Les causes du cancer sont multiples et difficiles à comprendre et à identifier. Pourtant, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet. Voyons ce que l’on peut en tirer.
En France, le cancer est désormais la première cause de mortalité, tous âges confondus. Près de 30% des décès en France sont liés au cancer. C’est plus que les maladies cardio-vasculaires ou que les pathologies comme le VIH.
Depuis des années, le cancer est donc devenu un sujet prioritaire de santé publique : on cherche à mieux soigner le cancer, mais aussi à le prévenir. Mais pour cela, il faut comprendre d’où vient le cancer. Quelles en sont les causes, les facteurs qui augmentent le risque, afin de tenter de s’en préserver.
Le problème, c’est que le cancer est une maladie chronique multiforme et multifactorielle. En général, il est pratiquement impossible de dire si un cancer est lié à une cause ou une autre cause : certains facteurs augmentent les risques, mais les causes sont multiples, et souvent difficiles à identifier. Entre l’hérédité, l’âge, le mode de vie, l’exposition à certaines substances, difficile de savoir ce qui provoque précisément un cancer. Mais la science étudie ces phénomènes depuis des décennies et elle commence à savoir identifier certaines causes du cancer ou certaines corrélations. Tentons d’en savoir plus.
Identifier les causes du cancer : comment fait la science
D’abord, il faut comprendre que le cancer est une pathologie très répandue. Entre 1 personne sur 3 et 1 personne sur 2 développeront un cancer au cours de leur vie selon les études récentes publiée dans le British Journal of Cancer (ici et ici). En France, ce sont près de 300 000 à 400 000 nouveaux cas de cancer qui sont diagnostiqués chaque année.
Le cancer est une maladie que l’on peut qualifier, presque par définition, d’imprévisible. Concrètement, un cancer est une maladie caractérisée par le développement anormal de certaines cellules, qui prolifèrent de façon anormale dans l’organisme, envahissent les tissus et finisse par perturber certaines fonctions biologiques. Un cancer peut donc théoriquement se déclencher chez n’importe qui, à n’importe quel moment. Il s’agit en quelque sorte d’un « bug » dans la reproduction cellulaire qui peut se produire de façon aléatoire.
Mais alors, pourquoi certaines personnes développent des cancers et d’autres non ? Pourquoi certaines populations semblent plus exposées que d’autres ? Qu’est-ce qui provoque ces différences ? Les chercheurs tentent depuis longtemps de comprendre ce qui peut augmenter le risque de cancer ou encore le réduire.
Comment ? Principalement, en observant les populations affectées par le cancer et en examinant leur mode de vie et leurs habitudes : cigarette, alimentation, sport, exposition à des produits dangereux… Mais aussi leurs caractéristiques génétiques, leurs antécédents familiaux, leur historique de santé. Toutes ces données sont ensuite comparées à celles de populations qui ne sont pas affectées par le cancer, ou à des populations moyennes. Et à partir de là on peut identifier quels facteurs sont corrélés à la survenue du cancer. Bien-entendu, l’étude peut aussi se faire dans l’autre sens : on observe une population spécifique avec une habitude donnée (par exemple le tabagisme) et on observe si cette population est plus exposée que la moyenne aux cancers. C’est ce qu’on appelle les études épidémiologiques ou observationnelles.
Par exemple, si on constate que les patients atteints d’un cancer fument plus que la moyenne ou que au contraire ceux qui fument ont en moyenne plus de cancers, alors on peut dire que le tabagisme est corrélé à un risque accru de cancers. Mais attention, il s’agit de corrélation et pas forcément d’une causalité. Une fois le lien, la corrélation identifiée, il faut comprendre quelle est la nature du lien : est-ce que le tabac accroit les risques de cancer ? Est-ce que c’est la fumée ? Est-ce que c’est un autre facteur ? Dans le cas du tabagisme on a identifié clairement ces mécanismes : des produits toxiques qui affectent la structure génétique de certaines cellules, altère les mécanismes de reproduction cellulaire, créent de l’inflammation chronique…
À partir de ces données, on peut identifier certains facteurs qui sont prépondérants dans le risque de survenue du cancer.
Les facteurs qui causent ou augmentent le risque de cancer
Comme on l’a vu, il est très difficile d’identifier une cause précise à la survenue d’un cancer, puisque c’est un phénomène de l’ordre de l’aléatoire. De plus, tous les cancers ne sont pas affectés par les mêmes facteurs de risque : certains facteurs peuvent augmenter le risque de certains cancers tout en diminuant le risque d’autres cancers.
Mais globalement, les chercheurs sont parvenus à identifier certains facteurs qui augmentent en général le risque de survenue du cancer. Parmi eux, les plus importants sont des facteurs non-modifiables : l’âge et la prédisposition génétique. On sait que certains gènes prédisposent au cancer et qu’on a plus de chances de développer un cancer au fur et à mesure que l’on vieillit. Avec l’âge, les mécanismes de reproduction cellulaire sont de moins en moins performants (c’est le principe du vieillissement) et cela augmente la probabilité de développer un cancer.
