Les plus gros pollueurs de la planète sont aussi ceux qui subissent le moins les dangers du réchauffement climatique. Et inversement, ceux qui polluent le moins vont le prendre de plein fouet.
Ce n’est un secret pour personne : tout le monde n’a pas la même responsabilité dans le réchauffement climatique. En effet, lorsque l’on regarde les causes des perturbations climatiques mondiales, l’essentiel peuvent être attribués aux pays riches. En effet, sur les 10 plus gros émetteurs de CO2 du monde par habitant (ceci incluant les émissions importées via la consommation) on trouve 7 pays riches, membres de l’OCDE répartis majoritairement entre l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord (dans l’ordre : Etats-Unis, Japon, Russie, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et France).
C’est logique : plus on consomme, plus on émet de CO2. Et comme on consomme plus dans les pays riches que dans les pays en développement, ce sont globalement les pays riches qui contribuent le plus au réchauffement climatique. Mais paradoxalement, ces gros pollueurs sont aussi ceux qui subiront le moins les conséquences du réchauffement climatique dont ils sont responsables. Au contraire, les pays les plus pauvres, ceux qui ont le moins contribué au réchauffement climatique, sont ceux qui le subiront le plus fortement.
Les pays pauvres et vulnérables face aux dangers du réchauffement climatique
C’est le résultat d’une étude publiée dans la revue Science Advance : le réchauffement climatique est profondément injuste. En effet, les chercheurs ont mesuré la vulnérabilité de différentes régions du monde face au réchauffement climatique. Ils ont constaté que le réchauffement allait avoir plus de conséquences dans certaines zones que dans d’autres. Les régions qui sont déjà chaudes par exemple, auront plus de mal à faire face au réchauffement. Les zones tropicales, plus fragiles, subiront également plus de dommages. À contrario, les zones plutôt tempérées de l’hémisphère Nord devraient avoir un peu moins de difficultés (même si rien de tout ça n’est réjouissant).
Le problème c’est que ces zones chaudes, arides ou tropicales sont aussi celles qui abritent des pays en général plus pauvres, qui ont globalement moins pollué que les pays européens ou que les Etats-Unis. En gros, un pays comme le Brésil, qui pollue relativement peu par rapport à un pays comme la France, va subir plus de conséquences négatives liées au réchauffement climatique.
L’inégalité climatique : un phénomène global
Ce phénomène que l’on qualifie souvent d’inégalité climatique est malheureusement généralisé : les pays les plus vulnérables face au réchauffement climatique sont aussi ceux qui y ont le moins contribué.
Mais cela est valable aussi au niveau intra-étatique. Au sein d’un même pays, ce sont souvent ceux qui contribuent le plus aux émissions de CO2 et à la pollution qui en subissent le moins les effets. Ainsi, une étude menée aux Etats-Unis confirme que le réchauffement climatique affecte plus fortement le Sud du pays, dans des régions qui sont déjà en moyenne plus pauvres. Mais ce n’est pas qu’une question régionale : les aléas climatiques sont plus susceptibles d’affecter des populations qui sont déjà vulnérables. Par exemple, les catastrophes climatiques affecteront d’abord les agriculteurs, qui font partie des populations pauvres. L’augmentation des prix de l’alimentaire qui en résulte affectera d’abord les plus pauvres, ceux qui ont peu de moyens. Quant aux plus riches, ils disposent bien souvent du capital nécessaire pour faire face aux problèmes inhérents au changement climatique.
Or il est aujourd’hui largement démontré que les riches (qui consomment plus, ont de plus grands logements, voyagent plus, ont de plus gros véhicules) polluent plus que les pauvres. Le bilan carbone des français réalisé par l’ADEME montrait parfaitement cette sensibilité de l’empreinte carbone au niveau de vie : plus on est riche plus on pollue. Et plus on est riche, moins on est affecté par les problèmes écologiques.
Comment résorber l’injustice climatique ?
Aujourd’hui, cette inégalité et cette injustice climatique sont d’ailleurs au coeur des négociations sur le climat. Dans le Protocole de Kyoto puis dans l’Accord de Paris, les dirigeants mondiaux se sont d’ailleurs mis d’accord pour établir le principe d’une « responsabilité commune mais différenciée ». L’idée ? Chaque pays est effectivement responsable de la lutte contre le réchauffement climatique, mais ceux qui ont le plus contribué au problème doivent contribuer plus que les autres, mettre plus de moyen. Et pour l’instant, ce principe est encore très difficile à faire appliquer : le Fond Vert destiné à financer la transition écologique dans les pays pauvres a du mal à trouver ses finances par exemple.
L’autre problème c’est qu’aucun mécanisme concret de ce type n’existe pour gérer cette injustice au niveau individuel. Ainsi, il n’existe aucune vraie taxe sur les émissions de CO2 qui permettrait aux riches (qui polluent plus) de contribuer plus aux efforts nationaux de lutte contre le réchauffement climatique. Aujourd’hui, c’est donc la double peine pour ceux qui polluent le moins : non seulement ils subiront plus que n’importe qui le réchauffement climatique, mais en plus, ils doivent contribuer autant que les autres pour en atténuer les effets.