« Flygskam » : ce terme ne vous évoque peut-être rien. Pourtant, il désigne un mouvement qui prend de l’ampleur, particulièrement en Suède, puisqu’il se traduit littéralement du suédois par « honte de prendre l’avion ». Loin d’être un phénomène isolé, le fait d’éviter l’avion volontairement quitte à prendre plus de temps pour voyager suscite un engouement croissant… Au point d’être pris au sérieux par les grandes compagnies aériennes. Décryptage.
L’avion : un mode de transport reconnu comme polluant
L’avion est un mode de transport polluant, c’est un fait. D’après l’European environnement agency, le transport aérien intra-européen émet 285 grammes de CO2 par kilomètre et par passager, contre seulement 14 grammes par kilomètre pour les voyages en train.
En outre, le transport aérien ne génère pas que des émissions de CO2. En effet, il crée aussi de la vapeur, qui contribue à la formation des fumées blanches qu’on peut voir dans le ciel et ces dernières favorisent l’apparition de certains nuages qui réchauffent l’atmosphère.
Le trafic aérien rejette également des oxydes d’azote (NOx) qui augmentent la concentration de l’ozone et du méthane en altitude, deux gaz participant à l’effet de serre.
Sachant que chaque année, 4,3 milliards de personnes utilisent ce moyen de transport et que le nombre de passagers devrait doubler d’ici vingt ans d’après l’Association du transport aérien, il y a de quoi s’inquiéter. Rien qu’en France, le nombre de voyageurs sur les lignes aériennes est passée de 35 000 en 1980 à 164 000 en 2017, soit une augmentation de… 369%.
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Source : INSEE, Fréquentation des lignes aériennes de voyageurs.
Fort de ce constat, un mouvement émerge depuis peu, particulièrement dans les pays Scandinaves, pour limiter l’utilisation de l’avion comme mode de transport et lui privilégier des alternatives.
Le « flygskam » : une manifestation de la prise de conscience de l’impact de nos modes de transports sur l’environnement
Le flygskam est un terme qui a été popularisé en Suède en 2018, pour désigner ce sentiment de honte en cas de recours au transport aérien. Si ce ressenti s’est développé d’abord en Suède et plus généralement dans les pays scandinaves, c’est que les habitants du Nord de l’Europe, du fait de leur situation géographique, sont particulièrement nombreux à à prendre l’avion pour leurs vacances. Les suédois prendraient en effet cinq fois plus l’avion que la moyenne mondiale !
C’est pourquoi, les habitants ont décidé d’agir et ce, uniquement par conviction écologique. C’est ainsi que s’est développé le mouvement, associé à celui du train brag, la fierté de prendre le train plutôt que l’avion pour voyager.
Le coup de projecteur sur cette mouvance qui touche surtout les femmes et les jeunes a largement été relayée grâce à la jeune militante écologiste Greta Thunberg qui, à l’occasion de son tour d’Europe pour le climat, a préférée voyager en train. Et bien évidemment, elle n’a pas manqué à cette occasion de rappeler que le transport aérien est une source importante de pollution.
Ce mouvement ne manque pas d’inquiéter le secteur aérien : il est pris très au sérieux pas les grandes compagnies du secteur, qui craignent un risque de réputation et une propagation du mouvement. Ces craintes sont sans doute fondées car le hashtag #flygskam prend de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux, porté par des voyageurs soucieux de leur empreinte carbone. La fierté de se déplacer en train plutôt qu’en avion est d’ailleurs telle en Suède que le gouvernement a décidé de rouvrir certaines lignes de trains de nuit !
Voyager moins ou voyager différemment ?
En France, ce mouvement gagne du terrain, même s’il semble que l’avion soit un des plaisirs coupables auquel même les écologistes convaincus ont du mal à se passer. Acheter en vrac, composter, faire ses produits ménagers, oui. Arrêter les escapades pour un weekend, moins.
Toutefois, si pour réduire notre empreinte carbone il est nécessaire de privilégier des modes de transport moins polluants, avec un peu de bon sens, on peut commencer à limiter, du moins à contrôler nos émissions carbones lorsqu’il est nécessaire de prendre l’avion.
En effet, si vous prenez l’avion régulièrement et que vous vous sentez concerné.e, sachez que l’aviation civile internationale a mis au point un outil permettant de calculer les émissions de CO2 générées pour chaque vol, selon les kilomètres parcourus.
Vous pouvez ensuite compenser le coût carbone, en versant une somme correspondant au montant à certains organismes. Attention toutefois à ne pas verser de compensation carbone à n’importe quelle agence qui prétend planter des arbres. Pour les noms des organismes valables, allez consulter par exemple le site info-compensation-carbone.
En outre, pour les trajets internes ou intra-européens, adoptez les habitudes de la militante suédoise Greta Thunberg : optez pour une alternative à l’avion. Un vol Paris-Marseille pollue bien plus que le même trajet par TGV. Et, si vous pensez gagner du temps car vous n’avez qu’une heure de vol, en comptant le temps pour rejoindre l’aéroport et le temps passé à attendre, le bilan coût-avantage ne penche pas en faveur de l’avion. Sans parler du fait que votre porte-monnaie devrait également vous en remercier.
Enfin, cela semble évident mais mérite d’être rappelé : il est tout à fait possible de partir en vacances sans prendre l’avion. Faut-il nécessairement aller au bout du monde pour être dépaysé ? L’Europe et la France regorgent de coins qui méritent d’être visités et vous feront vraiment couper de votre stress du quotidien, sans besoin de parcourir des milliers de kilomètres.
Le flygskam suédois nous montre donc encore une fois que nous devons tous nous mobiliser pour changer nos modes de consommation. Et si les scandinaves arrivent à trouver des alternatives au transport aérien, pourquoi pas nous ?
Crédit image : Avion sur Shutterstock.