Avec la crise de la Covid-19, les femmes sont encore moins bien représentées dans les médias. Explications.
La Une du journal Le Parisien, avec les portraits de 4 experts uniquement masculins pour évoquer « le monde d’après », faisait polémique le dimanche 5 avril. Elle est en en réalité révélatrice d’un problème plus profond, celui d’une baisse de la représentation des femmes dans les médias avec la crise de la Covid-19.
A la lumière de l’étude de l’INA sur l’évolution du temps de parole des femmes à la télévision et à la radio durant le premier confinement, et du rapport de Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias en temps de crise, tentons de comprendre le renforcement des inégalités de représentation à la télévision et à la radion, en France, dû à la crise.
Une baisse du temps de parole des femmes à la télévision et à la radio pendant le confinement
Une étude de l’INA publiée le 9 septembre 2020 a analysé via une intelligence artificielle 700 000 heures d’antenne à la radio et à la télévision du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2020.
Elle a permis de mettre en avant l’incidence du premier confinement sur la représentation des femmes dans les médias.
Le temps de parole des femmes à la télévision pendant le confinement
Sur l’ensemble des 35 chaînes de télévision analysées, l’étude souligne une baisse du temps de parole des femmes pendant le premier confinement du 17 mars au 11 mai 2020.
Cette baisse est la plus flagrante au niveau des chaînes d’information en continu privées : -11,4% de temps de parole pour les femmes en moyenne sur les quatre chaînes analysées (Euronews, CNEWS, LCI et BFM TV), pour un temps de parole des femmes compris entre 30,8% et 35,1%.
En revanche, sur les chaînes d’information en continu publiques, le temps de parole des femmes est supérieur à 40%, un taux qui reste stable.
Graphique représentant le temps de parole des femmes à la télévision pendant le premier confinement.
Confinement : le temps de parole des femmes à la radio
Sur l’ensemble des 22 stations de radio analysées l’étude souligne également une diminution de la présence vocale des femmes.
Cette baisse est la plus marquée au niveau des stations musicales publiques (-13% de temps de parole des femmes), et surtout privées (-17%).
Plus généralement, sur ce type de stations, c’est l’ensemble de la quantité de parole qui a diminué d’un tiers.
Graphique représentant le temps de parole des femmes à la radio pendant le premier confinement.
Quelle est la place des femmes dans les médias avec la crise ?
La députée française Céline Calvez a remis auprès du ministère de la Culture, le 9 septembre 2020, un rapport faisant un état des lieux des inégalités hommes/femmes dans les médias face à la crise, entre mars et juin de cette année.
La crise sanitaire, amplificatrice du phénomène d’invisibilité des femmes dans les médias
Le rapport montre une baisse significative de la parole des femmes expertes notamment en mars, contrebalancée par une surreprésentation des hommes dans le domaine politique, économique et médical.
Dans les journaux télévisés de France Télévisions, le nombre d’expertes tombe à 9% en mars, tandis que les éditions habituelles sont à 43% de présence de femmes.
Les raisons sont multiples. Elles tiennent en partie aux circonstances imposées par la crise et aux réactions des différents acteurs en jeu, puisqu’il s’agit de réagir à l’actualité brûlante, et les producteurs des émissions sont tentés de faire appel à leur carnet d’adresses souvent composé d’hommes, par manque de temps.
Mais il s’agit aussi d’une situation héritée d’avant la crise, les femmes étant déjà sous-représentées dans les médias habituellement.
La crise sanitaire, révélatrice du phénomène d’invisibilité des femmes dans les médias
Comme le souligne la députée, ces données « ne font qu’accentuer et mettre en lumière des inégalités déjà présentes « en temps normal » dans les médias ».
Selon cette étude menée par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) la part des femmes à l’antenne est de 42% à la télévision et de 40% à la radio en 2019 en France. Le taux d’expertes est de 38%, télévision et radio confondues.
Des chiffres en progression, derrière lesquels il ne faut pas oublier que la représentation est inégale selon les thèmes abordés : encore seulement 33% d’invitées politiques à la télévision et à la radio selon cette même étude.
Les rapports de pouvoir et de domination masculine sont encore prégnants dans notre société. Pour autant, Céline Calvez se veut optimiste et conclut son analyse sur le rôle crucial des médias pour atteindre la parité dans la sphère médiatique, dans les contenus et dans leur production :
« Les médias peuvent jouer un rôle dans l’évolution de ces rapports de pouvoir, en donnant plus de crédit et de légitimité à la parole des femmes, en ne la limitant pas à des témoignages – certes importants – mais en sollicitant davantage les femmes pour leurs compétences et leur expertise. »
En ce sens, elle mentionne 26 préconisations, comme le renforcement du rôle du CSA ou encore la création d’un observatoire de la parité et de l’égalité femme-homme dans les médias pour améliorer la représentation des femmes dans ce domaine.