie sur une hausse de +4°C d’ici 2100, c’est que ce scénario est loin d’être une science-fiction. Pour les chercheurs d’une étude publiée le 4 octobre 2022 sur la revue Earth System Dynamics du programme de recherche de l’Union européenne Copernicus, les +4°C sont pour le moment le scénario le plus probable étant donné les tendances actuelles de réduction de gaz à effet de serre dans le monde et les engagements pris par les différents pays du Globe. 

De plus, « l’Europe de l’Ouest et la France font partie des régions du globe qui se réchauffent plus vite que la moyenne planétaire”, a souligné Patrick Josse directeur de la climatologie et des services climatologiques à Météo-France lors du colloque Météo-France / Le Monde sur l’adaptation au changement climatique. Selon les prévisions des modèles climatiques, une hausse moyenne des températures de +2,7°C est en effet attendue dans l’Hexagone d’ici 2050, alors qu’elle ne serait que de +2°C pour la moyenne mondiale. Celle-ci pourrait atteindre +4°C d’ici 2100 contre +3°C dans le monde.

Cette différence de réchauffement s’explique notamment parce que « la moyenne mondiale de +3°C comprend autant la température des océans que celle des continents », explique à Youmatter, Joël Guiot, chercheur émérite au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement et co-auteur du rapport du GIEC sur les 1,5°C en 2018. « Or, les continents se réchauffent plus vite que les océans. Il est donc normal qu’on observe une hausse plus rapide des températures continentales”

Considéré comme un hot spot du changement climatique, le bassin méditerrannéen est en première ligne. Sa position géographique, l’évapotranspiration croissante, et l’arrivée de vents chauds du Sahara expliquent en partie les températures plus importantes. « On connaît la vitesse de réchauffement sur une région. Si on regarde le sud de la France, aujourd’hui nous sommes à 2°C en moyenne, et on prend +0,4 °C tous les 10 ans. Il est donc possible dans 30 – 40 ans que le sud de la France atteigne les +4°C avec la trajectoire actuelle”, précise Joël Guiot. Mais pour valider officiellement les +4°C, il faut que cette moyenne soit observée sur une période de 30 ans par Météo France. 

S’adapter sans oublier de réduire nos émissions de gaz à effet de serre

Les précédentes années, marquées par 2022, l’année la plus chaude jamais mesurée en France avec +2,9°C en moyenne, et 2023, la plus chaude jamais enregistrée sur le Globe, témoignent de ce qui nous attend dans les prochaines années. Sur une décennie, le réchauffement actuel en France est déjà de +1,7°C par rapport à la période 1850-1900.

À +4°C de température moyenne, les périodes estivales devraient être plus chaudes de +5 °C en moyenne et la population métropolitaine pourrait subir jusqu’à deux mois de canicule selon la TRACC. Mais il y aura aussi plus de risques d’inondation, de submersions, de canicules, de sécheresses et d’incendies. Nos repères actuels seront bouleversés. Cela demandera non seulement une adaptation mais une transformation radicale des différents territoires et secteurs économiques, de nos modes de vie et de production mais aussi des infrastructures qui y sont liées. C’est cela que doit planifier le prochain PNACC. Car comme le rappelle le Haut Conseil pour le climat dans son dernier rapport, la France n’est « manifestement pas prête » et doit « changer d’échelle » ses politiques d’adaptation.

Le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, tente d’apaiser les craintes et assure que « cette année 2024, ce sera l’année de l’adaptation, l’année si j’ose dire où nous allons passer du constat, de la sortie du déni, à la mise en œuvre des mesures qui sont nécessaires », rapporte l’AFP.

Joël Guiot dit cependant craindre qu’« en se préparant au pire, on risque peut-être de ne pas faire assez d’effort pour empêcher le pire d’arriver”. Car, comme le rappellent le GIEC et le Haut conseil pour le Climat, atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) et adaptation doivent marcher de concert pour lutter efficacement contre le changement climatique. 


Photo par Michel operto, Pexels.