Edito

Après dix semaines d’attente, nous avons enfin un nouveau gouvernement ! Élaboré dans la douleur par Michel Barnier, celui-ci est clairement marqué par la droite libérale et conservatrice, avec Bruno Retailleau (LR) en tête de proue d’une équipe qui a peu d’expérience ministérielle et quasi inconnue du grand public. 

Côté transformation écologique, qu’en attendre ? On a beaucoup mis en avant l’expérience de ministre de l’Environnement de Michel Barnier lors de sa nomination mais cela se retrouve-t-il dans la composition du gouvernement ? Agnès Pannier-Runacher prend la tête d’un ministère au nom à rallonge : Ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. 

« Mais derrière ce nom, une cruelle réalité : c’est le périmètre ministériel le plus restreint depuis… Jean-Louis Borloo (soit plus de 15 ans) ! », note Marine Braud qui a travaillé dans de nombreux cabinets des différents ministères de l’Environnement dans un post LinkedIn. De fait, si l’énergie revient dans le giron du ministère (avec un ministère délégué dédié dirigé par Olga Givernet) et que la prévention des risques fait son apparition, les transports, le logement et la biodiversité en sortent, avec la mer et les forêts qui filent à l’Agriculture. « Autant dire que la nouvelle ministre n’aura la main sur quasiment aucune des politiques sectorielles nécessaires à la transition » souligne-t-elle. Autre point noir : le ministère perd le lien avec les collectivités, « alors que la territorialisation de la planification écologique est un enjeu essentiel »

C’est d’autant plus problématique que le secrétariat à la planification écologique (SGPE) perd officiellement du terrain après avoir été délaissé par le gouvernement Attal. Et que l’on attend le troisième plan nation d’adaptation au changement climatique, sans cesse repoussé depuis des mois…

Agnès Pannier-Runacher, qui dit vouloir porter une écologie « ambitieuse » et « populaire », aura notamment à travailler avec le nouveau ministre de l’Economie, Antoine Armand. Dans une interview au JDD, celui-ci à assuré qu’il ne serait pas le ministre du « sous-investissement dans notre avenir économique et écologique ». Leur duo est notamment attendu par le secteur de l’énergie. 

La personnalité d’Agnès Pannier-Runacher, qui défend une « écologie de progrès » est loin de faire l’unanimité auprès de la sphère écologiste. Dans un communiqué Greenpeace rappelle notamment ses potentiels conflits d’intérêts, notamment avec le secteur des énergies fossiles (via la société Arjunem et Perenco) et sa position clairement pro-nucléaire. Quant au choix d’Annie Genevard au ministère de l’Agriculture, il inquiète les associations qui soulignent sa faible expérience du sujet et ses prises de position en faveur des lobbies agricoles. 

Bref, pour Greenpeace, c’est un « gouvernement à rebours de la démocratie, de l’écologie et du social » qui prend ses fonctions. Côté social, le gouvernement semble vouloir apaiser les craintes à gauche. Michel Barnier a promis de « prendre le temps d’améliorer la réforme des retraites » avec les partenaires sociaux et Antoine Armand a mis le dossier « salaire décent » sur la table. Et un ministère de l’Economie sociale et solidaire (ESS) a été créé, directement rattaché à Bercy. On attend aussi de voir quelle sera la position de la nouvelle ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, sur les questions d’emplois, elle qui a montré son opposition à la réforme de l’assurance chômage. Reste que les syndicats accueillent pour le moins fraîchement le nouvel exécutif et l’attendent au tournant tant les questions sociales sont cruciales dans un contexte d’austérité budgétaire et de montée de la précarité, des inégalités et de la pauvreté. Le patronat, qui avait manifesté sa farouche opposition au NFP lors de sa rencontre annuelle (REF), est lui rassuré par la couleur libérale du gouvernement…

En attendant d’en savoir un peu plus sur le cap et la vision de la transition écologique et sociale de ce dernier, il lui faudra déjà passer sous les fourches caudines de l’Assemblée nationale où le Premier Ministre devra faire son discours de politique générale le 1er octobre, déjà sous le coup d’une motion de censure portée par le Nouveau Front Populaire.

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