Pourquoi devient-on « gros » ? Quelles sont les causes de l’obésité et du surpoids ? Comment prend-on du poids ? On tente de répondre à cette question plus complexe qu’il n’y paraît.
Aujourd’hui dans le monde, près de 39% de la population est en surpoids, c’est-à-dire en situation où la masse corporelle commence à poser des problèmes de santé. En France, c’est près d’une personne sur deux qui est en surpoids et plus de 17% en situation d’obésité. Cette situation constitue un profond problème de santé publique : les personnes obèses ont plus de problèmes de santé, plus de risques de développer des maladies cardiovasculaires, des cancers, des problèmes articulaires, hormonaux et autres. Dans le même temps, la prévalence du surpoids ne diminue pas, au contraire : de plus en plus d’individus sont en surpoids ou obèses, de plus en plus jeunes.
Alors, pourquoi devient-on « gros » ? Qu’est-ce qui provoque ces prises de poids, quelles sont les causes de l’obésité et du surpoids ? À première vue, la question peut paraître triviale : si l’on grossit, c’est que l’on mange trop, tout simplement, non ? En effet, le surpoids et l’obésité sont intimement liés à nos comportements alimentaires. Mais les causes de ces pathologies sont en fait plus complexes : à la fois alimentaires, liées à nos modes de vie, à notre environnement social et économique, et bien d’autres facteurs.
Plus que jamais, il est urgent de comprendre ces causes et leurs interactions, pour mieux appréhender ce problème majeur de santé publique. On vous explique.
Une cause principale : l’excédent calorique
La littérature scientifique semble s’accorder sur le fait que la prise de poids menant au surpoids ou à l’obésité à une cause principale : un déséquilibre entre les calories ingérées et les calories dépensées. En résumé, on prend du poids lorsque l’on mange plus que ce que notre corps dépense en énergie.
La prise de poids et en particulier de graisse a lieu lorsque le corps est de façon chronique en excédent calorique. Pour résumer simplement : lorsque l’on ingère de la nourriture, elle est digérée et transformée en molécules plus simples, qui sont ensuite utilisées par nos cellules pour produire de l’énergie par différentes réactions physico-chimiques. Cette énergie est ensuite utilisée par nos cellules, notamment pour faire fonctionner nos muscles et nos fonctions biologiques.
Si nous consommons trop de nourriture, et en particulier trop de nourriture riche en énergie, par rapport à l’énergie dont nous avons besoin au quotidien, on se retrouve en surplus énergétique. Et cette énergie, le corps la stocke quelque part. D’abord dans le foie et les muscles, sous forme de glycogène, puis sous forme de graisses.
Physiologiquement, il ne peut pas y avoir de prise de poids sans excédent calorique. Si l’on grossit, c’est donc forcément que l’on mange trop par rapport à nos besoins énergétiques. Toutefois, si l’équation « calories ingérées – calories dépensées » est la cause essentielle de la prise de poids, elle ne résume pas à elle seule la complexité de la question. Dans les faits, deux individus qui consomment la même nourriture et font la même quantité d’exercice physique n’auront pas forcément les mêmes résultats en matière de prise ou de perte de poids. Ces différences sont liées notamment à ce que l’on appelle le « métabolisme ».
Au-delà des calories : la complexité du métabolisme
Le métabolisme désigne l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent au sein d’un organisme vivant et qui lui permettent d’assurer ses fonctions biologiques. En matière d’alimentation et de poids, le métabolisme désigne en général l’ensemble des réactions qui nous permettent de réguler notre digestion, notre appétit, la façon dont nous utilisons les nutriments pour produire de l’énergie ou pour produire de nouvelles cellules, la façon dont nous consommons l’énergie que nous produisons grâce à l’alimentation, etc. Ces réactions métaboliques sont en général déclenchées par notre système nerveux et notre système hormonal, et elles varient d’un individu à l’autre, de sorte que chacun aura un métabolisme différent.
Par exemple, notre propension à convertir les nutriments en graisses est en partie régulée par une hormone : l’insuline. Pour simplifier, lorsque l’on digère, on transforme les nutriments en glucose, qui circule dans le sang pour être notamment converti en énergie. Mais l’organisme doit maintenir le glucose sanguin à un niveau modéré pour fonctionner correctement. Pour y parvenir, la digestion et l’élévation du taux de glucose sanguin déclenchent la sécrétion d’une hormone appelée l’insuline par le pancréas. Cette hormone va agir comme un signal indiquant à l’organisme de stocker le glucose superflu, celui qui n’est pas utilisé par les cellules, notamment sous forme de graisse. Il pourra alors être reconverti plus tard en glucose.
