Comment sont gérés et stockés les déchets nucléaires et radioactifs ? On fait le point.
On le sait, la France dépend du nucléaire. Près de 75% de la production électrique française est d’origine nucléaire. Une grande part de l’énergie totale consommée dans le pays est produite dans des centrales nucléaires.
L’énergie nucléaire pose de nombreuses questions : le nucléaire est-il écologique ? Le nucléaire est-il renouvelable ? Le nucléaire est-il dangereux ? Ce que l’on peut dire, c’est que, bien que peu polluante du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution de l’air a toutefois un désavantage majeur : elle produit des déchets radioactifs.
Dans les débats pour ou contre le nucléaire, les déchets ont toujours une place centrale. À quel point sont-ils dangereux ? Comment les stocker ? Comment gérer leur stockage dans le temps ? Combien de temps les déchets sont-ils radioactifs ? Autant de questions sur lesquelles on entend tout et son contraire. Pour y voir un peu plus clair, tentons de faire le bilan, et de répondre à la question suivante « Que fait-on vraiment de nos déchets nucléaires ? ».
Les déchets nucléaires et radioactifs : qu’est-ce que c’est ?
La première chose qu’il faut savoir, c’est qu’il n’existe pas « un seul » type de déchets radioactifs ou nucléaires. D’abord, il n’y a pas que les centrales qui produisent des déchets nucléaires. Certes, la production d’électricité via les centrales nucléaires produit une grande partie (60%) des déchets français, mais d’autres industries en produisent aussi : l’industrie médicale (par exemple, la radiographie qui utilise des composants radioactifs ou encore l’imagerie médicale), l’industrie militaire (pour fabriquer notamment des armes) mais aussi la recherche fondamentale qui utilise des matériaux radioactifs pour faire des avancées technologiques ou scientifiques. Ainsi, la recherche représente plus d’un quart des volumes de production de déchets nucléaires
Au total, la production des déchets nucléaire en fonction de ces secteurs se répartit ainsi :
Ensuite, il faut savoir également que tous les déchets qu’on appelle « déchets radioactifs » ne sont pas identiques. Ils n’ont pas tous le même degré de radioactivité ni la même durée de vie ou la même « demi-vie ». La demi-vie, c’est la durée nécessaire pour que la moitié des noyaux radioactifs d’un matériau radioactif se soient désintégrés. En schématisant, on peut dire que la demi-vie, c’est la durée nécessaire à la diminution de moitié de la radioactivité d’un matériau radioactif. Plus la demi-vie est longue, plus la durée de vie d’un déchet est longue (plus il reste radioactif longtemps).
Un déchet radioactif peut donc être peu radioactif (on dit qu’ils sont de faible activité) ou très radioactif (de haute activité), et être radioactif longtemps (on dit qu’ils sont « à vie longue ») ou relativement peu de temps (à vie courte). Par exemple, les outils ou vêtements de protection utilisés dans les centrales nucléaires sont considérés comme des déchets nucléaires, bien qu’ils soient très peu radioactifs, et qu’ils deviennent inertes très vite (faible activité, vie courte). À côté de cela, il existe des déchets radioactifs très radioactifs, qui restent radioactifs plusieurs milliers d’années. C’est le cas notamment des déchets issus des combustibles des centrales (déchets de haute activité). Les déchets radioactifs de haute activité, ou les déchets à vie longue représentent une part très faible du volume de déchets produits.
Mais le point commun de tous ces déchets, c’est qu’il faut en faire quelque chose : les traiter, les gérer, les stocker. En effet, on ne peut pas laisser dans la nature ces déchets potentiellement dangereux pour l’homme et pour l’environnement.
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Comment sont stockés les déchets nucléaires ?
Actuellement, il existe en France environ un peu plus d’1.5 millions de m3 de déchets radioactifs. La grande majorité sont gérés par l’ANDRA (L’Agence Nationale des Déchets Radioactifs), et quelques uns sont gérés sur les sites de production (comme les déchets produits par les installations nucléaires liées à la Défense).
Le stockage des déchets de faible et moyenne activité
Une partie des déchets radioactifs de faible activité (peu radioactifs) sont traités puis stockés sur les deux sites de stockage de l’ANDRA dans l’Aube. Il s’agit de plusieurs grands entrepôts situés en surface, où sont entreposés les déchets radioactifs de faible et de moyenne activité. Ces sites sécurisés permettent de stocker les déchets en attendant qu’ils perdent leur radioactivité. C’est sur le même principe que fonctionne le centre de stockage de la Manche (CSM) qui accueille lui aussi des déchets de faible et moyenne activité. Les déchets stockés y ont été enfouis (ensevelis) et le centre ne reçoit désormais plus aucun nouveau déchet. Le rôle du centre est de surveiller que les déchets stockés restent inoffensifs et que leur impact sur l’environnement soit faible.
