Le jeudi, Youmatter revient sur l’actualité en chiffres ! Cette semaine on se penche sur la finance climat en revenant sur l’accord de financement adopté à Bakou lors de la COP29. Le montant fixé pour l’engagement des pays industriels en faveur des pays en développement est de 300 milliards de dollars par an d’ici 2035. Une somme qui ne satisfait personne. Explications.

Après 12 jours de négociations, les négociations onusiennes sur le climat se sont conclues par un accord contesté de toutes parts. En premier lieu par les pays du Sud global. L’Inde s’est ainsi déclarée « blessée » par un accord qui « est une illusion d’optique » et qu’« elle n’accepte pas dans sa forme actuelle« , rapporte ainsi Le Monde. De son côté, la France y voit un « accord décevant » et qui n’est « pas à la hauteur des enjeux » selon la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Tous se rejoignent sur le sentiment d’une COP chaotique, mal orchestrée par la présidence Azerbaïdjanaise et qui aura encore renforcé les divergences entre les pays occidentaux et les pays en développement. Une divergence matérialisée par la question des financements qui était au cœur des négociations. 

L’accord adopté à Bakou fixe ainsi que les pays industrialisés devront verser 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 aux pays en développement au titre des « financements climat ». Sur le papier, c’est un triplement des fonds par rapport à la période 2010-2020 actés à Copenhague (atteints seulement en 2022). Mais en réalité, c’est « une petite augmentation par rapport aux 100 milliards eu égard à l’inflation et aux catastrophes climatiques qui ne cessent de s’enchaîner », souligne le Réseau Action Climat. Reste aussi à définir précisément les « financements climat » et qui sont exactement les contributeurs car le texte n’est pas particulièrement clair sur ce point. Selon Marta Torees Gunfauss, de l’IDDRI, on s’attend à ce que les 300 millions soient largement financés par des fonds publics provenant des pays développés, mais cela n’est pas exactement mentionné comme cela dans le texte. De plus jusqu’à présent, les financements sont en majorité constitués de prêts – parfois à des conditions proches du marché- quand les pays en développement demandent instamment des dons. C’est enfin beaucoup moins que ce que demandaient les pays en développement : ceux-ci avaient avancé la somme de 440 à 900 milliards de dollars en début de conférence, avant d’atterrir entre 500 et 600 Mds à la fin de la COP29.

Un manque de garantie et une dissolution de la responsabilité historique des pays du Nord

Une autre somme, de 1 300 milliards de dollars d’ici 2035 est annoncée comme un « objectif global de financement climat, toutes sources confondues » et destinée à « accélérer la transition vers un monde sans énergies fossiles ». Cette fois, le problème est qu’il ne s’agit pas d’un engagement ferme mais seulement d’une ambition collective qui inclut à la fois des sources publiques et privées (à travers des financements dits innovants comme des taxes sur des secteurs spécifiques) mais aussi d’autres pays, comme celles des pays émergents (ex: Chine, Etats du Golfe, Corée du Sud…) qui contribuent de façon plus informelle depuis des années aux financements climat. 

L’élargissement des contributeurs était l’un des chevaux de bataille des pays développés, notamment pour intégrer davantage les nouveaux grands émetteurs et l’objectif de réorienter l’ensemble des flux financiers vers des investissements plus « verts ». Mais pour les pays du Sud global c’est à la fois une dissolution de la responsabilité historique des pays industrialisés et un manque de garantie sur le versement effectif de ces sommes puisque les acteurs privés ne sont pas liés officiellement par l’Accord. 

A ce stade, on s’interroge également encore beaucoup sur le lien entre les deux sommes…De plus, si elles peuvent paraître astronomiques de prime abord, il faut toutefois garder en tête que les estimations d’un groupe d’économistes experts de ces sujets (présidé par Nicholas Stern, Vera Songwe et Amar Bhattacharya) tablait en 2022 sur des besoins de financement de l’ordre de 2 400 milliards de dollars par an pour les pays du Sud (hors Chine).

Illustration : Canva