Une étude publiée dans la Revue Nature révèle que le réchauffement climatique pourrait menacer d’extinction près de 90% des espèces marines de la planète. Décryptage.
On le sait, le réchauffement climatique affecte les océans. En augmentant la température de l’eau, le dérèglement du climat perturbe les cycles écologiques essentiels du monde marin. De plus, l’augmentation des concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère a aussi pour effet d’acidifier les eaux marines qui absorbent une partie du carbone atmosphérique, ce qui dégrade encore les écosystèmes océaniques.
Mais alors, à quel point la vie marine est-elle affectée par ces changements écologiques ? C’est ce qu’ont voulu savoir un groupe de scientifiques, qui viennent de publier dans la revue Nature une étude visant à mesurer le risque climatique subi par les espèces marines.
90% des espèces marines exposées à un risque climatique élevé si l’on ne fait rien
Près de 25 000 espèces vivant dans les 100 premiers mètres de profondeur ont été analysées. Les chercheurs ont cherché à mesurer à quel point ces espèces étaient vulnérables aux changements climatiques et écosystémiques (par exemple, si l’espèce en question est déjà menacée, ou si elle est très sensible aux variations de température), ils ont également mesuré à quel point ces espèces étaient adaptables (à quel point elles pouvaient changer d’habitat, de profondeur, etc…) et ont comparé ces données avec les perturbations climatiques qui sont modélisées dans les plus récents travaux du GIEC.
Résultat : dans les scénarios climatiques les plus pessimistes (le scénario SSP5-8.5), qui prévoient une augmentation des températures autour de 4 degrés, 90% des espèces seraient soumises à un risque fort ou critique. Concrètement, cela signifie que si le réchauffement climatique se poursuit au rythme actuel, la quasi-totalité des espèces marines seront soumises à un stress climatique qui menacerait leur survie. Dans certains écosystèmes marins (environ 9% d’entre eux) la moitié des espèces seraient menacées de façon critique, et dans 1% d’entre eux, la totalité des espèces seraient à haut risque.
Ce constat rappelle que les écosystèmes en général, et en particulier les écosystèmes marins, sont fragiles et peuvent rapidement être dégradés s’ils sont exposés à des changements brutaux des température ou des conditions écologiques. Parmi ces zones fragiles, on compte notamment toute la bande océanique qui entoure l’équateur et les tropiques : Grande Barrière de Corail, zones insulaires sud-est asiatique, Mer Rouge et Péninsule arabique, côtes du sous-continent indien… Ce sont aussi les zones les plus riches en biodiversité marine, et des rouages essentiels des écosystèmes marins dans leur ensemble.
L’urgence de l’atténuation
Ce problème n’est toutefois pas irréversible. En effet, les modélisations indiquent qu’il est possible de réduire le risque en limitant le réchauffement climatique. En effet, dans l’hypothèse où les société mondiales parvenaient à maintenir le réchauffement climatique sous 1.8 degrés (le scénario SSP1-2.6), les risques auxquels sont exposés les espèces marines serait réduit.
Bien-sûr, même dans un tel scénario, les écosystèmes marins resteraient largement transformés par le réchauffement climatique, et de nombreuses espèces vivantes resteraient fragilisées. Mais le risque serait nettement moins critique. Il s’agit là d’une raison supplémentaire d’engager en urgence une transformation massive de nos systèmes économiques afin de limiter nos émissions de gaz à effet de serre rapidement pour répondre à l’enjeu climatique.
S’adapter en adoptant de nouvelles logiques de préservation
L’étude invite aussi les société mondiales à reformuler leurs stratégies de préservation de la biodiversité marine. Grâce au recensement effectué par les chercheurs, il est en effet possible d’identifier les zones les plus fragiles, celles où la biodiversité est la plus à risque face aux transformations climatiques. Cette cartographie devrait permettre de localiser les zones où il faudrait mettre en place des plans de conservation plus ambitieux, par exemple en réduisant la pêche et les activités maritimes.
L’enjeu est d’autant plus fondamental que, comme le rappellent les chercheurs, les zones les plus fragiles sont souvent situées dans les eaux territoriales de pays qui sont moins favorisés sur le plan économique et social. L’enjeu de la préservation de la vie marine y est donc très complexe : on y manque donc souvent de moyens pour des politiques ambitieuses, les populations locales dépendent souvent des ressources de la pêche, et les structures économiques internationales y incitent souvent à la surexploitation des ressources marines.
Une chose est sûre : le monde marin, comme les écosystèmes terrestres, souffre profondément des transformations climatiques provoquées par les activités humaines, sans même parler des autres pressions écosystémiques (acidification des océans, surpêche, pollutions…). Plus nous tardons à réduire ces pressions, plus les conséquences seront lourdes pour ces écosystèmes, et pour nous, qui en dépendons pour notre survie.