Depuis 2021, le CSE a vu apparaître dans son champ d’attribution l’environnement. Pensé comme un moyen pour les salariés d’avoir un droit de regard sur les stratégies des entreprises en matière de durabilité, le CSE peine pourtant à être pleinement efficace pour porter les sujets environnementaux jusqu’à la table des négociations.

Un sondage réalisé en 2022 par Kantar et Imagreen soulignait que sur 1000 salariés travaillant dans une entreprise privée de 100 salariés ou plus, 4 salariés sur 10 annonçaient ressentir un décalage entre leurs convictions personnelles et leur quotidien en entreprise, et 6 salariés sur 10 estimaient qu’ils n’étaient pas suffisamment impliqués dans la stratégie RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), des politiques d’entreprise censées démontrer l’engagement des organismes dans la réduction les inégalités sociales, économiques et environnementales. 

Un sentiment d’abandon donc, qui ne cesse de croître à mesure que la crise écologique s’aggrave. La transformation écologique du secteur privé se fait attendre, et les salariés conscients des enjeux socio-environnementaux se sentent globalement impuissants pour participer à cette transformation. Pourtant, ils ont eux aussi des leviers d’action à l’intérieur même des entreprises, notamment grâce à leurs représentants du personnel qui siègent au Comité social et économique, le CSE.

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Le rôle du CSE dans l’entreprise

Le CSE est un regroupement formé en 2017 des ordonnances d’Emmanuel Macron, ou les “ordonnances loi travail”, portant entre autres sur les négociations collectives entre salariés et les dirigeants. Le CSE naît la fusion des Délégués du Personnel (DP), du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) et du Comité d’Entreprise (CE) et concerne toutes les entreprises d’au moins 11 salariés présents depuis 12 mois consécutifs. Une fusion critiquée par les syndicats, notamment la CGT, qui déplore “ moins d’élus (environ -33% selon le gouvernement), moins d’heures de délégation, moins de réunions, moins de budget ” .

Mais les CSE dans les entreprises gardent les mêmes missions que les trois organes et ont pour objectif d’entretenir un dialogue entre l’employeur et les salariés, d’assurer la prise en compte des intérêts sociaux et économiques des salariés et d’être informés et consultés sur les décisions prises par l’entreprise, tant en termes de stratégie d’entreprise que de gouvernance.

L’entreprise est dans l’obligation d’informer et de consulter son CSE pour toute modification portant sur les effectifs (licenciements, transformation des postes…), sur son organisation économique et juridique, sur les conditions de travail (durée de travail, intégration des personnes en situation de handicaps…) ou pour l’intégration de nouveaux systèmes, ou de nouvelles technologies susceptibles de modifier les conditions de travail, ou la santé et la sécurité des salariés. 

Le CSE complète à ce titre le rôle tenu historiquement par les syndicats, même si leur influence est en déclin depuis la deuxième moitié du XXe siècle. On ne compte aujourd’hui qu’environ 10% des salariés syndiqués, contre 20% dans les années 1970, et 30% dans les années 1950.

Si les enjeux économiques et sociaux sont les bases historiques des luttes sociales entre employés et employeurs, la branche environnementale, elle, est longtemps restée un angle mort, tant des syndicats que des représentants des salariés. Trop éloignée jusqu’à présent des intérêts et des besoins des salariés, l’écologie devient dorénavant un sujet d’inquiétude partagé dans les entreprises, un sujet de crise, de débats et de discussions avec l’employeur.

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Importer l’écologie dans les CSE, les nouveautés de la Loi Climat et Résilience

La crise environnementale s’aggravant, les pressions contre le secteur privé se sont intensifiées afin de transformer un modèle économique, et in fine d’entreprise, en grande partie responsable du désastre écologique en cours.

Les plans de décarbonation, les stratégies, les lois, les normes apparaissent successivement pour tenter de réduire l’empreinte des entreprises, des institutions publiques et des ménages sur l’environnement. L’une de ces lois, la loi Climat et Résilience, issue de l’exercice démocratique de la Convention citoyenne pour le climat qui avait réuni 150 Français, vise à engager la France dans une vaste transformation écologique. 

