Le bilan annuel de l’ONU sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) publié fin juin dépeint une situation mondiale alarmante. Seuls 17% des cibles désignées dans les 17 ODD sont sur la bonne voie. Pour les autres, les progrès sont au mieux marginaux, au pire en totale régression. Décryptage.
On savait le chemin long et tortueux lorsque les Objectifs de développement durable (ODD) ont été adoptés en 2015 par les pays membres de l’ONU. 17 objectifs, aux ambitions aussi vastes que diverses, traitant notamment de la pauvreté, de la santé, de l’environnement, ou de l’éducation…
À quelques années de la date d’échéance, fixée à 2030, le bilan n’est pas bon. « Le monde est en train d’échouer » constate le Secrétaire général de l’ONU António Guterres lors de la conférence de presse de présentation de l’état des lieux annuel des ODD. Selon le rapport, publié le 28 juin 2024, seules 17% des cibles des ODD sont sur la bonne voie, « alors que près de la moitié affichent des progrès minimes ou modérés, et plus d’un tiers sont au point mort, voire en régression », note l’ONU.
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Pandémie, conflits, changement climatique : ces facteurs qui entravent les progrès des ODD
Quatre années après le début de la pandémie de COVID-19, les sociétés pansent toujours leurs plaies. La pandémie a participé à un délitement éclair de la société, tant sur le plan de la santé que de la stabilité économique des pays.
Un délitement que l’escalade des conflits, les tensions géopolitiques et le changement climatique exacerbent. Selon le rapport, en 2022, 712 millions de personnes – 9 % de la population mondiale – vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins de 2,15 dollars par personne et par jour.
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Depuis 2019, « 23 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté et plus de 100 millions souffrent de la faim en 2022 par rapport à 2019″, rappelle l’ONU. D’ici 2030, 590 millions de personnes pourraient encore vivre dans l’extrême pauvreté si les tendances actuelles se maintiennent.
En plus des évènements climatiques particulièrement extrêmes de ces dernières années sur la planète, 2023 et 2024 ont été deux années marquées par des conflits majeurs, notamment en Ukraine, à Gaza, au Soudan, dans la République démocratique du Congo, qui ont participé à une hausse de 72% du nombre de victimes civiles à cause des forces armées et des combats. Ces conflits ont par ailleurs provoqué un exode sans précédent de 120 millions de personnes.
« Cette situation ne devrait pas s’améliorer d’elle-même, écrit António Guterres en introduction du rapport, les pays en développement, dans leur ensemble, sont confrontés aux pires perspectives économiques à moyen terme depuis une génération ».
L’urgence de renforcer la coopération internationale
Face à ces défis de plus en plus interconnectés, le Secrétaire général de l’ONU appelle à un sursaut des États afin de renforcer la coopération internationale, et ainsi garantir l’essor des pays en développement et la paix dans le monde.
Le rapport note des progrès notables en ce sens, notamment en ce qui concerne le déploiement des énergies renouvelables, qui ont connu une croissance annuelle de 8,1% au cours des cinq dernières années, l’amélioration de l’accès au traitement, qui a permis d’éviter 20,8 millions de décès liés au sida lors des trois dernières décennies, ou bien l’accès au haut débit mobile (3G ou supérieur), désormais accessible à 95% de la population mondiale contre 78% en 2015.
Mais ces quelques victoires ne suffisent pas à masquer les nombreuses insuffisances présentes pour atteindre les ODD. « Nous nous devons de réformer ce système financier international dépassé, dysfonctionnel et injuste afin de diriger les investissements vers les ODD », juge António Guterres.
Le rapport de l’ONU préconise d’investir massivement dans le développement des pays, et de parvenir à combler le déficit d’investissements que l’ONU chiffre à 4 000 milliards de dollars par an. Plus de la moitié de ces investissements devra être alloué à la transition énergétique.
« Nous ne devons pas abandonner notre promesse d’ici 2030 de mettre fin à la pauvreté, de protéger la planète et de ne laisser personne de côté », exhorte António Guterres. Reste à traduire en actes les engagements pris lors des sommets pour les ODD.
« Il est encore possible de créer un monde meilleur, plus durable et plus inclusif pour tous d’ici à 2030, estime Li Junhua, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, mais le temps presse. Nous devons agir maintenant, et agir avec audace ».
Illustration : Riya Kumari