L’annonce par la mairie de Lyon d’un menu unique sans viande dans les écoles a secoué l’opinion publique. Depuis lors, on a entendu une foule d’arguments souvent contradictoires. Il est temps de démêler le vrai du faux.
Le 15 février, la mairie écologiste de Lyon prévient les élus d’arrondissement. A partir du 22 février, la ville mettra en place des menus uniques sans viande dans les cantines des écoles. Cette décision est due aux nouvelles restrictions sanitaires, explique l’adjointe chargée de l’Éducation Stéphanie Léger. Les nouvelles mesures sanitaires dans les écoles imposent une distance de deux mètres entre chaque enfant à la cantine. Pour pouvoir servir tous les enfants, il est plus pratique d’avoir un menu unique. La mairie a donc choisi un menu sans viande (mais avec du poisson et des œufs) pour ne pénaliser personne.
La mesure est aussitôt la cible d’un feu nourri de critiques. Celles-ci viennent des élus municipaux d’opposition comme l’ancien maire Gérard Collomb. D’autres viennent d’une partie du gouvernement, notamment des ministres de l’Intérieur, de l’Agriculture et des Comptes publics. Pourtant, Gérard Collomb, lui-même, avait déjà pris de telles dispositions en mai 2020 face aux restrictions sanitaires du déconfinement. Cette fois, la mesure est taxée d’ “idéologique” par ses détracteurs qui y opposent une foule d’arguments, pas toujours justifiés. Tentons de faire la part des choses.
Un menu sans viande est un menu végétarien
On fait souvent la confusion entre les différents régimes à exclusion : véganisme, végétarisme, pesco-végétarisme…
Faux
Avec un menu sans viande comme celui proposé par les cantines scolaires lyonnaises, on continue à consommer du poisson, des fruits de mer et des produits d’origine animale.
Moins de viande à la cantine est mauvais pour la santé des enfants
C’est le ministre de l’Agriculture, Julien de Normandie, qui l’affirme : un menu sans viande est une décision “aberrante d’un point de vue nutritionnel”. “Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie » a-t-il ajouté. Le député LREM, Jean-Baptiste Moreau, est du même avis : “Des nutriments essentiels pour la croissance des enfants sont présents dans la viande.” Manger moins de viande présente-t-il un risque pour la santé des enfants ?
Faux
Le ministère de l’Agriculture se base sur un avis de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire) de 2019. Celui-ci montre que 25% des filles de 14 à 17 ans ont un risque de carence en fer. Le fer est un nutriment essentiel à la croissance des enfants. La viande en contient effectivement beaucoup.
Cependant l’Anses, dans un autre avis de 2019, explique que la principale source de fer pour les enfants sont les produits céréaliers (24% de l’apport) suivis des viandes, poissons et œufs (20% de l’apport). L’agence recommande par ailleurs, quelque soit l’âge, de ne pas dépasser 500g de viande rouge par semaine. En effet, depuis 2015, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la viande rouge comme “probablement cancérigène”. Finalement, dans cette note relative à l’expérimentation de menus végétariens dans les écoles, l’Anses conclut que “des repas végétariens diversifiés et équilibrés […] ne seraient donc pas susceptibles d’entraîner de dégradation de la qualité nutritionnelle de l’alimentation des enfants”.
Si de plus amples recherches sur l’impact d’un régime végétarien sur la santé des enfants doivent être menées, se passer de viande 5 fois par semaine ne comporte aucun danger. Cela serait même bénéfique pour la santé des enfants à condition de proposer des repas diversifiés et équilibrés, à base de poissons, d’œufs, de légumineuses et de céréales complètes.
Moins de viande à la cantine c’est pénaliser les éleveurs français
Concernant la décision de la mairie de Lyon, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin parle d’ “insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français”. Le 22 février, des dizaines d’agriculteurs manifestaient près de l’Hôtel de Ville de Lyon avec des slogans tels que « Viande de nos prés = enfants en bonne santé« . Réduire sa consommation de viande, est-ce faire du tort à la filière de l’élevage français ?
