Comment dépolluer l’air intérieur ? Que valent les nouvelles technologies pour la qualité de l’air intérieur ? On fait le point.
Depuis ces dernières années, face au constat qu’une mauvaise qualité de l’air intérieur (QAI) entraine des taux de morbidité et de mortalité élevés, le marché de l’épuration de l’air se développe. (Voir à ce sujet : Polluants de l’air intérieur : les identifier pour mieux s’en prémunir)
Epurateurs d’air autonomes, climatiseurs équipés de fonctions d’épuration, matériaux de construction et de décoration dits « dépolluants », etc.
En 2017, ce rapport de l’Anses recensait près de 500 dispositifs d’épuration d’air intérieur, dont 64% d’épurateurs d’air autonomes. Ces dispositifs et produits sont destinés à toute la population, mais peuvent cibler particulièrement les personnes sensibles.
Toutefois, les conditions de réalisation des tests laissant à désirer, ou encore les composants utilisés dans certains dispositifs et produits remettent en question leur efficacité et leur innocuité. Peut-on réellement parler « d’efficacité prouvée » comme se targuent de nombreux fabricants du secteur ?
Epuration de l’air intérieur : le point théorique
Quelles sont les techniques utilisées pour épurer l’air intérieur ?
L’épuration de l’air repose sur deux grands principes : le piégeage des contaminants ou leur destruction. Les techniques appliquant ces 2 grands principes sont multiples : filtration, ionisation, ozonation, photocatalyse… Plus de la moitié des références sur le marché combinent d’ailleurs plusieurs techniques.
Cette étude de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) en recense les principales et les explique. Les plus présentes sur le marché sont la filtration mécanique (35 % des références), l’ionisation (33 % des références) et l’adsorption physique (24 % des références), tandis que la photocatalyse représente moins de 17% des références.
Comment ces techniques fonctionnent-elles ?
La filtration consiste à piéger les polluants dans plusieurs filtres successifs, avec notamment le développement sur le marché de filtres HEPA (haute efficacité sur les particules d’air).
La ionisation permet l’émission d’ions négatifs qui amalgament les polluants, puis les attirent vers l’appareil ou vers le sol.
Concernant l’adsorption (et non absorption car il s’agit d’un phénomène de surface), il s’agit d’un processus de captation chimique : des molécules captent les polluants de l’air ambiant qui se fixent dans la peinture.
La photocotalyse permet une dégradation de la matière sous l’action des rayons lumineux à la surface d’un catalyseur [élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention, ndlr], le catalyseur étant généralement du dioxyde de titane.
Les dispositifs ou produits utilisant l’une ou plusieurs de ces techniques peuvent cibler une substance spécifique ou un mélange de polluants. Selon l’Anses, ils portent principalement sur les composés organiques volatils (COV), les virus, bactéries et moisissures, les particules et les allergènes (pollens, acariens).
Mais sont-ils efficaces et sans danger ?
En pratique, une efficacité et une innocuité en question
La formation de polluants secondaires liés à l’utilisation de ces produits et matériaux ?
L’association santé environnement France (Asef) appelle à la prudence, en parlant de ces différentes techniques dans cette synthèse, et indique que « ce procédé [la photocatalyse] peut provoquer la formation de sous-produits de dégradation qui peuvent être très néfastes pour la santé. De même, les ioniseurs d’air peuvent aussi créer des sous-produits plus toxiques que les substances que l’on cherche à éliminer. »
Pour étayer ce propos, l’ADEME a réalisé un rapport sur la photocatalyse et estime qu’« en cas de dégradation incomplète des polluants, la photocatalyse peut générer des composés appelés également sous-produits nocifs pour la santé ou l’environnement, comme des cétones et des aldéhydes. ». L’ADEME poursuit : « un processus complet de dégradation peut également être source de polluants (nitrates par exemple). »
Par ailleurs, au cours de la phase de test des peintures dépolluantes, Que Choisir a montré que la question des polluants secondaires n’est pas traitée. On ne peut donc pas affirmer que la réaction chimique est complète et sans aucun risque d’après l’association.
Quid des conditions de réalisation des tests ?