Inversement, une autre hormone, le glucagon est sécrété lorsque le taux de glucose sanguin est bas, et indique à l’organisme un besoin en glucose. Les cellules qui en stockent (dans le foie, les muscles, ou le tissu graisseux) libèrent alors ce glucose. C’est ainsi que l’on « brûle » les graisses. L’équilibre entre ces cycles hormonaux est très variable d’un individu à l’autre, car il est influencé par le régime alimentaire, l’activité physique, le sommeil, et d’autres hormones (cortisol, thyroïde) qui dépendent de nos modes de vie (stress, situation médicale…). Résultat, certains individus seront plus ou moins sensibles à l’insuline, et auront donc une propension plus ou moins élevée à convertir les nutriments sous forme de graisses suite à un repas.
Le métabolisme est d’autant plus complexe qu’il existe des dizaines de réaction qui affectent notre alimentation, notre digestion, et le reste. L’appétit, par exemple, est régulé par deux hormones au fonctions opposées : la ghréline et la leptine. La ghréline stimule l’appétit, et la leptine le diminue, pour simplifier. Les cycles de ces hormones varient considérablement en fonction des modes de vie et de différents facteurs, ce qui explique que certains aient plus de mal à réguler leur appétit que d’autres. On pourrait aussi parler du rôle de la thyroïde, du cortisol, et d’autres.
Le métabolisme est donc un déterminant important de la prise de poids, ce qui signifie que les facteurs qui agissent sur notre métabolisme (alimentation, activité physique, sommeil, hygiène de vie et autres) peuvent être des causes de la prise de poids, du surpoids et de l’obésité. Certains chercheurs utilisent d’ailleurs le terme de « syndrome métabolique » pour désigner l’obésité.
L’importance de la charge glycémique dans la prise de poids
Depuis quelques années, la littérature scientifique a mis en évidence un facteur particulièrement important dans l’état du métabolisme humain et par extension dans la prise de poids : la charge glycémique de nos repas. La charge glycémique désigne la propension d’un aliment à faire monter rapidement le glucose sanguin après un repas. Un aliment avec une forte charge glycémique contient généralement beaucoup de glucides (c’est-à-dire l’ensemble des « sucres », y compris les sucres dits « complexes ») et a un index glycémique élevé, ce qui signifie que ces glucides sont absorbés facilement et rapidement par l’organisme lors de la digestion. Les aliments à forte charge glycémique regroupent les aliments sucrés, mais aussi les féculents comme les céréales, les farines, pains, pommes de terre, notamment lorsqu’ils sont raffinés, c’est-à-dire transformés pour être débarrassés de leurs fibres.
Une alimentation avec une charge glycémique élevée provoque des fluctuations importantes des taux de glucose sanguins, et donc des pics d’insuline, qui perturbent notre métabolisme avec le temps. Progressivement, les cycles de l’insuline sont perturbés, ce qui augmente le stockage de graisse, et modifie en retour d’autres systèmes hormonaux (ghréline, leptine, thyroïde) avec des effets à long terme : sensation de faim accrue, baisse des dépenses caloriques, fatigue… S’installe alors un cercle vicieux : on prend du poids, ce qui aggrave encore les dérèglements hormonaux initiaux, et renforce donc la prise de poids, etc. Ces phénomènes sont renforcés par une alimentation déséquilibrée : un régime alimentaire trop pauvre en fibres, pauvre en légumes et en fruits, pauvre en vitamines et minéraux, renforce à la fois la charge glycémique des repas, et accentue les dysfonctionnements métaboliques. Certains chercheurs estiment, dans une étude publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition, que l’ensemble de ces phénomènes a un rôle majeur dans le développement du surpoids et de l’obésité.
En résumé : si l’on grossit, c’est souvent car l’on mange trop, mais surtout mal : trop d’aliments à forte charge glycémique, qui détraquent notre métabolisme, trop peu de fibres, de minéraux et de vitamines. Historiquement, on observe d’ailleurs que la hausse des taux d’obésité coïncide avec le développement d’une offre alimentaire riche en glucides, en sucres, et pauvre en fibres, vitamines et minéraux.