Mais une bonne partie des cancers sont aussi liés à des facteurs sur lesquels on peut agir : l’alimentation, l’exposition au tabac ou à d’autres substances toxiques, le mode de vie. C’est ce que l’on appelle les « facteurs de risque modifiables ». Dans une étude de 2015 publiée dans le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire de Santé Publique France, les chercheurs ont cherché à identifier ces facteurs et à connaître les plus importants, expliquant « qu’il est intéressant de quantifier dans quelle mesure ils sont responsables de l’incidence des cancers observée aujourd’hui, afin d’identifier les facteurs sur lesquels il serait important d’agir.«
Selon les chercheurs, 41% des cancers en France seraient attribuables à 13 principaux facteurs parmi ceux identifiés comme cancérogènes possibles ou certains par le Centre Internationale de Recherche contre le Cancer.
Les causes les plus importantes de cancer
Les facteurs en cause dans l’apparition des cancers ainsi identifiées étaient, dans l’ordre :
- Le tabac : 20% des cas de cancers
- L’alimentation et le surpoids et l’obésité : 10.8% des cas
- L’alcool : 8% des cas
- Les infections virales et bactériennes : 4% des cas
- Les expositions professionnelles : 3.6% des cas
- L’exposition aux UV : 3.1%
- Les radiations ionisantes : 1.9% des cas
- Une activité physique insuffisante : 0.9% des cas
- Certaines hormones : 0.8% des cas
- Le manque d’allaitement : 0.5%
- La pollution de l’air extérieur : 0.4%
- L’arsenic et le benzène : 0.1%
Concernant l’alimentation, 5.4% des cas de cancers seraient liés à une mauvaise alimentation (manque de fruits et légumes, manque de fibres, consommation excessive de viande rouge transformée) et 5.4% à un surpoids lié à une suralimentation.
Concernant les hormones, il s’agit notamment du traitement hormonal de la ménopause (0.6% des cas) et la pilule contraceptive (0.2% des cas, sachant qu’elle évite plus de cancers qu’elle n’en cause).
[box]Voir aussi : Les causes de l’obésité et du surpoids[/box]
Tabac, alimentation et alcool : les 3 principales causes du cancer
De façon assez claire, on voit que les 3 facteurs les plus impliqués dans les risques de cancers en France sont le tabac, l’alimentation et le surpoids, et l’alcool. Ce sont donc 3 causes sur lesquelles on peut agir au quotidien. Réduire la consommation de tabac et d’alcool semblent les deux mesures les plus simples pour réduire les risques de prévalence du cancer dans la population.
Côté alimentation, les trois facteurs de risque les plus importants sont : le manque de fruits et de légumes (moins de 300 g par jour chacun), le manque de fibres (moins de 25 g par jour), et la consommation excessive de charcuterie et de viande transformée. Il y a donc un vrai enjeu à promouvoir un régime alimentaire plus sain, accompagné par une pratique sportive plus intense (qui protège contre certains cancers en plus de réduire les risques de surpoids).
Dans d’autres pays, notamment en Grande Bretagne, des études similaires ont été menées et concluent d’une manière générale aux mêmes résultats (au Royaume-Uni, tabac et surpoids sont les deux premières causes évitables du cancer).
Les autres causes du cancer : pesticides, additifs… ?
Cette étude permet d’identifier de façon plus précise les facteurs qui peuvent être à l’origine d’un risque accru de développer un cancer. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que ce sont les seuls facteurs. En effet, comme n’importe quelle étude, l’étude de Santé Publique France comporte des biais inévitable : notamment, elle ne peut pas évaluer absolument tous les facteurs existants.
Outre ceux étudiés ici, de nombreux autres facteurs sont suspectés d’être cancérigènes : certains pesticides, des additifs, des substances diverses utilisées dans les produits de peinture ou de nettoyage… Ces substances sont listées dans les groupes 1 et 2A dressées par le Centre International de Recherche contre le Cancer. Sur ce sujet, Santé Publique France note « un manque de données d’exposition et de risque en France, notamment pour les substances chimiques présentes dans l’environnement général », qui rende difficile l’évaluation du risque cancérigène pour ces substances. En résumé : dans la mesure où on ne sait pas vraiment quantifier l’exposition à ces substances avec précision, il est difficile d’évaluer l’effet de cette exposition.
En règle générale, on peut toutefois estimer que ces facteurs dont les expositions sont diffuses (les pesticides, les additifs, les substances chimiques) sont moins importantes en termes de risque de survenue du cancer que les grands facteurs modifiables comme l’alimentation, le tabac ou l’alcool. En effet, le consensus scientifique sur les liens entre pesticides et cancers par exemple, semble moins solide et moins catégorique que pour le tabac. Seuls 3 pesticides sont classés comme cancérigènes par le Centre Internationale de Recherche contre le Cancer, et 6 autres sont classés comme cancérigène probables (notamment le glyphosate). Mais les méta-analyses sur le sujet ne sont pas très nombreuses, et les corrélations pas toujours très claires ou significatives. En gros, il y a une suspicion qu’une exposition élevée à certains pesticides puisse augmenter légèrement le risque de certains cancers (pas tous), mais c’est loin d’être un facteur aussi déterminant que notre alimentation ou notre comportement vis-à-vis du tabac.
En résumé : les risques de cancer et leurs causes
Outre l’âge et la prédisposition héréditaire, les principales causes du cancer en France sont le tabac, l’alimentation (et notamment le surpoids) et l’alcool. Pour se protéger du cancer ou du moins faire le maximum de prévention, ce sont sur ces facteurs modifiables qu’il faut agir en priorité.
Si nous parvenions collectivement à réduire notre consommation de tabac et d’alcool, et à augmenter notre consommation de fruits et légumes, ce seraient déjà plus de 90 000 cancers qui pourraient évités chaque année.
Photo par National Cancer Institute sur Unsplash