A l’ère du tout instantané, des notifications sur son smartphone et des trajets en avion, le voyageur accorde plus d’importance à la destination qu’au voyage. Tous les voyageurs ? Non, des irréductibles du « voyage plaisir » se font de plus en plus nombreux et optent pour un mode de transport à l’opposé de tout ce qui se fait depuis l’essor de l’aviation commerciale : le voyage en cargo. Comme 90% des marchandises dans le monde, ces voyageurs se déplacent en suivant le flux de marchandise par transport maritime. L’occasion d’un voyage unique, au rythme de la mer et de ses imprévus, et d’une aventure aussi bien humaine… Qque responsable.
Voyage en cargo : comment partir ?
Depuis 1994 de plus en plus d’agences ouvrent pour proposer ce genre de voyages en dehors des sentiers battus. La première en France fut Mer et Voyages, qui propose à l’heure actuelle 237 trajets. Le principe est très simple : depuis près de 30 ans, les navires de commerce maritime disposent de cabines très bien équipées pour accueillir du personnel supplémentaire ou des passagers. C’est donc tout naturellement que celles-ci se sont ouvertes au public, par le biais d’agences de voyages ou directement via la compagnie exploitant les lignes commerciales. C’est notamment le cas de la 3ème compagnie mondiale de transport maritime, CMA-CGM, qui propose des voyages vers toutes les destinations portuaires autour du globe, avec les plus gros porte-conteneurs au monde.
Les prix sont indiqués dès le départ : comptez entre 100 et 120 euros par jour et par personne, tout compris. Avec un temps de parcours moyen de 11 jours pour traverser l’Atlantique ou de 84 jours pour le tour du monde, il vous sera sans doute moins cher d’opter pour une compagnie aérienne low-cost, mais vous y perdrez l’aventure et le charme de retrouver le temps perdu ! Le temps du passager qui lève le pouce pour traverser l’océan en cargo en échange de menus travaux est fini, vous devrez payer votre place… Et ne pas travailler. Les agences de voyage et les compagnies maritimes peuvent vous planifier le voyage qui vous convient, d’une semaine autour de l’Europe à plusieurs mois autour du monde : en somme un voyage à la carte que peu d’autres modes de transport proposent.
Une croisière en cargo pour retrouver le temps perdu
Voyager en cargo c’est avant tout accepter de prendre son temps, redécouvrir le voyage plus que la destination. De grands auteurs se sont lancés dans ces voyages et nous ont laissé des récits captivants : c’est l’occasion de relire Blaise Cendrars, Annita Conti, Joseph Conrad, Pierre Loti… Didier Bourloton, jeune retraité ayant effectué 2 mois de voyage à bord d’un porte-conteneur explique : « Le voyage en cargo est une façon de se retrouver avec soi-même, de faire le point, avec les horaires des repas pour seules contraintes. Des lieux qui étaient pour moi des noms sur la carte, comme le détroit de Malacca ou le canal de Suez, sont devenus une réalité. »
Oubliez toutes les expériences de voyage en avion ou de croisière : les traversées sont longues et les activités à bord sont les mêmes que dans votre salon. Mais vous serez aux premières loges pour découvrir une véritable ville flottante et autonome, des paysages à couper le souffle et des passages uniques dans une vie (Gibraltar, le détroit de la Sonde, le Canal de Panama ou de Suez…). Le tout dans un confort digne des plus grands paquebots, les 5000 autres passagers en moins ! En effet seul un maximum de 12 passagers est accepté à bord, et dans les faits vous serez plus souvent 4 ou 5 voire seul. La plupart des cargos disposent d’une piscine d’eau de mer, d’un salon confortable ainsi que d’un service de bord remarquable. Si on ajoute à cela une cabine spacieuse avec vue sur la mer, des repas pris avec l’équipage à la table des officiers et un accès à la passerelle, il est probable que les 5000 autres passagers ne vous manquent jamais.
