Lutter contre la pauvreté, ça commence par donner à tous dès le départ les mêmes chances de réussite. Et cela passe par l’éducation. On vous explique pourquoi.
« Si cette génération d’enfants compte un jour réduire les inégalités et les injustices qui touchent le monde aujourd’hui, nous devons donner à chacun de nos enfants une chance d’apprendre », a plaidé le Directeur exécutif de l’UNICEF, Anthony Lake lors du forum mondial sur l’éducation à Incheon en République de Corée en 2015.
On le sait, l’éducation a des bénéfices multiples. Elle permet de développer un ensemble de connaissances et compétences nécessaires pour vivre dignement et offre de multiples perspectives par la suite notamment en termes d’emploi. L’école permet aussi de développer son esprit critique, d’apprendre comment fonctionne le monde, permettant ainsi à chacun de devenir un citoyen responsable et actif dans la vie de la cité.
Mais l’éducation a également des bénéfices sur le plan des inégalités économiques et de la pauvreté. Un rapport datant de 2014 de l’UNESCO analyse ainsi que si tous les élèves des pays à faible revenu quittaient l’école munis de compétences élémentaires en lecture, 171 millions de personnes pourraient sortir de la pauvreté, ce qui représenterait un recul de 12 % de la pauvreté mondiale.
En quoi l’éducation permet-elle de lutter contre les inégalités économiques ? Quels sont les chiffres ? Comment y parvenir ?
L’éducation, bonne pour la prospérité économique
La prospérité économique à long terme est étroitement liée au système éducatif qui offre des apprentissages indispensables se répercutant sur l’activité économique.
L’enseignement initial encourage les gains de productivité
On estime que le niveau d’instruction initial explique environ la moitié de l’écart de croissance entre l’Asie de l’Est et l’Afrique subsaharienne entre 1965 et 2010 d’après l’UNESCO.
C’est logique : les travailleurs ayant acquis des connaissances et compétences sont plus productifs, les travailleurs les plus qualifiés sont également formés à des enjeux spécifiques comme l’innovation ce qui engendre nécessairement des gains de productivité et explique une partie de cet écart.
L’analyse d’un échantillon de pays à revenu moyen inférieur par l’IEA (Association pour l’évaluation du rendement scolaire) montre que si tous les enfants acquéraient les compétences de base d’ici à 2030, le PIB progresserait de 28 % au cours des 40 années suivantes par rapport à ce qui est attendu aux niveaux de compétences actuels.
L’enseignement secondaire et supérieur encourage les activités à forte valeur ajoutée
D’après le rapport mondial de suivi sur l’éducation datant de 2016 par l’UNESCO, l’investissement dans l’éducation secondaire et tertiaire ainsi que dans les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie est aussi un moyen de contribuer à la prospérité économique.
Par exemple, relever le niveau d’études tertiaires d’une année en moyenne améliorerait de 16 % le niveau du PIB à long terme en Afrique subsaharienne indique le rapport.
L’éducation secondaire, supérieure et la formation continuent favorisent en effet la spécialisation des travailleurs, encourageant ainsi les activités à forte valeur ajoutée, notamment dans les secteurs de l’industrie et des services.
Pourtant, l’ISU, institut des statistiques de l’UNESCO souligne que près de 60 % des jeunes âgés d’environ 15 à 17 ans ne sont pas scolarisés dans le monde, contre 20% des 6-11 ans. L’Afrique présente les taux les plus élevés d’exclusion de l’éducation.
L’éducation est donc un bon moyen de développer la performance du système économique économique. Toutefois, elle ne permet pas forcément une diminution des inégalités de revenu. L’enrichissement national ne bénéficie en effet pas nécessairement à l’ensemble des catégories de population.
L’éducation réduit la pauvreté, à condition d’avoir un enseignement équitable et de qualité
Pour que l’éducation participe à la réduction des inégalités, elle doit aussi favoriser l’égalité des chances.
Éducation et inégalités : le même enseignement pour tous ?
Aujourd’hui, dans de nombreux pays, le système éducatif est encore très inégalitaire : le niveau de revenu des parents conditionne trop souvent la réussite de leurs enfants.
Si en théorie, tous les enfants ont accès au même système éducatif, la réalité est beaucoup plus contrastée. En général, les enfants issus de familles riches sont scolarisés dans les meilleures écoles, parfois du secteur privé. Moins nombreux dans les classes avec un enseignement plus personnalisé, ils ont par la suite de meilleurs résultats, de meilleures opportunités que d’autres enfants moins favorisés. Ils bénéficient également du « capital culturel et éducatif » de leur milieu, parfois de soutien scolaire, et globalement de meilleures conditions de scolarisations.
Cette réalité est particulièrement forte dans les pays en développement. D’après les chiffres de l’UNESCO, les enfants issus d’une famille pauvre dans les pays en développement ont sept fois moins de chances d’aller au terme du cycle secondaire que les enfants de familles riches.
Mais « même dans les pays riches, trois quarts seulement des enfants des familles les plus pauvres terminent le cycle secondaire, alors que dans les familles les plus riches, ce chiffre s’élève à 90% » d’après le rapport d’Oxfam, « Le pouvoir de l’éducation dans la lutte contre les inégalités », publié en 2019. On retrouve cette réalité en France , où les inégalités expliquent en grande partie le retard du système éducatif français.
Si l’on veut que l’éducation participe à la prospérité économique globale et qu’il participe aussi à réduire les inégalités économiques, l’enjeu est donc de lutter contre les disparités scolaires, de renforcer l’égalité des chances.
Les conditions d’un enseignement de qualité
Un certain nombre de facteurs permettent d’expliquer que l’enseignement soit encore souvent très inégalitaire.
On peut citer la qualité et la sécurité des infrastructures abritant les élèves. Dans certains pays à faibles revenus, il n’est pas rare de voir les enfants étudier dans des conditions très précaires, dans des bâtiments vétustes et sans équipements, faute de moyens alloués au système scolaire. Et cette réalité se rencontre parfois dans les pays les plus avancés : en France, un référé de la Cour des Comptes de 2012 pointait ainsi le manque de moyens de certains établissements défavorisés. L’enjeu est donc de faire en sorte que le système scolaire soit suffisamment et équitablement financé.
La question de la formation des professeurs est également une condition sine qua non pour la réussite des élèves. Leur fournir le matériel pédagogique nécessaire à l’exercice de leurs fonctions et un soutien adéquat est indispensable et pourtant loin d’être généralisé dans toutes les régions du monde, notamment les plus pauvres. Les enseignants doivent également pouvoir disposer de temps et de ressources suffisantes pour accorder un suivi plus particulier aux élèves défavorisés ou en difficultés, ce que ne permet pas toujours le système éducatif, même dans les pays les plus avancés.
Améliorer l’éducation pour réduire les inégalités
« Les inégalités ne sont pas inévitables. Elles sont un choix politique. » : c’est ce qu’affirme Oxfam dans son rapport de 2019. Selon l’organisation, des mesures concrètes pourraient être prises pour réduire les inégalités, il en tient aux Etats d’en faire la démarche.
Il y a un peu partout des marges d’amélioration concernant le système éducatif, marges qui pourraient être comblées par la mise à disposition de moyens plus importants par les pouvoirs publics.
L’éducation est indispensable au développement durable dans toutes ses dimensions. Si l’enseignement est équitable et de qualité, alors il permet une croissance inclusive et durable. Combattre la pauvreté et les inégalités de revenus, c’est donc favoriser l’accès à une éducation équitable et de qualité.