Le rôle du mode de vie dans la prise de poids et l’obésité
En plus de ces causes strictement alimentaires, notre mode de vie joue aussi un rôle dans la prise de graisse. En effet, notre hygiène de vie quotidienne influence notre système hormonal et notre métabolisme. Certains comportements peuvent donc favoriser la prise de poids, et à terme, conduire au surpoids. Voici les exemples les plus significatifs :
Le manque d’activité physique et la sédentarité
L’activité physique, en augmentant notre dépense calorique quotidienne, permet en principe de limiter les risques d’excédent calorique, à condition bien-sûr de ne pas compenser en augmentant sa consommation de nourriture. Les études scientifiques montrent aussi depuis longtemps que l’activité physique a un effet régulateur sur le métabolisme. Elle améliore la sensibilité à l’insuline, par exemple, et permet donc d’éviter une partie des effets néfastes liés à une alimentation trop riches en glucides. L’activité physique améliore le métabolisme des graisses et des sucres, et elle régule aussi les hormones liées au stress. En ce sens, être actif et faire du sport est l’un des éléments de nos modes de vie qui permet de limiter la prise de poids et les risques de surpoids ou d’obésité.
Inversement, comme le confirment les revues de la littérature scientifique récentes, le manque d’activité physique est donc un facteur de risque de prise de graisse, du surpoids et de l’obésité. La sédentarité réduit l’activité des enzymes qui permettent à notre corps de dégrader les graisses pour en faire de l’énergie (par exemple, la lipoprotéine lipase). Elle diminue aussi l’activité vasculaire, dégrade le fonctionnement hormonal, agit sur le système nerveux… Ces différents effets rendent l’organisme moins performant pour mobiliser l’énergie, réguler son poids et gérer les graisses.
Une étude menée par l’Université de Stanford confirme d’ailleurs qu’historiquement, la diminution de l’activité physique est corrélée à la hausse des taux d’obésité. Et selon l’OMS, la sédentarité est une des principales causes de l’obésité au niveau mondial.
[box]Voir aussi :
Le rôle du manque de sommeil dans le surpoids
De nombreuses études montrent aussi que le manque de sommeil est un facteur de risque de prise de poids. L’association entre une durée de sommeil faible et une masse corporelle supérieure ou un risqu d’obésité accru est bien identifié chez les personnes âgées, ainsi que chez les enfants. Les résultats des études menées sur les adultes d’âge moyen sont plus mitigés, probablement à cause d’un manque de données de qualité.
Il existe de nombreuses données montrant que le manque de sommeil favorise les modes de vie et les comportements à risque du point de vue de la prise de poids. Par exemple, les individus qui dorment le moins tendent aussi à être les plus sédentaires et les moins actifs physiquement. Un temps de sommeil court engendre de la fatigue physique et mentale qui pourrait inciter à être moins actif en journée.
Le manque de sommeil aurait également un impact sur le fonctionnement métabolique : il augmenterait la sécrétion de ghréline (l’hormone de la faim), dégraderait la sensibilité à l’insuline, augmenterait l’inflammation… Dormir trop peu favoriserait aussi la dégradation de la régulation du glucose. Et un sommeil trop court serait aussi lié à un autre facteur de risque d’obésité, le stress : en dérégulant les rythmes hormonaux normaux du corps, il favoriserait la sécrétion de cortisol (l’hormone du stress).
Le stress comme facteur de risque
Or le stress est généralement considéré comme un facteur de risque pour l’obésité et le surpoids. En effet, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Stanford a mis en évidence que le stress chronique affectait la manière dont notre organisme produit des cellules graisseuses. Pour résumer : lorsque notre organisme est exposé à des pics d’hormones appelées les glucocorticoïdes (les hormones du stress, dont, principalement, le cortisol), il tend à produire des cellules graisseuses. Cet effet est d’autant plus fort que ces pics sont prolongés, ou réguliers, et notamment lorsqu’ils ont lieu en soirée ou la nuit.
Le stress aurait aussi des conséquences sur nos comportements alimentaires et notre métabolisme : il augmenterait la sensation de faim, notamment les épisodes de faim compulsive, participerait à dérégler nos systèmes hormonaux, notre système nerveux… En conséquence on observe que les taux de cortisol sont positivement corrélés à la prise de poids et au risque d’obésité.
Les situations qui induisent du stress favorisent donc la prise de poids. Il a ainsi été démontré que de le fait de travailler de longues heures favorise la prise de poids, tout comme le stress au travail. Le stress induit par la naissance d’un enfant peut aussi provoquer des prises de poids. Les très nombreux facteurs contribuant au stress global des populations, comme les traumatismes psychologiques, jouent donc un rôle dans le développement du surpoids et de l’obésité. Et inversement, mieux gérer son stress peut faire partie des leviers pour contrôler son poids.
En plus d’une alimentation inadaptée, le manque d’activité physique et de sommeil, ainsi qu’un stress chronique apparaissent donc comme trois des facteurs pouvait augmenter les risques de prise de poids et de surpoids.