Voyage en cargo : un voyage responsable
En 2012 le transport maritime représente 80% du volume des marchandises échangées dans le monde : le gigantisme des navires porte-conteneurs en fait donc le mode de déplacement le plus économe en GES par kilo transporté, et ce même si les 48 200 navires de commerce sont responsables de 3% des émissions globales de GES. En embarquant sur un cargo, vous ne faites que suivre un flux existant de GES, vous ne le créez pas et vous n’avez aucun impact négatif sur celui-ci.
Une autre dimension intéressante de ce type de voyage est le contact humain. Même si vous ne travaillez pas, vous êtes intégré à l’équipage de 35 personnes avec qui vous pouvez échanger et apprendre à connaître. C’est un fabuleux moyen d’approcher le travail de ceux qui permettent 98 % du transport total de nos biens de consommation : toutes les nationalités sont représentées et ont une histoire à vous raconter. C’est aux antipodes des croisières !
La priorité accordée au fret est à double tranchant : elle vous assure un impact environnemental minimal comparé à un voyage en avion mais les escales sont courtes et le navire ne vous attendra pas si vous êtes en retard à l’embarquement. C’est aussi un atout : vous pouvez très bien réaliser un voyage sur mesure en changeant de navire à chaque escale ! La flexibilité de ce mode de voyage vous assure une aventure du début à la fin du voyage.
On parle beaucoup des porte-conteneurs, de taille gigantesque et bien souvent modernes, mais le voyage en cargo concerne aussi toute sorte d’autres navires dont vous pouvez ainsi apprendre le fonctionnement et l’utilité : vraquier, chimiquier, roulier, transbordeur, minéralier… Et même navires océanographiques ou brise-glaces ! Ainsi le plus connu des navires scientifiques français effectuant ce genre de voyage est le Marion Dufresne, qui fait la tournée des petites îles du Terres Arctiques et Australes Françaises (les TAAF). Vous pouvez voyager à bord et c’est l’occasion d’un voyage en compagnie de scientifiques pour un tourisme loin des masses.
Redécouvrir l’imprévu grâce au cargo
Le voyage en avion réserve lui aussi son lot d’imprévu, mais rarement agréables ! Pour les plus aventuriers il existe un type de cargo qui, bien qu’en voie de disparition, permet toujours l’embarquement de passagers : les navires de « tramping », qui ne connaissent leur destination qu’au dernier moment, tout comme leurs escales. Du fait de ces conditions un peu particulières, vous payez un nombre de jours moyen en mer, qui est affiné au fur et à mesure. C’est une excellente façon de changer de la routine habituelle des voyages !
Cet imprévu est dans l’ADN du voyage en cargo, et en parti ce qui fait son charme : le fret peut très bien être dérouté sur un port imprévu, vous offrant une escale particulière avant de reprendre la route habituelle. De quoi retrouver le sens premier du voyage : « faire route », et non « arriver ».
Alors, prêt à lever l’ancre pour vos vacances ?
Informations pratiques :
– Quelques agences spécialisées : Mers et voyages, la plus ancienne agence française, ou Grimaldi Freighter Cruises. Le site de la Marine Marchande recense de nombreuses agences anglophones.
– Une lecture : Le « Guide des voyages en cargo et autres navires » de Hugo Verlomme (Edition des Equateurs, 19€). Ce livre de référence, publié en 1993, est régulièrement réactualisé.
– Quelques compagnies maritimes : CMA CGM, compagnie française, embarquait 700 passagers en 2014, ou Aranui, connu pour ses liaisons entres les îles du Pacifique.
– Quelques lignes : la transatlantique ou la route Antillaise sont des classiques ! Elles durent une dizaine de jours. Toutes les mers du monde sont accessibles : vous pouvez également opter pour un voyage court d’un port français à Malte ou un tour du monde en plus de 80 jours en effectuant une boucle par les plus grands ports de commerce. Attention c’est l’un des trajets les plus demandés, il faut s’y prendre plus d’un an à l’avance pour réserver !
Crédits photos : CMA-CGM, marine-marchande.net, sciencesetavenir.fr
