Statistiques et chiffres sur l’immigration en France : on fait le point pour avoir les idées claires sur ce sujet de société.
Ces derniers jours, le sujet des migrations et de l’immigration a été au coeur des débats politiques. Le 19 décembre 2023, le projet de loi sur l’immigration, porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a définitivement été voté par le Parlement, après un accord trouvé entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire.
L’occasion de revenir sur quelques chiffres et définitions pour se repérer dans le débat, au-delà des préjugés et des discours préfabriqués.
Idée reçue n°1 : « migrant, immigré, étranger, c’est la même chose »
Migrant, immigré, étranger : ces mots, souvent interchangés dans le langage courant, revêtent des significations distinctes. Tentons de les clarifier.
Migrant : individu se déplaçant d’un lieu à un autre
Le mot « migrant » a vu son usage se généraliser ces dernières années : « crise des migrants », « camps de migrants »… Il désigne toute personne en situation de déplacement, que ce soit à l’intérieur d’un même pays (migrant interne) ou à travers les frontières internationales (migrant international), et ne correspond à aucun statut juridique.
« Migrant » est devenu un mot fourre-tout. Il désigne aussi bien le demandeur d’asile, le réfugié ou le sans-papiers. Ce terme fait simplement référence à une situation de mobilité, sans en préciser la cause (économique, personnelle, familiale, sécuritaire, politique, climatique…), ni qualifier en droit le statut de la personne dans le pays de destination.
Immigré : individu établissant une résidence permanente dans un pays étranger
En France, le Haut Conseil à l’Intégration (qui n’existe plus aujourd’hui), a défini un immigré comme étant une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. La personne peut acquérir ou non la nationalité française au cours de sa vie, mais sera toujours comptabilisée parmi les immigrés. Ainsi, une personne est dite immigrée même si elle réside depuis très longtemps en France et/ou qu’elle a la nationalité française.
Étranger : individu sans citoyenneté dans le pays de résidence
Un étranger est une personne qui réside en France mais ne détient pas la nationalité française. À partir de cette définition, on comprend que beaucoup d’étrangers sont immigrés, mais pas tous ! En effet, certains étrangers sont nés en France et n’ont jamais migré vers la France puisqu’ils y sont nés. C’est le cas des enfants nés en France de parents étrangers avant leurs 18 ans (âge à partir duquel ils peuvent acquérir la nationalité française*). Ainsi, la population étrangère vivant en France se compose en très grande majorité d’immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française, et de personnes nées en France de nationalité étrangère.
*C’est ce qu’on appelle le droit du sol. Ce droit est remis en cause dans sa forme actuelle par la loi immigration : la nationalité française n’est plus acquise automatiquement à l’âge de 18 ans, le jeune devra en faire la demande entre ses 16 et 18 ans.
Idée reçue n°2 : « la France est un pays d’immigration massive »
La France est, historiquement, un pays d’accueil. Elle est cependant aussi l’un des pays d’Europe de l’Ouest où l’immigration est parmi les plus faibles.
Proportion d’immigrés et d’étrangers dans la population totale
Parmi ses 67,8 millions d’habitants, la France comptait, en 2022, 7 millions d’immigrés soit 10,3 % de la population totale et 5,3 millions d’étrangers soit 7,8% de la population totale. Si l’on regarde dans le détail, on observe que la population étrangère vivant en France (5,3 millions) se compose de 0,8 million de personnes nées en France de nationalité étrangère et de 4,5 millions d’immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française. 2,5 millions soit 35% des immigrés ont acquis la nationalité française et ne sont donc pas considérés comme des étrangers.
Voici un schéma de l’INSEE pour s’y retrouver :
L’évolution de la population immigrée en France
Les chiffres de l’immigration sont à comparer avec ceux de l’émigration. En effet, rien ne permet de déterminer si une entrée sur le territoire va donner lieu à une installation permanente. Pour cela, on regarde le solde migratoire. Il s’agit de la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties au cours de l’année. En 2021, selon l’INSEE, 246 000 immigrés sont entrés en France et 45 000 en sont sortis, soit un solde migratoire de + 201 000 personnes. Entre 2006 et 2021, le solde migratoire des immigrés a augmenté de 23%.
Les chiffres montrent que la France n’a pas connu une hausse massive de sa population immigrée au cours des dernières décennies. Les taux d’immigration ont connu des fluctuations, mais ils ne sont pas constants, et l’immigration nette n’a pas été en croissance constante.
