Si le climat atteint un réchauffement de 2 degrés, ce sont près de 230 milliards de tonnes de CO2 stockées dans les sols qui pourraient être libérées dans l’atmosphère.
Avec l’océan et les forêts, les sols de la planète font partie des principaux « puits de carbone » de la planète. Par divers mécanismes, ils stockent et émettent chaque année et depuis des millénaires de grandes quantités de carbone.
Les sols en particulier contiennent de très grandes quantités de carbone : environ 2 à 3 fois plus que la quantité de carbone présente dans l’atmosphère. Mais les mécanismes qui permettent aux sols de stocker le carbone évoluent, par exemple en fonction de la vie végétale du sol, de l’activité microbienne, ou encore de la température.
Le réchauffement climatique, en modifiant ces variables, pourrait donc affecter la capacité des sols à stocker le carbone, et contribuer à augmenter la quantité de CO2 dans l’atmosphère. Explications.
Le réchauffement climatique diminue la capacité des sols à stocker le carbone
Une étude publiée en novembre 2020 dans la revue Nature apporte un éclairage intéressant, et pour le moins inquiétant sur le lien entre réchauffement climatique et puits de carbone dans les sols.
Les chercheurs estiment ainsi qu’avec la montée des températures globales, les sols risquent de stocker de moins en moins de carbone. Ce sont même près de 230 milliards de tonnes d’équivalents CO2 qui pourraient être relâchées dans l’atmosphère, notamment suite à la fonte des permafrosts de surface.
Pour en arriver à cette conclusion, les scientifiques ont étudié la manière dont la température affectait le cycle du carbone dans les sols dans divers régions de la planète. Ils ont ensuite utilisé des modèles écosystèmiques complexes (les Earth System Models) pour comprendre comment l’évolution attendue des températures avec le réchauffement climatique allait affecter le cycle global du carbone.
Les résultats de ces modélisations les amènent à la conclusion que si la planète atteint 2 degrés de réchauffement climatique, les sols mondiaux pourraient relâcher enter 220 et 270 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Sols, climat et rétroaction positive
En d’autres termes, dans un climat plus chaud, le sol sera un puits de carbone moins performant, stockant moins de CO2 et larguant même une partie du CO2 qu’il stockait. En l’occurence, à 2 degrés d’augmentation des températures, ces émissions additionnelles pourrait représenter l’équivalent de plus de 5 ans d’émissions de CO2 mondiales. Ou deux fois plus de CO2 que ce que les Etats-Unis ont émis depuis près de 100 ans.
Cela signifie que le réchauffement climatique pourrait s’alimenter lui même, en augmentant la quantité de CO2 dans l’atmosphère. C’est ce que l’on appelle une rétroaction positive. Ces boucles de rétroaction sont des phénomènes particulièrement importants, qui mettent en lumière la complexité du réchauffement climatique. À cause de ce type d’effets, le réchauffement climatique pourrait bien s’emballer. D’où l’importance de vite limiter nos émissions de CO2 pour éviter d’atteindre des seuils critiques où les phénomènes pourraient s’alimenter les uns les autres
Les sols : un enjeu fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique
Dans cette étude, les chercheurs se sont toutefois concentrés sur le carbone stocké dans la couche superficielle du sol, à une profondeur d’un mètre maximum.
Il y a donc de bonnes raisons de penser que l’augmentation des températures pourrait en fait dégrader encore plus les cycles du carbone dans les sols, notamment dans les couches plus profondes.
Cette étude met une nouvelle fois en lumière l’importance de la gestion écologique des sols dans la lutte contre le réchauffement climatique. Que l’on parle d’agriculture, d’artificialisation des sols, ou de restauration écologique, on voit qu’il est fondamental d’avoir une approche globale sur la question des sols, qui pourrait être à l’avenir l’une des clefs de la lutte pour la préservation du climat.
Photo par Joran Quinten sur Unsplash