Le Shift Project a publié un rapport qui donne des pistes pour rendre le secteur de la santé plus sobre et résilient. Analysons ce rapport en détail. 

C’est un secteur essentiel auquel tout le monde a recours plusieurs fois dans sa vie. Il emploie près de 2 millions de personnes et chaque Français lui consacre 3000 € par an. Pourtant, rares sont ceux qui s’étaient intéressés à la décarbonation du secteur de la santé.

C’est chose faite avec le nouveau rapport préliminaire du Shift Project, intitulé “Décarbonons la santé pour soigner durablement !”. Dans le cadre de leur Plan de transformation de l’économie française, l’équipe du Shift Project s’est attaqué au secteur de la santé. C’est un secteur crucial puisqu’il représente plus de 33,6 Mt de CO2e, soit 5,1% du total national. C’est également un secteur vulnérable car très dépendant des énergies fossiles. Si on ajoute à cela que le changement climatique pourrait amener davantage de personnes à nécessiter des soins, on comprend l’urgence à transformer le secteur de la santé. D’où proviennent les émissions du secteur de la santé ? Comment transformer le secteur pour le rendre moins dépendant des énergies fossiles, moins émetteur et moins vulnérable au changement climatique ? Étudions les conclusions de ce rapport. 

Comprendre les émissions du secteur de la santé 

Le secteur de la santé représente plus de 33,6 Mt de CO2e et 5,1% des émissions françaises. Pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2100, il faut que chaque secteur diminue ses émissions de 5% par an. Cela concerne aussi la santé ! Pour réduire les émissions d’un secteur, il faut déjà les comprendre. Or, le rapport constate qu’on manque gravement de données sur les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre (GES) du secteur de la santé. Beaucoup de structures, y compris celles soumises à une obligation légale, ne réalisent pas de bilan carbone. Lorsque ces bilans carbone sont effectués, ils sont souvent incomplets, omettant une partie des émissions indirectes. De plus, la majorité des professionnels du secteur ne sont pas formés aux enjeux climatiques et énergétiques.

L’équipe du Shift Project a, cependant, réussi à estimer les sources d’émissions du secteur de la santé. Elles sont présentées dans le tableau qui suit.

Graphique de la répartition des émissions du secteur de la santé (en MtCO2e), « Décarbonons la santé pour soigner durablement », The Shift Project, Juin 2021

En regardant ce tableau, on se rend compte que les émissions les plus importantes sont celles liées au Scope 3. Ce sont les émissions générées indirectement par les activités de santé. Ces émissions liées au Scope 3 représentent près de 84% du total des émissions. Parmi elles, l’achat de médicaments est particulièrement émetteur avec 46,5% du total. Vient ensuite le transport des patients et des visiteurs avec 20% du total. Les émissions liées au Scope 1 (le chauffage, la cuisson) ne représentent que 13,5% du total et celles liées au Scope 2 (consommation d’électricité) seulement 3%. Pour réduire les émissions du secteur de la santé, il faut donc agir principalement sur ces émissions indirectes.  

Comment réduire ces émissions ? 

Agir sur les émissions directes

Les émissions directes sont celles auxquelles on pense en premier bien que, dans le cas de la santé, ce ne soient pas les plus importantes. 

Agir sur les bâtiments et les équipements 

Dans cette catégorie, on s’intéresse à l’utilisation de l’énergie. Pour réduire les dépenses d’énergie et donc le bilan carbone de la santé, voici ce que propose les auteurs du Shift Project :

  • systématiser la rénovation énergétique des bâtiments pour mieux les isoler et passer à des systèmes de chauffage bas-carbone
  • favoriser la bio-climatisation des bâtiments : en optimisant l’utilisation du rayonnement solaire et de la circulation de l’air, on peut limiter le recours aux climatiseurs électriques
  • promouvoir la sobriété énergétique des usages en encadrant l’utilisation du chauffage et de la climatisation, par exemple

Agir sur les émissions indirectes

On l’a vu précédemment : ce sont les émissions indirectes qui alourdissent le plus le bilan carbone de la santé. 

Agir sur les achats

La catégorie “achats” englobe les achats de médicaments, de produits alimentaires, de dispositifs médicaux, de matériel d’optique et de services. Les émissions de GES de cette catégorie représentent 19,5 Mt de CO2e. Le rapport du Shift Project avance des pistes pour réduire les émissions de cette catégorie :

  • réduire l’impact carbone de l’alimentation collective (alimentation plus végétale, locale, de saison)
  • réduire le gaspillage alimentaire : selon un rapport de l’ADEME, la restauration collective de santé est le secteur responsable du plus grand gaspillage alimentaire
  • adopter une politique d’achats responsables et durables pour les produits de santé : s’intéresser à l’ACV du produit, limiter les transports, favoriser l’écoconception
  • repenser l’utilisation de gaz anesthésiques à fort impact carbone
  • réduire le gaspillage de médicaments : en 2018, 10 tonnes de médicaments achetés par des particuliers mais non utilisés ont été jetées. Pour cela, les pharmacies pourraient vendre les médicaments à l’unité, par exemple. 
  • limiter la surconsommation de matériel à usage unique

Agir sur les déplacements

Les déplacements comprennent les déplacements professionnels, les déplacements des patients et des visiteurs et les déplacements domicile-travail des personnels soignants. Pour réduire les émissions de cette catégorie, le rapport du Shift Project propose de :

  • rendre obligatoire les plans de mobilité pour tous les établissements de plus de 100 salariés : encourager le covoiturage, l’utilisation du vélo ou des transports en commun et rendre les établissements plus accessibles aux piétons
  • développer la télémédecine

Mesurer les émissions et former les personnels

Pour assurer le suivi et l’efficacité de ces mesures, il y a un besoin de mesurer les émissions de GES des établissements de santé. Les émissions directes comme indirectes doivent être comptabilisées. On doit aussi s’intéresser au bilan carbone des produits achetés sur tout leur cycle de vie. En plus de cela, il faut former les personnels médicaux aux enjeux environnementaux et climatiques. On pourrait imaginer, par exemple, de désigner un responsable “transition écologique” dans chaque établissement.

Le secteur de la santé a pour mission de soigner les humains et de prévenir leurs éventuelles maladies. Pourtant, le secteur de la santé français est peu adapté aux conditions extrêmes que promet le changement climatique. Il reste très dépendant des énergies fossiles. Pire : par ses émissions importantes, il contribue fortement au changement climatique. Il y a donc urgence à ce que le secteur de la santé opère sa transition énergétique pour devenir plus sobre et plus résilient. Il est, en effet, paradoxal que le secteur de la santé continue à participer activement à un phénomène qui compromet gravement sa capacité à remplir sa mission.

Photo de camilo jimenez sur Unsplash

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