Avec plus de 33% des voix au premier tour des élections législatives, le Rassemblement national apparaît comme le premier parti de France. La coalition du Nouveau Front populaire le talonne à 28% quand le parti du président de la République dévisse et plafonne à 20%. Mais rien n’est joué pour autant concernant la répartition définitive des sièges à l’Assemblée nationale car le jeu des coalitions peut tout changer, notamment en cas de triangulaires. Quelques ONG, think tanks et communautés professionnelles appellent à un front républicain pour sauver la démocratie et la transition écologique et sociale.

Le Rassemblement national à plus de 33%, Marine Le Pen élue dès le premier tour…L’extrême droite apparaît bien comme la grande gagnante de ces élections législatives anticipées qui se sont tenues dans un contexte politique et social, électrique et chaotique mais avec une participation record de près de 67%. Face à la menace pesant sur la démocratie et la transition écologique & sociale, des organisations du secteur de l’environnement, du social et de la RSE, commencent à prendre la parole pour appeler au Front Républicain pour le deuxième tour du 7 juillet où le jeu des alliances sera déterminant pour définir le prochain équilibre politique à l’assemblée et au gouvernement.

Les ONG environnementales et de développement aux avants postes

Première à réagir, la coalition d’une trentaine d’ONG environnementales et de développement, le Réseau Action Climat a appelé à la responsabilité historique de l’ensemble des partis républicains. « L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir serait catastrophique pour l’ambition climatique de la France, pour les droits humains et les libertés associatives. A travers son programme, le Rassemblement national souhaite revenir sur nombre d’acquis de la transition écologique, au mépris de leurs bénéfices pour l’ensemble de la population », a-t-elle souligné dans un communiqué. Quelque heures plus tard, le Pacte du Pouvoir de Vivre, qui regroupe 60 associations (RAC, Fondation Abbée Pierre, Secours catholique) autour de la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, l’environnement et la démocratie  appelait lui aussi « les candidat.e.s les moins bien placé.es en cas de triangulaire, à se désister pour battre les candidats d’extrême droite ». France Nature environnement s’incrit dans la même veine.

Le travail de décryptage des programmes réalisé par différentes ONG et think tanks en amont du premier tour le montre en effet clairement : « la vision de la transition écologique portée par le RN ne tient aucun compte des réalités scientifiques », souligne de son côté Greenpeace. Et ce alors que les effets du changement climatique se multiplient comme on a pu le voir le jour des élections avec les orages destructeurs et meurtriers dans plusieurs régions (Aube, Alpes suisses, Espagne…)

De son côté, tout en se disant « ni neutre, ni partisane », la Cfdt prend position « contre l’extrême droite » dans un communiqué. Le syndicat explique que « tout faire pour qu’un parti qui est contraire aux intérêts des travailleurs et travailleuses n’arrive pas au pouvoir, c’est justement… défendre leurs intérêts ! ». Et qu’il s’agit par cette position de « réclamer des politiques plus justes, plus sociales, plus écologiques, pour de meilleures rémunérations et pensions de retraites, l’égalité femmes/hommes… » Le lendemain, la CGT, l’Unsa, la FSU et Solidaires rejoignaient la Cfdt pour un appel à un « sursaut démocratique, social et républicain ».

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La communauté RSE reste frileuse

Du côté des organisations professionnelles, la prudence reste de mise. Une position tenue par la majorité des fédérations et communautés sectorielles, patronales mais aussi de la RSE depuis le début de la campagne. Certaines organisations ont déjà pris position avant le premier tour comme le Mouvement Impact France ou ESS France, d’autres disent prendre un peu de temps pour trouver le bon équilibre entre des membres aux sensibilités différentes ou estiment que ce n’est pas leur rôle de donner des consignes de vote. Mais déjà quelques initiatives ont vu le jour pour faire advenir par le vote un projet de société durable, désirable et inclusif.