Le stockage des déchets de haute activité
Concernant les déchets de haute activité (fortement radioactifs), ils sont entreposés dans des usines de traitement. En effet, ces déchets sont trop radioactifs, trop chauds pour être stockés de façon pérenne. Ils sont donc entreposés dans des usines où ils baignent dans des piscines de traitement permettant d’attendre que leur radioactivité baisse avant d’envisager de les stocker de façon plus durable mais aussi de contrôler que ces déchets ne contamine pas le milieu naturel ou l’homme. Ces sites sont notamment ceux de l’Usine de Traitement Areva de la Hague (Manche), le site de Marcoule ou celui de Cadarache.
Les centres de stockage et de traitement des déchets radioactifs sont-ils dangereux ?
L’une des questions que posent ces centres est bien sûr celle de leur sécurité : sont-ils dangereux ? Y a-t-il un risque de contamination radioactive pour l’homme ou pour l’environnement ? Ces sites sont-ils correctement surveillés ?
Il est difficile de donner un réponse tranchée à ces questions. En effet, le risque 0 n’existe pas en matière de gestion des déchets dangereux. Ainsi, plusieurs fois depuis la création de ces centres des associations indépendantes ont effectué des mesures indiquant des taux anormalement élevés de radioactivité autour notamment de l’Usine de traitement de la Hague. Ces mesures ont d’ailleurs été largement médiatisées, bien qu’elles soient très en dessous des seuils sanitaires recommandés et ne présentent en principe pas de risque sanitaire ou écologique. L’Autorité de Sûreté Nucléaire a également mis en évidence quelques dysfonctionnements dans la gestion des déchets de certains de ces centres. Par exemple, en 2016 l’état de corrosion des cuves de stockage a été mis en lumière par l’ASN.
D’un autre côté, ces centres n’ont pour l’heure jamais connu d’incident grave ou dangereux. Mais le problème, c’est que ces solutions ne sont pas pérennes. Il n’existe à l’heure actuelle pas de solution de stockage durable pour les déchets de haute activité notamment. Néanmoins, un projet est en cours : le projet CIGEO, qui prévoit de stocker ces déchets de façon sécurisée en les enfouissant dans le sous-sol.
Comment seront stockés les déchets à l’avenir : le projet CIGEO
Pour limiter au maximum les risques liés au stockage de ces déchets et pour les stocker de manière durables, dans les années 1990 on a cherché une solution différente. Les chercheurs ont envisagé l’idée de stocker ces déchets dans des cuves hermétiques, sous terre, de façon à éviter toute contamination du milieu et des êtres humains.
C’est à cette période qu’est née l’idée de CIGEO : un centre industriel de stockage géologique. On a d’abord commencé dans les années 1990 à chercher une zone adaptée puis en 1998 un site a été sélectionné car il réunissait toutes les conditions (pas de risque sismique, une structure géologique argileuse favorable capable de limiter les risques de contamination…) : le site de Bure dans la Meuse. Un laboratoire a été construit pour continuer à étudier le terrain et mener des expérimentations. En 2005, l’ANDRA a publié un rapport (Argile 2005) qui synthétise les résultats de ces 15 ans de recherches. En 2006, une loi a été votée au sujet de CIGEO, qui prévoit qu’à partir de 2015 (soit après 25 ans de recherches et de tests) une demande d’autorisation du projet CIGEO pourra être déposée et sera étudiée d’ici 2018, après consultation des citoyens via un débat public et consultation d’experts (Autorité de Sûreté Nucléaire, Comité National d’Évaluation).
Le projet CIGEO, s’il est validé, vise à stocker à 500m de profondeur, dans des galeries sécurisées et dans des cuves hermétiques, l’ensemble des déchets de haute activité produits par la France depuis le début de l’ère nucléaire par les centrales actuelles (plus les deux EPR en construction) et jusqu’à leur démantèlement. Pour ces déchets, que la France a déjà produits ou qu’elle va de toute façon produire d’ici quelques années, il n’existe pour l’instant aucune autre alternative si ce n’est de les laisser en surface dans les centres existants. Le projet CIGEO n’est pas dimensionné pour d’éventuels déchets futurs produits par de nouvelles centrales.
Dans un prochain article, nous analyserons les débats qui entourent le projet CIGEO (sur son coût, sa faisabilité, sa sécurisation, sa réversibilité…).
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