Qu’est-ce que l’écologie profonde ? Quels sont les grands principes de ce mouvement écologique ?
L’écologie profonde est un mouvement de l’écologie politique qui cherche à transformer de manière radicale notre rapport, non pas seulement aux êtres vivants, mais à l’environnement dans son ensemble, que cette nature soit un être humain, un chien ou une chaîne de montagnes.
Alors que le modèle actuel s’applique à dominer et à instrumentaliser l’environnement en l’adaptant aux besoins des Hommes, l’écologie profonde propose une nouvelle vision de ces relations. L’humain n’occupe plus une place centrale, il n’est pas plus ni moins important que les autres êtres vivants ou la matière avec lequel il interagit. Il ne vit pas au-dessus de l’environnement, mais vit grâce à ces interactions avec la Nature, c’est l’écosophie. L’humain se doit donc de reconnaître la dignité de l’environnement, et ainsi de respecter en tout temps l’équilibre des écosystèmes.
L’origine de l’écologie profonde ou la deep ecology
La Deep ecology est avant tout un mouvement initié dans les années 1970 par le philosophe norvégien Arne Næss (1912-2009), expert reconnu de la philosophie de Spinoza et de Gandhi. Il s’oppose par ce mouvement à l’écologie superficielle (shallow ecology), le modèle dominant qui ne vise qu’à satisfaire le mode de vie occidental. On peut réduire les formes de pollutions et l’épuisement des ressources grâce à des outils technologiques, mais pour le penseur, tant que l’Homme se maintien au centre des relations, les écosystèmes resteront menacés. L’humanité doit donc passer d’une conception anthropocentrée de ces relations à la Nature à une conception écocentrée, là où l’équilibre des écosystèmes prime avant les envies humaines.
Mais pour se faire, Arne Naess et les défenseurs de l’écologie profonde prônent une rupture écologique radicale, mais non pas moins joyeuse, prônant les valeurs de solidarité, d’égalité, de coopération dans de multiples communautés… En ce sens, l’écologie profonde vise à supplanter deux grands courants connexes de l’époque, la préservation de « la nature sauvage » (Wilderness et la lutte contre les dommages écologiques, notamment les ravages de l’insecticide DDT, et les crimes d’écocide, sujets fortement médiatisés en 1962 par la biologiste et militante Rachel Carson grâce à son livre Printemps Silencieux.
Les principes fondamentaux d’une écologie radicale
Pour Arne Næss, l’écologie profonde s’articule autour de 8 principes fondamentaux :
- « Le bien-être et l’épanouissement des formes de vie humaine et non humaines de la Terre ont une valeur en eux-mêmes [synonymes : valeur intrinsèque, valeur inhérente]. Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité du monde non humain pour les besoins humains.
- La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.
- L’homme n’a aucun droit de réduire cette richesse et cette diversité, sauf pour satisfaire des besoins vitaux.
- L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une décroissance substantielle de la population humaine. Le développement des formes de vie non humaines requiert une telle décroissance.
- L’interférence humaine actuelle avec le monde non humain est excessive, et la situation s’aggrave rapidement.
- Les politiques publiques doivent être changées. Ces changements affecteront les structures économiques, technologiques et idéologiques fondamentales. Il en résultera une organisation politique profondément différente de l’organisation politique actuelle.
- Sur le plan idéologique, le changement tiendra essentiellement dans la capacité à apprécier la qualité de la vie (qui réside dans les situations ayant une valeur en elles-mêmes), plutôt que dans l’adhésion à des niveaux de vie toujours plus élevés. Chacun aura alors profondément conscience de la différence entre quantité et qualité.
- Ceux qui souscrivent aux points précédents s’engagent à tenter de mettre en œuvre, directement ou indirectement, les changements nécessaires ».
L’écologie profonde, un mouvement spirituel
Arne Næss propose ainsi d’atteindre une nouvelle forme de bonheur. Il la décrit comme tel dans Écologie, communauté et style de vie (1974) :
« Réalisation de Soi !
Plus on atteint une haute réalisation de Soi, plus l’identification avec les autres est grande et profonde.
Plus on atteint un haut niveau de la réalisation de Soi, plus la possibilité d’atteindre un niveau encore supérieur dépend de la réalisation de Soi des autres.
La complète réalisation de Soi d’un individu quelconque dépend de celle des autres.
Réalisation de Soi pour tous les êtres vivants ! »
En d’autres termes, la réalisation de Soi, c’est pour le philosophe un processus de changement de regard sur les écosystèmes, et donc de rupture dans les sociétés. Plus un écosystème sera riche, et plus les relations seront plurielles. Interagir dans ces milieux, permet aux êtres vivants, notamment l’Homme, d’atteindre une plus haute réalisation de Soi, ce qui leur permet d’être en mesure de prendre des décisions plus éclairées afin de maintenir l’équilibre et le bien-être des écosystèmes.