Selon une étude publiée par des chercheurs canadiens dans la revue Science, les fumées des incendies de forêt auraient une influence négative sur l’état de la couche d’ozone. Une autre raison de s’inquiéter de ces phénomènes, aggravés par le réchauffement climatique.
Les incendies de forêt sont une catastrophe écologique majeure, qui détruisent des surfaces naturelles sur le long terme. On sait aussi désormais que les incendies de forêt sont un contributeur majeur au réchauffement climatique, puisqu’il relâche dans l’atmosphère le carbone stocké dans les végétaux et les tourbes forestières.
Ce que l’on sait moins, c’est que les incendies de forêt contribuent aussi à la dégradation de la couche d’ozone, filtre qui protège la planète des rayons UV. Une étude publiée par des chercheurs canadiens avec l’appui financier de l’Agence Spatiale Canadienne vient de se pencher sur le sujet et confirme les conséquences graves des incendies de forêt sur la structure de la stratosphère et sur l’état de la couche d’ozone. Pour mieux comprendre ce phénomène, creusons un peu.
Comprendre les enjeux liés à la couche d’ozone
La couche d’ozone désigne une partie de l’atmosphère, en haute altitude, au niveau de la stratosphère, qui est composé en grande partie d’ozone. Ce gaz, lorsqu’il est ainsi concentré dans la stratosphère, a la particularité d’absorber une grande partie des rayonnements ultra-violets qui l’atteignent. Or ces rayonnements sont dangereux pour les organismes vivants : chez les humains, ils provoquent par exemple un vieillissement cellulaire accéléré, et aggravent les risques de cancer. Mais ils sont aussi nocifs pour un certain nombre d’espèces et d’écosystèmes, par exemple les coraux.
La couche d’ozone est le résultat d’un équilibre dynamique impliquant de nombreuses réactions physico-chimiques qui ont lieu dans la partie haute de l’atmosphère : le rayonnement solaire « transforme » l’oxygène en ozone, qui se dégrade en interagissant avec certain gaz présents dans la stratosphère, se recombine avec d’autres. C’est grâce à cet équilibre fragile que la quantité d’ozone reste relativement stable dans la stratosphère et que nous sommes protégés des rayonnements UV. Seulement, les activités humaines perturbent cet équilibre. Quand nous émettons certains gaz polluants dans l’atmosphère, les interactions chimiques de la stratosphère sont modifiées. C’est ce qu’il s’est passé avec la crise du « trou dans la couche d’ozone » : nous émettions trop de gaz chlorés, qui détruisent l’ozone à haute altitude, ce qui a créé un « trou » dans la couche d’ozone polaire.
Les feux de forêt et la couche d’ozone : quels liens ?
Alors, quel rapport avec les incendies de forêt ? Eh bien, lorsque des incendies de forêt de masse se déclarent, comme en Australie en 2019 – 2020, de nombreuses particules se retrouvent dans l’atmosphère et atteignent parfois la stratosphère, où elles modifient l’équilibre physico-chimique.
C’est ce qu’ont démontré une équipe de chercheurs spécialisés en chimie atmosphérique. En utilisant des données de mesure par satellite, les scientifiques ont pu mettre en évidence que les fumées résultat des incendies injectaient dans la stratosphère un certain nombre de particules aux propriétés acides. Ces particules et ces poussières interagissent alors avec les autres gaz présents dans la partie haute de l’atmosphère (hydrogène, azote, gaz chlorés) et perturbent la régulation de l’ozone.
Les chercheurs ont ainsi démontré que suite aux incendies de 2019 – 2020 en Australie, les fumées ayant atteint l’atmosphère avait provoqué une baisse de la concentration en ozone, et une hausse de la concentration en formaldéhyde et en gaz chlorés. Ils précisent que ces perturbations, jamais observées en près de 15 ans, pourraient avoir des conséquences très importantes sur l’équilibre de la stratosphère, et qui’l pourrait créer des formes de « trous » dans la couche d’ozone, comme ce que l’on avait observé dans les années 1980 dans l’hémisphère Nord.
Ozone, incendies et réchauffement climatique
Dans la mesure où les incendies de forêt importants sont amenés à se multiplier avec le réchauffement climatique, ces conclusions ont de quoi susciter l’inquiétude. On peut en effet s’attendre à observer de plus en plus souvent des phénomènes d’incendies, comme ceux qui ont frappé l’Australie en 2019 – 2020, le Brésil en 2019 ou le Canada en 2021.
À chaque fois, ce sont des quantités considérables de particules et de fumées qui sont émises dans l’atmosphère, et qui contribuent donc à la fois à augmenter la concentration en CO2 dans l’atmosphère (aggravant donc encore le réchauffement climatique) mais qui perturbent aussi les équilibres atmosphériques notamment au niveau de la couche d’ozone.
Or aujourd’hui, nous sommes mal préparés à ce type de problèmes. D’abord, les modèles scientifiques ne sont pas encore très au point pour anticiper les perturbations que ces feux de forêt pourraient engendrer dans la stratosphère. Il est donc difficile de prévoir avec précision où et comment la couche d’ozone pourrait être dégradée. Les phénomènes seront-ils locaux où peuvent-ils avoir un impact global sur la structure de l’atmosphère ? Logiquement, il est donc également complexe d’anticiper les problèmes sanitaires et écosystémiques qui pourraient découler de la dégradation de la couche d’ozone. Il est donc urgent, dès aujourd’hui, d’intégrer ces réalités dans nos politiques publiques, et d’ajouter une vraie stratégie d’adaptation aux effets induits par le réchauffement climatique aux efforts (très insuffisants) d’atténuation qui sont menés actuellement.
Photo par Malachi Brooks sur Unsplash