Le rôle des structures socio-économiques et culturelles dans l’obésité
Le problème, c’est que notre environnement culturel et socio-économique participe à renforcer l’ensemble des mécanismes et des facteurs de risques que l’on vient de lister. Nos structures sociales et économiques favorisent à la fois la mal-bouffe, l’inactivité physique, le manque de sommeil, elles engendrent du stress, etc.
L’industrialisation de l’agro-alimentaire favorise une alimentation déséquilibrée
L’industrialisation du secteur agro-alimentaire a ainsi favorisé le développement d’une alimentation à la fois abondante, facile d’accès, trop dense en calories et riches en sucres et en graisses saturées ou hydrogénées, tout en étant finalement peu nutritive et peu qualitative. On a observé en quelques décennies une hausse de la production de produits riches en graisses saturées et hydrogénées (viande, huiles, etc.) et surtout, une hausse de la production et de la consommation de glucides raffinés. On a développé des productions alimentaires compatible avec l’industrialisation de l’agriculture (grandes cultures céréalières très productives, notamment) et avec la course au prix bas.
Or, les études épidémiologiques et les revues de la littérature montrent que le développement d’une telle industrie agro-alimentaire joue un rôle dans le développement du surpoids. La généralisation de produits à forte charge glycémique et en graisses saturées notamment favorise une alimentation déséquilibrée. Une étude publiée aux Presses Universitaires de Cambridge a ainsi montré que l’environnement de consommation alimentaire influence la façon dont nous nous alimentons : si de la junk food, des boissons sucrées et des céréales raffinées sont accessibles et peu chères, on a tendance à en consommer plus. D’une manière générale, le monde a évolué en quelques années vers un régime alimentaire favorisant les maladies métaboliques et les maladies chroniques (diabète, hypertension…).
Le rôle de l’environnement socio-économique
L’environnement économique qui entoure l’alimentation favorise aussi une alimentation déséquilibrée et propice à la prise de poids. Par exemple, la publicité et le marketing ont joué un rôle fondamental dans la formation de nouvelles habitudes de consommation, et notamment la surconsommation de produits transformés, peu nutritifs mais caloriques et riches en sucres et en graisses. L’influence du marketing est en particulier identifiée comme un facteur de risque d’obésité chez les enfants. La publicité et le marketing ont participé à brouiller l’information au sujet de l’alimentation, et à rendre la nutrition complexe à comprendre pour les consommateurs. D’une manière générale, les sociétés industrialisées ont changé de rapport à la nourriture, et ce sont souvent les aliments les moins sains qui ont le plus de visibilité culturelle.
Aussi, on observe de grandes inégalités entre les consommateurs concernant leur rapport à l’alimentation et leurs connaissances des critères d’une alimentation saine. Les études montrent régulièrement que les personnes les plus défavorisées sur le plan économique sont souvent celles qui affichent des taux de surpoids et d’obésité les plus élevés. Plusieurs raisons l’expliquent : d’abord, le manque de moyens à allouer à la préparation de repas sains et équilibrés (une nourriture saine est souvent plus chère), une moins bonne connaissance des sujets nutritionnels, ainsi que le manque de temps, entre autre. L’obésité est donc favorisée par la persistance (et la hausse) des inégalités socio-économiques, qui maintiennent certaines populations dans une situation de dépendance vis-à-vis de productions alimentaires nocives pour la santé.
Bref : notre environnement social, économique et culturel peut augmenter les risques de prise de poids et d’obésité, en nous confrontant quotidiennement à une alimentation inadaptée. Voir aussi : Obésité : le poids des inégalités sociales et économiques
Les maladies et les médicaments : causes rares de surpoids et d’obésité
Certaines maladies ou certains médicaments peuvent aussi entraîner des prises de poids, voire contribuer au surpoids et à l’obésité. Des pathologies comme la Maladie de Cushing, qui augmente la sécrétion de cortisol, l’hypothyroïdie sévère, ou certaines formes de syndromes des ovaires polykystiques, qui agissent sur la sensibilité à l’insuline, peuvent ainsi avoir un effet nocif sur le métabolisme et favoriser la prise de poids. Les maladies ou pathologies qui affectent la mobilité des personnes peuvent aussi favoriser l’obésité en entraînant une sédentarité forcée. Ces maladies sont des facteurs de risques, mais leurs effets peuvent-être modérés grâce à une alimentation adaptée. Et globalement, ces conditions médicales restent rares, et elles n’expliquent pas la prévalence actuelle de l’obésité.
L’usage de certains médicaments peut aussi favoriser la prise de poids en modifiant notre métabolisme. C’est notamment le cas des anti-dépresseurs, de certains stéroïdes ou de corticoïdes. Là encore, il s’agit de causes secondaires, pour lesquelles la prise de poids peut être évitée grâce à une prise en charge adaptée et à une modification de l’alimentation et des modes de vie.