Des résultats variables selon la composition de l’air intérieur…
L’ADEME a mené une évaluation de l’innocuité des systèmes de traitement de l’air par photocatalyse via le projet ETAPE.
Les résultats de cette étude ont montré que les performances étaient très variables pour un même dispositif de traitement de l’air par photocatalyse suivant la composition de l’air intérieur à traiter, que l’on appelle la matrice gazeuse.
Par exemple, le formaldéhyde est éliminé 5 fois plus vite par photocatalyse dans un air intérieur « standard » par rapport à un air intérieur en « milieu hospitalier ». La composition de l’air traité a donc bien une influence sur l’élimination d’un même COV.
… D’où la nécessité de réaliser des tests dans les conditions d’utilisation
Aujourd’hui, pour évaluer leur performance, ces dispositifs sont testés dans des conditions minimales proposées par la norme XP B44-013 (pièce d’un volume de 1m3 , parfaitement étanche, matrice gazeuse standard…).
L’enquête Que Choisir sur les peintures « dépolluantes » soulève deux points importants concernant la phase de test.
- Tout d’abord, les peintures sont exposées à un environnement intérieur fortement chargé en formaldéhyde, à raison de 70, voire 100 µg/m3, ce qui est nettement plus élevé que les concentrations moyennes de nos domiciles, autour de 20 µg/m3. Ces tests ne nous renseignent donc pas sur leur efficacité lorsque les concentrations sont inférieures.
- De plus, ces tests sont effectués sur une courte durée et très peu de temps après l’application, « quelques jours ou quelques semaines dans le meilleur des cas » indique l’étude, tandis que certains fabricants promettent jusqu’à plusieurs années d’efficacité.
Idéalement, ces dispositifs et produits doivent être testés dans les conditions les plus proches correspondant à l’air (à la matrice gazeuse) des environnements dans lesquels ils seront amenés à fonctionner pour attester à la fois de leur performance et de leur innocuité. Deux critères auxquels seule la moitié des produits testés par l’ADEME ont répondu.
La controverse autour du dioxyde de titane avec la photocatalyse
Le dioxyde de titane (parfois écrit TiO2, E171 ou CI 77891) utilisé dans certaines techniques de purification de l’air fait aussi l’objet de controverses.
Selon la TDMA (Titanium Dioxide Manufacturers Association) regroupant les professionnels de la production de dioxyde de titane, ce minéral est sans danger : « nous savons que notre produit est sûr, et les propriétés chimiques du TiO2 en sont garantes. Il est inerte, non réactif et non toxique dans toutes ses applications commerciales » peut-on lire sur le site.
Toutefois, le gouvernement qui s’est notamment basé sur le rapport de l’Anse a interdit son utilisation dans les denrées alimentaires. Certaines agences, dont le CIRC ont établi son caractère cancérogène chez l’animal. Et si pour l’heure, les effets sur l’Homme ne sont pas établis, on peut légitimement s’interroger sur ses conséquences sur la santé dans les autres produits où il est utilisé, et d’autant plus dans les purificateurs d’air utilisant la photocatalyse, censés protéger notre santé…
Les solutions d’épuration de l’air intérieur : bonne ou mauvaise idée ?
Sur le marché de l’épuration de l’air, les innovations sont nombreuses et toutes ne se valent pas.
En premier lieu, il s’agit de limiter les sources de pollution, puis de les évacuer par une aération quotidienne. C’est ensuite, et dans le cadre d’une action spécifique nécessaire que l’on peut envisager la mise en place d’un dispositif ou d’un produit pour épurer l’air.
Et là encore, le choix ne doit pas être fait au hasard mais en prenant en compte leur performance et leur innocuité. Il est difficile aujourd’hui pour le consommateur de savoir vers quel type de produit se tourner. D’où la nécessité de mettre en place une certification, basée sur la quantité de COV dégradés, l’émission de sous-produits, le débit d’air épuré, etc, pour un développement plus sécurisé du marché, comme conclut l’étude SafePHOTOCAT.
Aujourd’hui, en cas de nécessité de traiter l’air, l’Anses préconise les épurateurs d’air utilisant des techniques de filtration qui seraient sans danger, à condition de nettoyer les filtres régulièrement pour éviter le dépôt de moisissures.
Photo par Peter Zhang sur Unsplash