Le taux d’immigration en France par rapport aux autres pays européens
Pour se rendre compte de l’ampleur des flux migratoires en France par rapport aux autres pays, on peut se pencher sur le taux d’immigration par pays. Il est calculé en rapportant le flux entrant à la population du pays, En 2019, d’après Eurostat, pour 1 000 habitants, la France a enregistré 6 nouvelles entrées depuis l’étranger (toutes provenances et nationalités confondues) pour des séjours d’au moins un an. D’après
l’OCDE, la même année, pour 1 000 habitants, la France a octroyé 4 titres de séjour dits « permanents » à des personnes étrangères. Ainsi, proportionnellement à sa population, la France accueille environ deux fois moins d’immigrés que l’Allemagne ou la Belgique.
Idée reçue n°3 : « Accueillir l’immigration, c’est accueillir la misère du monde »
Cette affirmation reviendrait à dire que les immigrés sont tous pauvres et peu qualifiés. Pourtant, quand on regarde où ils se situent sur l’échelle sociale de leur société d’origine, c’est rarement au plus bas, et souvent au-dessus de la moyenne.
Les immigrés : des personnes pauvres ?
Les immigrés ne forment pas un groupe homogène, et leurs caractéristiques économiques varient considérablement d’une personne à l’autre. Il faut néanmoins avoir à l’esprit que migrer représente des coûts souvent très élevés. Ils sont liés aux frais officiels d’obtention des papiers et des autorisations, aux versements à des intermédiaires (pour surmonter le déficit d’information et satisfaire aux exigences administratives), aux frais de voyage et dans certains cas, aux pots de vin.
Ces coûts représentent d’autant plus un poids si le revenu perçu dans le pays d’origine est faible, et si le salaire perçu dans le pays d’accueil est faible, surtout dans le cas de contrats temporaires.
Plus que la misère du monde, c’est la misère des États qu’il faudrait évoquer comme ressort majeur de la migration. Sans parler des situations de guerres civiles et de persécutions qui suscitent des flots de réfugiés, nombreux sont les pays trop démunis pour garantir un minimum de sécurité aux projets individuels (administration désorganisée, système politique instable, infrastructures insuffisantes). S’ils disposent d’un minimum de ressources, ceux qui veulent améliorer leur sort vont chercher ailleurs les garanties nécessaires à leurs projets, ce qui rend parfois difficile la distinction entre migration économique et migration politique.
François Héran, « Cinq idées reçues sur l’immigration », dans Population & Sociétés
Les immigrés : des personnes peu instruites ?
La population immigrée est diversifiée et présente une large gamme de niveaux d’éducation. Certains immigrés sont effectivement peu instruits, souvent en raison de difficultés d’accès à l’éducation dans leur pays d’origine. Cependant, de nombreux immigrés possèdent des qualifications éducatives élevées, notamment des diplômes universitaires et des compétences professionnelles spécialisées.
Selon l’INSEE, les immigrés arrivés en 2021, âgés de 25 ans ou plus, ont des niveaux de diplômes plus polarisés que l’ensemble de la population âgée de 25 ans ou plus, c’est-à-dire avec des proportions plus fortes de personnes sans diplôme (24 % contre 20 %) et de diplômés du supérieur (51 % contre 35 %).
Dans l’ensemble, les migrants représentent par rapport aux non-migrants de la société d’origine une population sélectionnée : en meilleure santé, plus instruite, plus entreprenante, dotée d’un
François Héran
minimum de ressources pour payer le voyage et les frais d’installation.
La structure de l’immigration
La délivrance des titres de séjour, ne se fait pas pour les mêmes motifs. Les titres de séjour délivrés pour motif humanitaire étaient plus de deux fois moins nombreux que les titres délivrés pour motif de regroupement familial par exemple en 2021, selon l’INSEE.
L’observation de la structure de l’immigration révèle une diversité significative parmi les immigrés, démentant l’idée simpliste selon laquelle ils sont tous pauvres et peu qualifiés. Les catégories de délivrance des titres de séjour comprennent différents motifs tels que les études, le travail ou encore le regroupement familial, chacun reflétant une variété de profils socio-économiques.
Non, l’immigration en France n’est pas massive, elle n’est pas non plus misérable. Si en France elle est généralement perçue comme une menace, elle est vue comme une opportunité dans d’autres pays. Le Canada a par exemple fait de l’immigration une priorité dans le cadre de son plan de relance post-Covid.
L’immigration, en ce qu’elle apporte des contributions économiques, une diversité culturelle enrichissante, des innovations entrepreneuriales ou encore des réponses aux défis démographiques peut être considérée comme une véritable richesse. Cela nécessite en revanche un travail d’intégration réciproque : on demande aux immigrés de s’intégrer, de produire des efforts pour faire partie de la communauté nationale, mais il ne faut pas oublier que le processus marche dans les deux sens et c’est aussi à la République de faciliter leur intégration.
Image par Luisella Planeta de Pixabay