Plutôt faux
Tout d’abord, il faut s’intéresser à la provenance de la viande dans les cantines. Selon la FNSEA, 70% du boeuf servi dans la restauration collective est d’origine étrangère, notamment allemande. Les chiffres varient en fonction des sources mais en moyenne, plus de la moitié de la viande proposée dans les cantines n’est pas française.
Ensuite, il est intéressant de regarder vers quels produits se tournent les personnes qui choisissent de moins manger de viande. Une étude du cabinet Harris-Interactive de février 2021 montre que 74 % des Français et Françaises qui réduisent leur consommation de viande profitent des économies réalisées pour acheter des produits de meilleure qualité : viande bio, origine locale, juste rémunération de l’éleveur et animaux élevés en plein air. De plus, 58% des personnes sondées disent prendre en compte l’origine locale ou du moins française de la viande au moment de l’achat.
Manger moins de viande mais de meilleure qualité pourrait donc au contraire bénéficier aux éleveurs français, en permettant de recentrer sa consommation sur des produits locaux. La mairie de Lyon compte d’ailleurs privilégier la filière locale dans ses cantines, dès 2022, y compris pour les produits carnés.
Moins de viande à la cantine, c’est pénaliser les classes populaires
C’est une autre affirmation du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin : “on voit bien que la politique moraliste et élitiste des «Verts» exclut les classes populaires. De nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande”.
Plutôt faux
Si la consommation de viande a longtemps été réservée aux classes les plus aisées, la tendance s’est inversée au XXIème siècle. Une étude du Crédoc de 2018 montre que les ouvriers sont ceux qui consomment le plus de viande avec 151g par jour en moyenne (soit 50% de plus que le maximum recommandé par l’ANSES) contre 113 pour les cadres. Cependant, cette affirmation de M. Darmanin est peut-être en partie vraie pour les enfants des classes très précaires mais les données manquent sur ce sujet.
Cependant, on sait que la cantine scolaire est un bon moyen de garantir des repas diversifiés et équilibrés aux enfants. Selon Benoît Granier du Réseau Action Climat “la cantine est plutôt la seule occasion pour les enfants de manger des légumineuses”. Rappelons à ce sujet que le Programme National Nutrition Santé a récemment revu ses recommandations nutritionnelles. Il conseille désormais de manger des légumineuses au moins deux fois par semaine.
Moins de viande à la cantine c’est bon pour l’environnement
De plus en plus de cantines proposent des menus végétariens équilibrés. La mairie de Lyon, par exemple, prévoit d’instaurer une option végétarienne dans ses cantines scolaires, dès 2022. De nombreuses associations appellent également la restauration collective à servir moins de viande mais de meilleure qualité. Manger moins de viande à la cantine peut-il réduire notre impact sur l’environnement ?
Vrai
Produire de la viande émet bien plus de gaz à effet de serre et consomme bien plus de ressources que produire la même quantité de végétaux. Un kilo de viande de bœuf génère l’émission d’environ 29 kg d’équivalent CO2. Un kilo de blé en génèrera 1,17 et un kilo de poireaux 0,29 (ADEME, Base de données Food’GES, données 2016).
L’association Greenpeace a publié un rapport qui simule l’impact d’une consommation réduite de viande dans les cantines sur l’environnement. Selon celui-ci, servir deux fois par semaine un régime végétarien réduirait de 28 à 38% les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation des cantines. Cela diminuerait la consommation d’eau nécessaire à la production agricole de 16 à 23% et limiterait les importations d’aliments pour les animaux d’élevage de 41 à 51%. Le Réseau Action Climat s’est lui aussi positionné en faveur d’une réduction des produits carnés dans la restauration collective ce qui devrait permettre de diminuer les importations de viande et limiter les pressions sur l’environnement.
Pour en savoir plus :
Réduire la consommation de viande mondiale : être végétarien est-il la solution ?
Image par Hans Braxmeier de Pixabay