En ce début d’année, Youmatter vous souhaite ses meilleurs vœux. Parmi eux : que l’on fasse progresser le débat d’idées pour préparer un monde plus juste et plus écologique.
Les débuts d’année sont souvent des moments où l’on s’interroge, où l’on s’arrête un instant pour évaluer les changements de l’année écoulée et poser les bases de celle qui arrive. Chez Youmatter aussi, c’est un temps d’introspection et de projection.
Vous en parler n’est pas tellement dans nos codes. Habituellement, notre ligne éditoriale est plutôt simple, du moins en théorie : nous tentons de décortiquer les grands sujets de société, de la façon la plus objective et scientifique possible. Rarement nous prenons le temps de partager nos questions, nos doutes. Rarement nous entrons dans une relation plus personnelle, et c’est aussi car nous pensons que c’est ce qui garantit notre indépendance, notre cohérence, notre objectivité.
Pourtant, l’an dernier, dans un contexte particulier pour chacun de nous, nous avions voulu vous faire part de nos vœux, de nos espoirs aussi. Et aujourd’hui, à la croisée des chemins, entre deux années qui n’ont décidément rien de simple, on se dit que l’on pourrait bien, finalement, en faire une tradition. L’occasion pour nous, en chaque début d’année, de nous ouvrir sur nos projets, d’accueillir vos questions, de vous dire ce que l’on compte faire de cette année qui se dévoile.
2021 : se donner les moyens
Vous le savez, en 2021, après plus de 10 ans à agir pour la transition écologique et sociale, en tant que media, en tant qu’agence de production de contenus et en tant qu’organisme de formation, Youmatter a été racheté par le groupe KissKissBankBank. Nous faisons désormais partie d’un groupe qui rassemble plusieurs acteurs engagés eux aussi, à leur manière, dans ces grandes évolutions : financement participatif, arrondi sur salaire, investissement citoyen dans les énergies renouvelables, publicité solidaire…
Ce rachat est bien-sûr pour la rédaction un bouleversement certain. Il nous impose de nous questionner sur notre indépendance, sur nos garde-fous, sur nos méthodes de travail. Plus encore que dans le passé, il nous impose la transparence, et une attention renouvelée pour garder toujours la tête la plus froide possible dans un espace public qui est plus que jamais bouillonnant de ses contradictions et de ses débats, voire de ses fractures. Nous entrons dans un monde qui n’est pas historiquement le nôtre, et qui peut effrayer ceux qui partagent nos idées : le monde des start-up, des levées de fond, des investisseurs, de la tech’, de la performance. Un monde qui peut se confondre parfois avec un capitalisme que nous avons souvent récusé d’ailleurs. Mais justement, nous espérons avoir trouvé dans ce groupe des acteurs qui partagent notre vision, et nous pensons pouvoir aider à les préserver des possibles dérives de leur monde.
En tout cas, dans le fond, ce bouleversement ne change rien à notre ambition. Nous voulons continuer à faire ce que nous avons toujours fait : diffuser au plus grand nombre les connaissances nécessaires à la compréhension des grandes transitions que nos sociétés vont devoir mener, tant sur le plan social qu’écologique, économique, politique ou culturel. Et au contraire, nous espérons que dans ce nouveau groupe, motivés ensemble par les changements à accomplir, nous trouverons les ressources nécessaires pour aller encore plus loin dans notre mission.
2022 : assumer que la transition est une lutte culturelle
Nous entamons donc 2022 avec l’idée de ne rien lâcher de nos convictions, de notre envie de faire progresser les idées qui vont dans le sens d’une Histoire positive, plus inclusive, plus écologique. Et si l’on parle aujourd’hui avec ce vocabulaire combattant, c’est parce que plus que jamais nous avons le sentiment d’être engagés dans ce qui est une véritable lutte culturelle.
On l’a vu ces dernières années, peut-être plus que jamais auparavant, l’espace public ressemble de plus en plus à un grand champ de bataille où s’affrontent des idées de plus en plus polarisées, de plus en plus opposées les unes aux autres. Pro-vax contre anti-vax, décroissants contre techno-solutionnistes, défenseurs des animaux contre chasseurs ou industriels, pro contre anti-nucléaires, identitaires contre universalistes, extrême-ci contre extrême-ça… Le changement s’opère au gré des victoires des uns contre les autres, et des moyens que chacun déploie pour faire triompher sa pensée.
Longtemps, nous avons voulu tenter de nous positionner en quelque sorte « au-dessus de la mêlée ». Ne parler qu’au nom d’un consensus scientifique, d’une indépendance, d’une objectivité dont nous avons toujours fait en sorte, méticuleusement, de nous rapprocher. Bien-sûr, nous continuerons à garder au cœur de notre travail ces principes.
Mais nous voulons aussi aujourd’hui assumer ce que nous sommes : un média avec une vision. Notre vision, vous le savez si vous nous lisez depuis longtemps, c’est que la seule transition souhaitable est celle qui saura être à la fois une transition juste et équitable, durable, respectueuse de chacun et du vivant dans son ensemble, une transition démocratique, qui donne à chacun les chances de s’investir et de s’épanouir et partage les pouvoirs et les responsabilités.
