Quelques jours seulement après l’investiture de Donald Trump comme successeur de Barack Obama à la tête des Etats-Unis d’Amérique, la guerre a déjà commencé. Il ne s’agit pas d’une guerre militaire, mais d’une guerre de grande ampleur à propos des données climatiques. Et les climatologues sont très inquiets.
Avant même l’investiture de Donald Trump, un vent de panique avait déjà commencé à souffler sur l’ensemble des scientifiques américains investis dans la recherche sur le climat. Le milliardaire américain, connu pour ses positions anti-scientifiques sur le réchauffement climatique avait déjà plusieurs fois fait des déclarations stupéfiantes sur le sujet, prétendant par exemple qu’il était un complot élaboré par le gouvernement chinois. Avec l’élection de l’homme d’affaire, les scientifiques ont commencé à prendre peur : que fera-t-il sur le sujet ? Qu’adviendra-t-il des financements fédéraux de la recherche sur le climat ? L’administration Trump tentera-t-elle d’interférer avec les scientifiques sur le climat ? Et que fera Trump pour continuer les efforts sur le changement climatique ?
Aujourd’hui, une partie de ces questions ont déjà trouvé leurs réponses… et la guerre des données climatiques semble avoir déjà commencé.
Un symbole : la suppression des données sur le changement climatique sur le site de l’administration Trump
À peine arrivée au pouvoir, l’une des premières mesures de l’administration de l’ex présentateur de télévision a été de supprimer la page dédiée au changement climatique et à la transition énergétique sur le site du gouvernement. Rien de très étonnant là dedans : Donald Trump avait par avance fait connaître ses positions sur le sujet. Il ne croit pas dans le danger du réchauffement climatique. À ce titre, il ne comptait pas poursuivre les efforts entrepris par Obama sur la transition énergétique. Son objectif : booster la production d’hydrocarbures aux Etats-Unis, et mettre fin à la participation des Etats-Unis à l’Accord de Paris. Toutefois, la suppression de toute page mentionnant le changement climatique sur le site de l’administration Trump agit comme un symbole : il ne s’agit pas simplement de mettre la lutte contre le changement climatique au second plan et de se concentrer sur d’autres priorités. Non, cette suppression symbolise l’anéantissement pur et simple de toute forme de réflexion sur le sujet. Ce négationnisme volontaire veut dire une chose : non seulement Trump n’agira pas pour lutter contre le changement climatique, mais il mettra tout en oeuvre pour que ce sujet sorte (peut-être définitivement) de l’agenda public.
Pour poursuivre cette démarche, Trump décide également de nommer à la tête de l’EPA (l’Environmental Protection Agency l’organisme chargé de chapeauter la protection de l’environnement aux Etats-Unis) un certain Scott Pruit. L’homme, connu pour avoir des positions très climato-sceptiques a notamment été Procureur Général de l’Okhlaoma. Durant son mandat, il a été à l’origine d’au moins douze plaintes contre l’EPA à propos de son programme de transition énergétique, de ses règlementations sur la protection de la ressource en eau, mais aussi des réglementations affectant les centrales à charbon. L’homme à la tête de l’EPA ne sera donc vraisemblablement pas celui qui s’attachera à maintenir des efforts sur le sujet du climat.
Quand Trump censure les scientifiques et les ministèrees
Depuis son investiture, les choses s’accélèrent encore. Donald Trump impose à tous les personnels de l’EPA un black-out médiatique : interdiction de communiquer sur les réseaux sociaux, de publier des communiqués de presse ou de mettre à jour leurs sites web. Résultat : alors que l’agence publiait régulièrement (plusieurs fois par jour) sur les réseaux sociaux des informations scientifiques liées à l’environnement, à la consommation responsable ou au climat, elle n’a rien publié depuis jeudi dernier.
L’administration Trump aurait également demandé à l’EPA de supprimer toutes les données de son site web relatives au changement climatique…
Plusieurs ministères ont également subi la même censure, notamment le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Agriculture. D’après Doug Ericksen, qui représente la nouvelle administration américaine, il s’agit pour le gouvernement de « contrôler que les informations qui sortent reflètent les priorités de la nouvelle administration« . En d’autres termes, il s’agit d’une censure d’Etat sur toute information qui pourrait traiter du réchauffement climatique ou de la protection de l’environnement, que Donald Trump a souvent qualifié d’inutiles.
Doug Ericksen a également signalé que les publications scientifiques de l’EPA subiraient une vérification « au cas par cas » avant publication. D’autres agences indépendantes travaillant dans la recherche scientifique semblent avoir subi le même type de pressions. Ainsi, la CDC (Centers for Disease Control and Prevention, qui est chargé d’étudier les problématiques de santé dans le pays) a annulé sans donner d’explications une grande conférence prévue depuis des mois en février 2017, et qui devait traiter… des liens entre le réchauffement climatique et la santé.
Bref, tout indique que Trump cherche à mettre fin à toute forme de recherche et de publications traitant du climat.
Les scientifiques se mobilisent pour sauver l’indépendance de la recherche
Face à cette situation, les scientifiques semblent très inquiets. Dès le mois de décembre, une partie des scientifiques travaillant sur la question ont commencé à sauvegarder les données de leurs recherches sur des disques et des serveurs externes, afin de les préserver d’une éventuelle tentative de la nouvelle administration de les supprimer purement et simplement. Ce mouvement continue en ce moment même et les chercheurs se mobilisent pour préserver les connaissances sur le climat.
Il est probable que dans les mois à venir, ce soient les financements de la recherche qui soient coupés par les pouvoirs publics. Et sans financement, il sera désormais impossible pour les scientifiques américains d’étudier le changement climatique. Pour faire face à ces tentatives de censures et de musellement, la communauté scientifique prévoit également d’organiser une marche, similaire à la Marche des Femmes qui a réuni des millions de personnes dimanche 22 janvier.
Au final, c’est une véritable guerre des données qui semble s’être amorcée aux Etats-Unis. Trump semble vouloir faire sortir la question du climat du débat public et scientifique, il censure les organismes qui pourraient étudier ces questions, pour imposer une vision anti-scientifique de la réalité climatique. Comme il l’a fait à propos de son inauguration, il tente probablement d’imposer des « faits alternatifs » (on pourrait aussi dire des contre vérités) sur le changement climatique. Face à ces assauts contre la science, les scientifiques ont malheureusement assez peu d’armes pour se défendre… Leur seul espoir : sauver les données pour que la connaissance continue à exister.
C’est en tout cas une situation très alarmante qui est en train de se dessiner aux Etats-Unis pour le monde académique, une situation qui n’a que peu d’équivalent dans la mémoire collective, à part peut-être celle que décrit George Orwell dans son oeuvre (tristement prémonitoire), 1984, dont les ventes ont d’ailleurs augmenté de 10000% depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.