Les tempêtes pourraient diminuer de 24 % la capacité de séquestration des forêts françaises estime une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’INRAE et d’AgroParisTech. Un constat qui complique l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé la France.

« Dans la trajectoire pour atteindre la neutralité carbone, les événements extrêmes, et notamment les tempêtes, sont peu pris en compte », soulignent des chercheurs de l’INRAE et d’AgroParisTech. Pour combler ces manques, ceux-ci se sont intéressés aux conséquences des tempêtes sur les forêts françaises. Les résultats de leurs recherches ont été publiés cet été dans la revue Environmental Research Letters. Et le constat est alarmant. Car en plus des répercussions économiques sur le secteur forestier, « les tempêtes impactent fortement les puits de carbone du secteur forestier, augmentant le risque de ne pas atteindre les objectifs d’atténuation climatique », notent les chercheurs.  

Dans un quart des 300 simulations réalisées à l’horizon 2050, les chercheurs ont observé une diminution de 24 % de la séquestration du carbone. « Les dommages sont causés principalement par des tempêtes extrêmes, qui sont des événements peu récurrents, mais dont les conséquences sont importantes », expliquent-ils.

Les tempêtes, un obstacle à la neutralité carbone

Le secteur forestier occupe une place toute particulière dans la stratégie de décarbonation de la France, la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone). En effet, pour vivre dans un monde durable, il faut d’abord réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais également pouvoir absorber puis séquestrer les émissions résiduelles des activités humaines. Pour atteindre la neutralité carbone, la France doit ainsi doubler la capacité de ses puits de carbone. Le secteur forestier, grâce aux arbres, aux sols et aux biens qu’il produit (meubles, constructions…) doit contribuer aux deux tiers de l’effort et absorber au moins 55 millions de tonnes de CO2 chaque année.

Pourtant, un rapport de juin 2023 de l’Académie des sciences indique une tendance contraire. Les puits de carbone disparaissent en France. Les forêts sont touchées chaque année par différentes perturbations humaines et naturelles, (mauvaise gestion, feux de forêt, sécheresse, maladies, et espèces envahissantes) qui détruisent les arbres ou détériorent leur santé. Selon une étude de 2023, les tempêtes représentent près de la moitié (46%) des dommages répertoriés sur les forêts européennes entre 1951 et 2020, devant les feux de forêt (24%) et les scolytes (17%), un insecte prédateur. Or, les tempêtes auraient un impact sur le budget carbone 5 à 10 fois supérieur à celui des feux de forêt.

Et encore, comme le rappellent les chercheurs, leur étude omet de nombreux facteurs et « sous-estime probablement les réels impacts sur les forêts ». Elle ne prend pas en compte les autres formes de perturbation, « par exemple, la sensibilité aux agents pathogènes qui augmente après les tempêtes », ou les conséquences encore incertaines du changement climatique sur l’intensité des tempêtes. 

Un impact économique fort sur le secteur forestier

Au-delà des impacts environnementaux, les impacts de ces tempêtes aggravées par le changement climatique ont également un impact économique. Les forêts couvrent à ce jour un tiers du territoire métropolitain et le 3/4 appartient à des propriétaires privés.« 40 Mm3 de bois sont récoltés chaque année, le secteur forestier représente 416 000 emplois directs et une valeur ajoutée de 27,6 milliards d’euros », indique l’étude. 

Toutes les régions ne seront pas touchées avec la même ampleur : les propriétaires forestiers non affectés par ces événements devraient ainsi bénéficier d’un prix du bois plus élevé, tandis que le rétablissement économique pour les propriétaires affectés dépendra de l’ampleur des dommages causés par la tempête, qui varient eux-mêmes entre les régions touchées. Les forêts d’Auvergne et du Limousin devraient ainsi souffrir plus particulièrement des vents violents.

Pour aider ces régions et les propriétaires les plus affectés, les chercheurs invitent les décideurs publics à s’intéresser au déploiement d’un système d’assurance mutualisée entre les propriétaires forestiers des zones touchées et non touchées. « Dans certains cas, les propriétaires forestiers pourraient ne pas avoir d’intérêt à participer à ce genre de mécanisme, explique les chercheurs, cependant, l’incertitude entourant la localisation et l’intensité des tempêtes est élevée, et les tempêtes extrêmes devraient devenir plus fréquentes ».

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