Pour Patrick d’Humières, expert et pionnier de la RSE, il est en effet important que les professionnels du secteur prennent la parole, au moins à titre personnel, dans un moment comme celui-ci pour une question de valeur et de principes. « Il y a un problème fondamental d’incompatibilité entre l’extrême droite et la logique de transformation durable », affirme-t-il à Youmatter. Pour lui, c’est notamment parce que le modèle durable n’a pas été porté au plus haut niveau politique comme le modèle d’avenir de l’économie et de la société ces dernières années, ni « fait l’effort d’accompagner les acteurs », que cette situation politique a pu advenir. Il appelle donc tous les professionnels de la RSE et plus largement, « ceux dont la mission, au-delà du métier de management de la transformation des modèles, est de promouvoir les valeurs et les comportements qui conditionnent l’appropriation des clés de succès d’une société de sobriété et de coopération« , à tirer « toutes les conséquences de la situation présente en France qui met en risque cette vision du bien commun qui est la raison d’être de nos organisations ». Dans un texte signé par des professionnels du secteur *, il appelle à faire un vrai choix de modèle durable, sans mentionner de partis. « Nous affirmons plus que jamais notre conviction que l’économie de demain devra reposer sur ces principes de coopération, de respect de l’autre et de notre patrimoine planétaire à travers un modèle durable et responsable, compatible avec les ressources disponibles et les avancées humaines, bien intégrées à nos projets d’entreprise ; nous veillerons, en pleine conscience, au côté des dirigeants, des salariés et des partenaires de nos groupes, à ce qu’il résiste à des remises en cause et à ce qu’il redevienne une boussole pour guider l’action économique et politique de chaque responsable », précise le texte.  

1 000 diplômés de « Grandes Écoles », acteurs et dirigeants économiques, entrepreneurs ont aussi pris la parole pour dénoncer les discours « ni-ni » de la part du patronat : « il est urgent de rompre avec ce discours dominant dans les milieux d’affaires, qui discrédite systématiquement les propositions économiques des gauches et alimente les flammes du Rassemblement National », écrivent-ils dans une tribune. Quand un collectif de quelque 80 consultants spécialisés dans la transition écologique et sociale à rejeter l’extrême droite au nom de l’urgence écologique : « l’alliance politique autour du RN de danger pour la préservation du vivant et l’intérêt des Françaises et Français à court et moyen termes », écrivent-ils dans une tribune.

De leur côté, les lauréats du prix Top35 des jeunes leaders positifs** réalisé par Positiv en partenariat avec Les Echos start, ont voulu lancer « un appel à un vote de conscience et pour une société inclusive, juste et équitable ». Ces entrepreneurs, collaborateurs d’entreprises engagés, dirigeants d’associations ou influenceurs invitent aussi à se mobiliser pour un projet de société porteur de sens et désirable. « Face au péril », ils appellent à voter pour « l’espoir, l’action et les solutions » pour « des entreprises plus inclusives, une économie au service du bien commun et du vivant ».

Pour cela il faudra aussi changer notre rapport au travail soulignent deux consultants spécialistes du dialogue social, Antoine Foucher et Jean-Dominique Simonpoli dans une tribune publiée par le Monde. « L’impression de n’être plus compris ni défendu par personne dans l’entreprise alimente largement le sentiment de déclassement et de dépossession des salariés, et fonctionne comme un carburant du vote RN, promettant à tous les citoyens-travailleurs de reprendre le contrôle de leur vie », estiment-il. Avant d’appeler les directions d’entreprises et élus du personnel à trouver les voies de « nouveaux compromis sociaux ».

Illustration : Canva

* signataires : Patrick d’Humières (Company21), Florent Courau, Alexis Gazzo, Virginie de Chassey, Sylvianne Villaudière, Audrey de Garidel.

**Signataires : Féris Barkat (co-fondateur de Banlieues climat),Marie Nguyen, Fondatrice de We Dress Fair , Théo Scubla, Co-fondateur et CEO d’ Each One, Alice Devès, CEO de Petite Mu…