Que sont les biocarburants ou agrocarburants ? Comment sont-ils fabriqués ? Quel impact environnemental ont-ils ?
Qu’est-ce qu’un agrocarburant ou biocarburant ?
Les biocarburants sont des carburants de substitution produits à partir de biomasse, c’est-à-dire de matière première végétale, animale ou issue de déchets, d’où le préfixe “bio” qui signifie la vie. Cependant certains préfèrent le terme “agrocarburants” pour éviter les confusions avec les produits biologiques. Les agrocarburants sont généralement mélangés à des carburants d’origine fossile pour alimenter les moteurs des véhicules. Il existe deux filières principales d’agrocarburants :
- la filière alcool comme le bioéthanol qui est mélangé à de l’essence pour donner des bioessences
- la filière huile et dérivés qui sont mélangés au gazole pour donner les biodiesels
Comment fabrique-t-on un agrocarburant ?
Le bioéthanol
Pour fabriquer du bioéthanol, il faut de la matière première qui contienne du sucre ou de l’amidon. On en retrouve dans des plantes comme la betterave sucrière, la canne à sucre, le blé, le maïs ou la pomme de terre ou dans des déchets de la viticulture comme le marc de raisin. Il faut presser ces plantes pour en extraire du jus qui contient du sucre ou de l’amidon (une grosse molécule qui est composée de molécules de sucre plus petites). On met, ensuite, le sucre à fermenter avec des levures qui le transforme en alcool. On distille et on déshydrate cet alcool pour obtenir du bioéthanol que l’on mélange à de l’essence classique selon différentes proportions.
En France, l’appellation “SP95-E5” signifie que le carburant contient jusqu’à 5% de bioéthanol. Ce carburant est compatible avec tous les moteurs essence. Les appellations “SP95-E10” et “Super Ethanol E85” signifient que le carburant contient respectivement 10% et 85% de bioéthanol. Ces carburants ne sont pas compatibles avec tous les moteurs. Les coproduits obtenus lors de la fabrication du bioéthanol (fibres végétales et pulpes) sont donnés à manger aux animaux d’élevage. En France, en 2019, on estime que 7,9% de l’énergie contenue dans les essences provenait de la biomasse.
Le biodiesel
Le biodiesel est obtenu à partir d’espèces oléifères, c’est-à-dire capables de produire des huiles comme le palmier à huile, le tournesol ou le colza. On peut aussi produire du biodiesel à partir de graisses animales ou d’huiles usagées. La France utilise principalement le colza. On ne peut pas utiliser les huiles végétales ou les graisses animales directement pour alimenter les moteurs. Il va donc falloir les “estérifier”, les transformer en ester d’acides gras. Pour cela, on fait réagir les triglycérides (les corps gras) contenus dans les huiles ou les graisses avec un alcool. On obtient alors des esters d’acide gras que l’on mélange à du gazole pour donner du biodiesel. Les co-produits, autrement dit les déchets de cette transformation sont utilisés par d’autres industries (alimentation animale, pharmaceutique, cosmétique). En 2019, en France, 7,3% de l’énergie contenue dans le gazole provenait de la biomasse.
Les trois générations de biocarburants
Il y a plusieurs générations de biocarburants qui utilisent de la matière première d’origine différente :
- les biocarburants de première génération : comme le bioéthanol et le biodiesel ils sont fabriqués à partir de plantes riches en sucres ou en huiles qui sont aussi consommées par les humains ou les animaux d’élevage ;
- les biocarburants de seconde génération : ces nouvelles techniques permettent d’exploiter l’éthanol cellulosique à partir du bois ou de la paille par exemple. Ces techniques ont généralement recours à des plantes non comestibles ce qui réduit la concurrence avec l’agriculture à vocation alimentaire ;
- les biocarburants de troisième génération : ces techniques récentes proposent d’utiliser des algues qui sont capables de produire beaucoup d’huile.
Pourquoi utiliser des agrocarburants ?
Les premier et second chocs pétroliers de 1073 et 1979 ont rendu les agrocarburants très attractifs. Il y avait une volonté de réduire la dépendance énergétique au pétrole. L’utilisation des agrocarburants pourrait aussi permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Effectivement, les plantes utilisées pour leur fabrication captent du carbone en poussant et compensent celui émis lors de la combustion. Les agrocarburants sont aussi un moyen de valoriser les déchets lorsqu’ils sont fabriqués à partir de résidus comme le marc de raisin ou les huiles usagées. En décembre 2018, une directive européenne a fixé un objectif de 14% d’énergie renouvelable dans les transports en 2030, avec un plafond de 7% pour les biocarburants de première génération.
Quel bilan environnemental pour les agrocarburants ?
Bilan carbone et impact énergétique
Bien qu’ils soient souvent présentés comme une alternative écologique aux carburants fossiles, le bilan environnemental des agrocarburants est assez controversé. En 2010, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) publiait une Analyse de Cycle de Vie appliquée aux agrocarburants de première génération. L’analyse conclut que le bilan énergétique et le bilan d’émission de gaz à effet de serre des agrocarburants sont plus favorables que ceux des carburants fossiles. Toutefois, les bilans dépendent beaucoup de la catégorie des agrocarburants. Les bilans les plus favorables sont ceux des biodiesels produits à partir d’huiles usagées et de graisses animales. Ceux qui s’en sortent le moins bien sont les ETBE (des dérivés de l’éthanol) issus de la betterave, du blé ou du maïs.
Graphique tiré de l’Analyse du Cycle de Vie appliquée aux biocarburants de première génération consommés en France, ADEME, Février 2010
Impact écologique et impact social
Cependant cette analyse ne prend pas en compte les effets de changement d’affectation des sols. L’ADEME le reconnaît, en effet : “Lorsque le développement de cultures énergétiques aboutit, directement ou indirectement, à la disparition de prairies, de zones humides, ou de forêts primaires, le bilan de gaz à effet de serre des biocarburants peut s’avérer négatif”. Selon un rapport des ONG Canopée et Rainforest Foundation Norvège, publié en mars 2020, les agrocarburants représentent 90% de l’augmentation de la demande en huile végétale depuis 2015. Cette huile végétale provient principalement des palmiers à huile et du soja. L’augmentation massive de la demande en biocarburants pourrait conduire à la déforestation de 7 millions d’hectares supplémentaires, selon le rapport. Les ONG estiment que les émissions liées au changement d’affectation des sols pourraient représenter 11,5 milliards de tonnes de CO2e.
On reproche également à la production d’agrocarburants de concurrencer la production alimentaire. En France, 3% de la surface agricole est consacrée à la production d’agrocarburants. Dans d’autres pays, cette proportion est beaucoup plus grande. De plus, le développement des agrocarburants peut, parfois, être responsable de l’augmentation des prix des denrées alimentaires.