Quand on parle des coraux c’est bien souvent pour annoncer que leur état global se dégrade, et que cette dégradation est due majoritairement aux actions de l’Homme. Entre le réchauffement global des océans, les espèces invasives introduites, les pratiques de pêches désastreuses pour un milieu aussi fragile, l’avenir des massifs de coraux semble en effet bien noir.
Mais saviez vous que la France, forte de sa deuxième surface maritime mondiale, est en pointe dans l’étude de ces phénomènes ? Et c’est une équipe de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) qui nous apprend que si les récifs coralliens les plus préservés sont les plus éloignés de l’homme, celui ci peut avoir un impact très important pour la préservation des coraux en agissant au niveau local. Nous sommes loin des grands rendez vous internationaux comme la COP 21… Et c’est pourtant plus efficace !
Les impacts de l’Homme sont néfastes pour les coraux les plus proches…
La première étude de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) s’est intéressée à ce que l’on appelle « l’état de référence« , c’est-à-dire qu’ils ont cherché à savoir à quoi ressemble un récif corallien qui n’ait pas été dégradé par les activités humaines. Celui ci présente normalement une biomasse extrêmement élevée, de par la riche biodiversité qui occupe ces récifs.
L’étude a eu lieu dans le cadre du programme « PRISTINE », qui doit permettre de mieux connaître cet état de référence afin d’obtenir une échelle plus précise de l’état de dégradation des récifs coralliens. On peut comparer précisément l’état d’un massif de corail à un autre et connaître son éventuel dégradation, mais seulement en connaissant le véritable état d’origine des récifs de coraux. Il faut donc trouver des récifs vierges de tout contact humain : cette étude a donc été menée en Nouvelle Calédonie, et notamment dans le Parc naturel Marin de la Mer de Corail, qui abrite les zones coralligènes parmi les plus éloignées de l’Homme.
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Les chercheurs ont remarqué deux choses. Tout d’abord, et ce n’est pas vraiment une surprise, les coraux les plus atteints sont ceux les plus proches d’une forte concentration humaine. Mais ils ont été capables de mesurer précisément le temps de trajet moyen nécessaire pour trouver une zone de coraux préservée présentant une biomasse et une diversité maximales : ainsi il faut 20h à partir de Nouméa, la capitale, pour atteindre une telle zone, au cœur du parc naturel marin. L’isolement de ces récifs les ont donc préservés, et permettent de définir un état de référence qui sera utile aux Aires Marines Protégées (AMP) pour établir l’état de dégradation d’un récif.
La deuxième chose concerne justement ces AMP et leur efficacité : l’étude affirme les limites de l’efficacité de ces zones, y compris des réserves intégrales, quant à la restauration de la biodiversité des coraux. Ainsi dans la réserve Yves Merlet (172 km2, 38 ans d’existence), les espèces prédatrices ont une biomasse encore 3,5 fois moins élevée que dans les récifs isolés de référence. La protection de cette zone intégrale empêche pourtant tout prélèvement : mais elle ne profite réellement qu’aux herbivores et beaucoup moins aux autres habitants du récif, notamment les prédateurs. Et dans tout les cas aucune AMP, même ancienne, n’arrive à la cheville des zones de référence.
La bonne santé du corail est vitale pour la biomasse abritée par celui ci et les AMP ne sont donc pas efficaces pour protéger ce même corail du réchauffement des eaux causé par l’action de l’homme.
L’étude est donc claire : la proximité des populations humaines pèse sur les coraux. Mais ne peut elle pas être aussi une chance pour leur préservation ?
… Mais l’Homme reste le meilleur espoir pour sauver les coraux !
Alors, l’Homme serait une plaie pour les océans par sa simple proximité ? Non, nous réponds une deuxième étude de l’IRD publiée dans la prestigieuse revue « Nature » : il peut renverser les choses par une action locale et intelligente, permettant de préserver la biodiversité des coraux.
Cette étude a identifié 35 « bright spots », des endroits sur la planète où des initiatives locales permettent l’exploitation des récifs coralliens en préservant leur incroyable biodiversité, loin des directives nationales ou internationales. Ce ne sont pas des zones qui n’ont jamais été touchées par l’Homme, au contraire : elle sont par exploitée de façon durable par des populations qui se sentent concernées et qui ont adapté leur mode de vie à la présence du récif. Surprise qui n’en est pas vraiment une, aucun n’est situé sous juridiction Française…
Ces « bright spots » partagent quelques traits : une implication conjointe des acteurs (pêcheur mais pas seulement) et des conservationnistes, des zones interdites de pêche et enfin un fort engagement de toute la population concernant la préservation de la ressources.
Ceci nous apprends deux leçons. Tout d’abord le rapport à la mer de ces populations est très fort, ce qui illustre bien l’adage que « l’on ne protège que ce l’on connaît ». Ensuite la préservation des espaces naturels de ces zones fait appel à toute la société, pas seulement aux conservationnistes : tous se sentent concernés, parce que leur survie en dépend, tout simplement.
Une majorité des sites faisant l’objet d’une gestion intelligente se trouvent dans le Pacifique, à l’exception notable d’Hawaï… qui figure parmi leurs opposés, les « dark spots », se trouvant en majorité dans l’Océan Indien, comme la Réunion.
Ces « dark spots » signalent un impact humain négatif sur les coraux, à travers des pratiques très destructrices comme la surpêche et des pollutions marines. Ici non plus les récifs ne sont pas particulièrement proches des populations ; mais les activités de l’Homme ont mis en danger l’équilibre de la biodiversité de ces sites. Sur tout le territoire français étudié seule la Réunion est « distinguée », mais en mal : il semblerait que chez nous aussi il y ait quelque chose à revoir dans le rapport à la mer.
Entre « bright spots » et « dark spots », ces nouvelles études nous éclairent un peu plus sur notre impact dans l’évolution des récifs coralliens, mais aussi sur notre responsabilité vis à vis d’eux. Les grandes conventions internationales permettent d’établir un cadre à long terme pour la protection des espaces marins ; mais leur préservation à court terme n’est permis que par l’engagement des communautés proches de ces récifs. A ce titre on peut penser à une nouvelle injustice : les populations responsables de ces « bright spots » ne pourront faire face seules au défi mondial du réchauffement des eaux induit par nos rejets de gaz à effet de serre. Mais une chose reste rassurante, et ces recherches l’affirme : bien éduqué et conscient des enjeux, l’être humain peut faire la différence et conserver les trésors des mers que sont les coraux.
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Crédits image : Coraux sur Shutterstock