Dans des termes plus précis, cela implique notamment que la France réduise de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et atteigne la neutralité carbone en 2050, de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030, et d’atteindre le zéro artificialisation nette d’ici 2050, de mieux encadrer la publicité, de soutenir le déploiement des énergies renouvelables, ou bien de renforcer la protection judiciaire de l’environnement…

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La loi Climat et Résilience aura quelque peu été vidée de sa substance par rapport aux formulations de la Convention citoyenne pour le climat, mais on retiendra que le chapitre II de la loi dédié justement à “Adapter l’emploi à la transition écologique” (articles 40 et 44) modifie le Code du travail, et par la même occasion le rôle des CSE en entreprise. Le CSE voit apparaître dans son champ d’attribution l’environnement. Il obtient un droit de regard sur les stratégies d’entreprises susceptibles d’avoir des répercussions néfastes sur les écosystèmes, et se doit d’être informé, d’après l’article L. 2312-17 du Code du travail, de tout changement entraînant des dommages sur l’environnement.

Ces réserves peuvent autant concerner le mode de consommation et les politiques de sobriété en entreprise, le traitement des déchets, les pollutions inhérentes aux activités, les investissements, l’intégration de la chaîne de production dans l’économie circulaire…

Dernier point, et non des moindres, la loi Climat et Résilience permet aux salariés élus du CSE de profiter de 5 jours de formation économique, dont une partie est dédiée aux enjeux environnementaux.

Comment sensibiliser son entreprise à l’environnement ?

Mais comment faire face à une direction pour qui l’environnement n’est pas une priorité ? Que faire pour accélérer la transformation écologique des entreprises ?

Outre les négociations entre employeurs et salariés, le CSE a la possibilité d’infuser l’écologie dans les politiques d’entreprise. Le site Officiel CSE indique ainsi une suite de mesures à pousser via le CSE dont, en premier lieu, la création d’une commission environnement capable d’obliger les entreprises à respecter leur devoir en matière de bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, et d’être en mesure d’attester du sérieux de ces bilans. 

Puis, vient en parallèle le volet “sensibilisation”. La sensibilisation des autres employés permet, par effet de groupe, de porter des mesures écologiques tant depuis le haut, avec la direction, qu’à partir de la base grâce aux salariés. C’est tout l’objectif des CSE : arriver à défendre les droits des salariés et réussir à les entraîner dans les négociations avec l’employeur. Cela peut passer par des campagnes d’information sur les activités de l’entreprise et leurs répercussions sur les écosystèmes, par des “Fresques” (des jeux collaboratifs), et par un verdissement des activités sociales et culturelles (ASC) (Mobilité et activités bas-carbone). 

Si cette mise au vert des CSE est un point positif dans la lutte contre la crise écologique, il n’en reste pas moins que l’environnement n’est à ce jour pas encore une priorité pour ces derniers.

La nécessité de mieux former les CSE aux enjeux sociaux et environnementaux

La 5ème édition du baromètre Syndex-Ifop sorti en janvier 2023 sur le « Dialogue social entre salariés et employeurs » souligne qu’ils sont un quart des salariés à se considérer comme bien ou très bien informés sur les sujets environnementaux. Une proportion tout de même importante, mais qui ne se matérialise pas vraiment dans les entreprises.

Ainsi, 74% des représentants du personnel (RP) estiment que leur CSE ne s’est pas encore saisi des enjeux environnementaux, et plus de la moitié (56%) des RP dit prioriser d’autres sujets (sociaux, économiques, liés à la sécurité) avant l’environnement.

Et malgré l’importance et la complexité de la crise environnementale, près de la moitié des RP annoncent qu’aucune formation aux enjeux environnementaux n’a été donnée dans les entreprises, près de deux ans après l’instauration de la loi Climat et Résilience.

Une réussite plus que mitigée donc, à laquelle s’ajoute une certaine perte de vitesse dans les CSE. S’ils sont plus de deux tiers des salariés à déclarer avoir une bonne image des CSE, et que plus de 80% souhaitent voter aux prochaines élections, “la quasi-totalité des RP (93%) rencontrent des difficultés à recruter de nouveaux élus« , peut-on lire dans le communiqué de presse de Syndex. En raison principale, siéger au CSE est un rôle chronophage et fatigant pour la majorité des salariés.

Et pourtant, rejoindre le CSE de son entreprise et/ou se syndiquer permet aux salariés d’avoir un impact sur les stratégies de son entreprise, de redonner du sens à leur travail même dans des entreprises moins vertueuses écologiquement. L’apparition d’écosyndicats, à l’image de Printemps écologique, révèle une intégration progressive de l’environnement dans les revendications salariales. Un nouveau rôle nécessaire pour ces syndicats afin de faire face à la fois à la crise environnementale, et aux réformes successives du travail menées contre les salariés.

Photo de Christina Morillo, Plexels

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Former son Comité social et économique à la Loi Climat et Résilience :
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