La génétique : un rôle significatif mais secondaire
Enfin, la génétique peut aussi jouer un rôle en matière de prise de poids et de risques de surpoids ou d’obésité. Pour être précis, certaines variantes génétiques favorisent la prise de poids. Mais contrairement à une idée de plus en plus répandue dans l’espace public, l’obésité n’est une pathologie transmise génétiquement, dans le sens il n’existe pas un ou des gènes qui donnent l’obésité comme des gènes donneraient les yeux bleus.
À l’heure actuelle, les chercheurs qui étudient ce sujet ont identifié deux grands types de liens entre gènes et obésité. On parle d’un côté d’obésité monogénique, et de l’autre, d’obésité polygénique. L’obésité monogénique désigne des formes très rares d’obésité (moins de 3 à 5% des personnes obèses), associées à des mutations sur des gènes uniques, qui prédisposent à l’obésité. Ainsi, on sait que des mutations sur certaines gènes qui codent les hormones de la faim et de la satiété prédisposent fortement à l’obésité, en favorisant les troubles du comportements alimentaires. Mais ces mutations sont rares, et participent le plus souvent à des formes extrêmes et très précoces d’obésité : obésité avant 10 ans, Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieurs à 35.
L’obésité polygénique, elle, désigne des formes plus communes d’obésité, en partie liées à des mutations sur une série de gènes qui provoquent un métabolisme favorable à la prise de poids. En gros, on retrouve chez les personnes obèses ou en fort surpoids certaines mutations génétiques, qui affectent par exemple la régulation du glucose, la sensibilité à l’insuline, le stockage graisseux, l’appétit… Près d’une centaine de mutations génétiques ont été identifiées par la littérature récente comme des mutations augmentant le risque de développer une forme de surpoids ou d’obésité.
Mais cette prédisposition génétique ne veut pas dire prédiction : le fait de posséder des mutations génétiques prédisposant à l’obésité ne signifie pas forcément que l’on devient obèse, loin de là. Une étude publiée en 2022 dans Nature Reviews Genetics montre que si l’on prend un échantillon des 10% des individus possédant le plus de mutations prédisposant à l’obésité, seuls 43% d’entre eux deviennent effectivement obèses au cours de leur vie. Même parmi ceux qui ont le plus de risques de devenir obèses, moins de la moitié le deviennent.
Pour reprendre la formule du Département de Santé Publique de l’Université d’Harvard : les gènes ne sont pas une destinée. Ce sont en fait les interactions entre une génétique prédisposante et des comportements alimentaires inadaptés et un environnement défavorable qui provoquent des prises de poids et de l’obésité. Même lorsque l’on a une génétique prédisposant à l’obésité, on peut garder un poids stable et sain en adoptant une alimentation équilibrée, adaptée, une activité physique et des modes de vie sains.
La génétique joue donc un rôle secondaire dans la prise de poids et l’obésité, en augmentant les risques de troubles du comportements alimentaires ou en provoquant un métabolisme favorable à la prise de poids. Mais ce sont avant tout nos régimes alimentaires et nos modes de vie qui déterminent nos risques d’être obèses ou en surpoids. Plus qu’une génétique défavorable, c’est une alimentation inadaptée à notre génétique qui est en cause.
L’obésité : une maladie complexe, multifactorielle mais d’abord liée à nos modes d’alimentation et de vie
Les causes de l’obésité sont donc nombreuses, et si l’obésité est avant tout liée à notre façon de nous alimenter et à notre activité physique, de nombreux facteurs peuvent augmenter les risques de prendre du poids : notre hygiène de vie, notre environnement social et économique, certaines pathologies ou des prédispositions génétiques…
Si ces causes sont multiples, cela signifie qu’il n’y a pas une seule approche pour prévenir et / ou guérir l’obésité. Certes, le premier levier d’action face à cette maladie complexe reste d’adapter son alimentation et son mode de vie : réduire son apport calorique, mais surtout réduire son apport en glucides et en mauvaises graisses, choisir des aliments à plus haute qualité nutritionnelle, et pratiquer une activité physique adaptée. Mais pour lutter contre l’obésité, il faut aussi agir sur ce qui la favorise au niveau collectif : nos systèmes alimentaires, les déséquilibres socio-éducatifs et économiques… Il faut aussi avoir une approche individualisée, correspondant aux particularités médicales et même, à terme, génétiques, pour proposer à chacun des solutions pertinentes en fonction de sa situation.
Photo par Tony Alter