Réverbères, façades éclairées ou autres panneaux publicitaires constituent des sources de lumière dans l’espace public qui perturbent la biodiversité.
Récemment, on a beaucoup parlé du phénomène de la pollution lumineuse. En cause ? Cette vidéo devenue virale de deux jeunes utilisant les techniques du parkour pour éteindre les enseignes lumineuses des magasins de Marseille.
Aujourd’hui, zoom sur un aspect particulièrement important de la pollution lumineuse : son impact sur la biodiversité. La multiplication des points lumineux et l’augmentation de leur intensité ont des effets pernicieux sur la nature. Lesquels ? Quelles solutions envisager pour préserver le vivant ?
Un trop plein de clarté qui impacte la biodiversité
Cela tient tout d’abord à l’intensité lumineuse, généralement trop élevée, ce qui a pour conséquence d’éclairer au-delà des zones nécessaires. La lumière inonde ainsi les terrains, les rivières.
C’est généralement dû à la simple mauvaise orientation d’un réverbère, qui n’éclaire pas seulement ce qu’il y a en-dessous mais aussi ce qu’il y a autour, sur des dizaines de mètres.
On peut le voir par exemple sur la route où les réverbères éclairent parfois les bas-côtés sur plusieurs mètres inutilement, ou encore avec les lumières ultra puissantes des stades, dont on se demande si elles éclairent le ciel ou le terrain…
D’accord, mais pourquoi la lumière artificielle a une incidence sur la biodiversité ?
« Les chauves-souris, les insectes, les oiseaux ou les reptiles peuvent voir leurs rythmes biologiques perturbés par une luminosité nocturne artificielle, trop intense ou prolongée » souligne ce rapport de 2014 de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Les insectes sont les premiers à faire les frais de ce trop-plein de lumière. C’est ce que montre par exemple cette étude de la revue Biological Conservation. Ils sont souvent brûlés au contact des ampoules, meurent d’épuisement ou finissent mangés par un prédateur.
D’après cette étude publiée dans Science Daily, un tiers des insectes piégés dans les environs de ces lumières meurent la nuit.
Et si la population d’insectes diminue, cela impacte aussi leurs prédateurs comme les oiseaux. C’est donc une partie de la chaîne de la biodiversité qui est bouleversée.
Et l’enjeu n’est pas seulement l’intensité de la lumière. La multiplication des points lumineux, même peu intense, contribue à ces effets délétères sur la biodiversité.
La performance énergétique au détriment de la performance environnementale ?
On constate par ailleurs que le problème de la pollution lumineuse empire. À cause de la multiplication des sources lumineuses, 99% de la population américaine et européenne vit dans un endroit où le ciel étoilé n’est plus visible d’après cette étude de Science Advances de 2016. Cette pollution lumineuse a progressé de 2,2% entre 2012 et 2016 d’après un article de 2017 de la même revue. Comment expliquer ce constat ? L’explication tient paradoxalement en partie à nos efforts écologiques.
La directive « écoconception » datant 2009 de l’Union européenne a en effet encouragé les collectivités à moderniser l’éclairage public dans un souci de performance énergétique pour une croissance plus « verte ». Ainsi, les territoires qui choisissent de remplacer les réverbères à vapeur de sodium, ceux qui émettent une lumière orangée, par des réverbères à LED peuvent bénéficier d’aides financières en matière d’éclairage public.
Pourtant, cette modernisation qui devait permettre de faire des économies d’énergie s’est accompagnée d’effets pervers. D’abord, le spectre lumineux des LED a un effet différent sur la biodiversité. Les études montrent que les insectes et autres animaux sont plus attirés et plus perturbés par les ondes lumineuses émises par les LED que par celles des lampes plus anciennes. D’autre part, la multiplication des LED, plus efficaces sur le plan énergétique, pourrait avoir provoqué un effet rebond. Avec un éclairage plus efficace, et moins cher, on a pu multiplier les sources d’émissions lumineuses. notamment la multiplication des éclairages dans l’espace public. Selon l‘Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne (ANPCEN), le nombre de points lumineux a fortement augmenté en France depuis les années 2000.
On peut ainsi aujourd’hui observer en pleine nuit des devantures de magasins, des zones industrielles ou des complexes sportifs illuminés inutilement.
Chez certaines espèces, la pollution lumineuse affecterait certains comportements biologiques tels que la recherche de nourriture, la rencontre de partenaires ou encore le développement des jeunes insectes.
Or, la pollution lumineuse, associée à d’autres facteurs comme la pollution chimique, les espèces invasives ou encore le changement climatique est un facteur important du déclin des insectes. Or, rappelons-le, les insectes sont essentiels à nos écosystèmes, notamment pour l’agriculture à travers leur action de pollinisation. Avec la diminution du nombre d’insectes, ce sont nos ressources alimentaires qui sont menacées.
C’est également problématique pour l’ensemble de la biodiversité. D’après un rapport du Museum d’Histoire Naturelle, la pollution lumineuse « affecte les comportements migratoires, les activités de compétition inter-spécifiques, les relations proies-prédateurs et altère leurs physiologies », et souligne plus loin les conséquences sur les végétaux.
Le non respect des réglementations
Même si la législation sur le sujet existe, elle est cependant mal connue et encore trop peu appliquée.
En France, l’arrêté sur la prévention, la réduction et la limitation des nuisances lumineuses de 27 décembre 2018 précise notamment la temporalité d’éclairage et d’extinction afin de cibler les durées d’éclairement superflues.
Ainsi, les lumières éclairant les façades, les vitrines mais aussi le patrimoine ou encore les parcs et jardins publics doivent être éteintes à 1h du matin au plus tard, et 1h après la fin de l’activité pour les bureaux, 2h après l’activité pour les parkings desservant un lieu ou une zone d’activité.
Laisser sa vitrine ou son enseigne de magasin allumée en pleine nuit, est donc illégal.
La couleur bleue émise dans le flux lumineux des LEDs, considérée comme nocive pour la biodiversité, a également été cadrée par ce texte qui mentionne désormais une température de couleur de 3000 Kelvins maximum en agglomération (contre 3500 Kelvins auparavant) et hors agglomération.
Mais il y a toujours un vide sur l’éclairage public au moyen de réverbères.
Agir contre la pollution lumineuse
Eclairer l’espace public est bien évidemment indispensable pour s’orienter ou même en termes de sécurité. Mais il est possible de limiter la nuisance lumineuse pour ménager la biodiversité.
Il s’agit avant tout d’éteindre les lumières non nécessaires la nuit, et donc de revoir nos habitudes d’éclairage.
En ce sens, une étude publiée dans la revue Biological Conservation propose d’installer des capteurs de mouvement pour que les lumières ne restent pas constamment allumées, de poser des caches pour ne pas laisser les ampoules à nu qui ont tendance à illuminer dans toutes les directions ou encore d’utiliser des teintes de lumière moins attirantes pour les insectes comme des tons ambrés.
Par ailleurs, l’ANPCEN propose une charte pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes. Destinée aux municipalités, son but est d’engager les maires à s’inscrire dans cette démarche.
La charte invite notamment les municipalités à mener des actions de sensibilisation, ou encore à partager les données de l’éclairage public de manière simple et compréhensible avec les citoyens.
Il y a donc un large panel d’actions possibles à mener par les collectivités pour enrayer la problématique de la pollution lumineuse, qui s’ajoutent aux actions menées à l’échelle nationale. Reste à passer à l’action !