Une année politique
Nous voulons assumer que porter cette vision, c’est aussi admettre que la transition est une lutte culturelle, un enjeu profondément idéologique, au sujet duquel les visions du monde s’affrontent. Notre vision, à laquelle les sciences se font si souvent écho, devra se battre pour exister face à d’autres visions antagonistes : les visions mercantilistes, technologistes, celles qui divisent, qui mettent l’économie avant la société, l’éthique ou le vivant. Il nous faudra combattre ces discours, ceux qui alimentent le débat public avec des idées à l’antithèse de nos principes fondateurs : fiabilité, nuance, transparence, et surtout justice et soutenabilité. Il y aura beaucoup de mythes à déconstruire, d’idées à remettre en question, de rhétoriques à affronter. Et c’est aussi nous même qu’il faudra affronter, nos paradigmes dominants, ancrés en chacun de nous.
Nous voulons assumer, en fait, que les changements que nous espérons, ceux qui pourront mener à une société plus égalitaire, plus juste, plus écologique, sont des changements profondément politiques. Ils impliquent de transformer l’organisation de nos sociétés, les idéologies qui les sous-tendent, et parfois même leurs valeurs. Et à l’heure où la politique s’apprête à être un sujet clef dans notre pays en cette année de campagne, ces changements méritent qu’on les défende, que l’on se batte pour eux. Et en tant que média, il nous semble que c’est notre rôle.
En 2022, nous assumerons donc d’être politiques. Mais pas au sens politicien. Comme chaque année, nous éviterons bien-sûr de nous lancer dans les analyses partisanes, de commenter les petites phrases, les polémiques stériles. Nous ne serons pas non plus politiques au sens d’un militantisme fermé, qui s’arc-boute sur ses dogmes. Nous serons politiques dans le sens où nous voulons défendre certaines valeurs : la justice, le respect de tous et du vivant, l’épanouissement de chacun. Et pour défendre ces valeurs, nous ferons aussi un choix politique, celui que nous avons toujours fait : celui du consensus. D’abord celui du consensus scientifique, qui restera notre source première, mais aussi celui du consensus démocratique.
Nous pensons en effet que les transitions écologiques et sociales n’ont de chances d’aboutir que si l’ensemble du corps social les soutient, les assume et les désire. Et donc qu’il en comprend les enjeux et les données. Il nous faut donc construire ce consensus, à l’heure où c’est plutôt la division qui semble faire loi.
Apaiser le débat pour créer le consensus
C’est peut-être là le défi le plus difficile qui nous attend en 2022 et dans les prochaines années. Celui d’assumer notre place dans la bataille des idées, tout en ne tombant pas dans le pugilat que devient trop souvent le débat public. Une bataille apaisée ? En voilà un nouveau paradoxe et un défi à relever pour nos petites équipes.
Nous souhaitons rester radicaux dans nos idées, fermes dans nos principes, mais ouverts dans nos formes, nos façons de faire. Nous voulons dénoncer les idéologies qui bloquent le progrès social et écologique, qu’il s’agisse de celles qui sous-tendent un capitalisme prédateur et inégalitaire, ou de celles qui manipulent les faits pour alimenter les peurs et les espoirs des citoyens. Mais nous voulons le faire sans mépris, en acceptant le débat, en parlant toujours du fond, et en le faisant bien. Nous voulons éviter la tentation trop facile de l’invective, des caricatures simplistes, ou de la dénonciation de l’autre, de ses biais ou de ses insuffisances, qui ne sont, on le constate chaque jour, que des vents gonflant les voiles de la polarisation et de la stérilisation des débats.
Un défi pour un média engagé pour la transition
Nous le savons, ça ne sera pas simple. Comme nous l’avons été, nous serons parfois clivants, par la force des choses puisque nos mondes ne semblent désormais se lire qu’avec les lunettes du clivage, mais nous tenterons de convaincre en faisant appel à l’intelligence de chacun. De nombreux sujets seront sur la table, énergie, biodiversité, climat, inégalités, tensions identitaires, bouleversements démographiques, transformations économiques, et nous ferons de notre mieux pour vous en donner les clefs de compréhension les plus fines.
En fait, comme chaque année, nous continuerons à être ce que nous avons toujours été : un média engagé pour la transition, un média ouvert, bienveillant et transparent. Rien ne change vraiment donc, mais dans cette période chaotique, nous avions peut-être besoin de l’affirmer plus clairement, de vous le dire directement. Comme chaque année nous espérons que vous saurez vous retrouver dans les contenus que nous allons construire avec vous et pour vous. Nous espérons que vous aurez, grâce à nous, le sentiment de vous informer et de mieux vous former au monde de demain. Nous espérons apprendre et changer, et que vous apprendrez et changerez avec nous.
Et nous vous souhaitons donc, en 2022, de meilleurs débats, des discussions constructives, et l’émergence, peut-être, d’une envie commune de faire un monde un peu plus beau. Et ça sera déjà très bien.
Bonne année.
Photo par Jeremy Bishop sur Unsplash