Que signifie la notion de serious games ? A quand remonte l’utilisation des jeux à des fins éducatives ? Quels sont les différents types de serious games existants ?
Les serious game : définition
Les serious games, ou jeux sérieux en français, peuvent se définir comme des applications informatiques « dont l’objet est de combiner à la fois des aspects sérieux tels l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (game) ».
Les objectifs attribués à ce type de jeux d’un point de vue éducatif sont essentiellement de trois ordres :
- Diffuser un message ;
- Permettre de s’entrainer ;
- Favoriser l’apprentissage et le partage de connaissances.
La démocratisation du concept résulte du développement aux Etats-Unis en 2002 d’un jeu vidéo appelé America’s Army créé par l’armée américaine pour donner envie aux jeunes de s’engager. Le succès du jeu fut immédiat et aboutit au développement d’initiatives similaires dans les entreprises, les ONGs, certains groupes d’activistes ou les universités.
L’usage du jeu à des fins pédagogiques : un phénomène ancien renouvelé par les nouvelles technologies
D’après les chercheurs Julien Alvarez et Damien Djaouti, le concept de jeux sérieux est issu d’un oxymore attribué aux humanistes italiens du XVème siècle : serio ludere. Ce terme désignait le fait de traiter des sujets sérieux avec une approche ludique.
Par la suite, au XIXème siècle, ce sont les armées prussienne et britannique qui se sont intéressées aux simulations ludiques pour former leurs corps d’encadrement. L’armée prussienne notamment développa un jeu de guerre pour former ses officiers.
Ce n’est toutefois qu’à partir des années 1970 que la notion de serious games a été véritablement conceptualisée, dans l’ouvrage du même nom du chercheur Clark Abt. Ce dernier a développé l’idée que les jeux constituent un support pertinent pour enrichir les cursus scolaires par la réduction de la frontière entre « apprentissage scolaire » et « apprentissage informel ». Sa thèse est illustrée de nombreux exemples de jeu existants dans plusieurs matières enseignées à l’école comme la physique ou les sciences humaines.
Les recherches sur les serious games ont donc débuté avant la démocratisation des jeux vidéo, ce qui démontre qu’à l’origine, les jeux sérieux pouvaient être à la fois des jeux de société, des jeux sur ordinateurs, des jeux de rôles et même des jeux de plein air.
Cependant, à partir des années 1980, l’industrie du jeu vidéo a connu une croissance économique remarquable, générant dès cette période deux fois plus de bénéfices que l’industrie du cinéma aux Etats-Unis. Aujourd’hui, rien qu’en France, elle ne rapporte pas moins de 4,3 milliards d’euros par an d’après le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs selon une étude menée en 2018.
Ce développement rapide des jeux vidéo, mais aussi des nouvelles technologies de l’information et des communications, de l’intelligence artificielle et de la robotique expliquent que désormais quasiment tous les serious games utilisent l’univers du jeu vidéo et des contenus vidéoludiques.
Classification des serious game
Les chercheurs Julien Alvarez et Damien Djaouti ont proposé de classifier ces jeux aux fonctions utilitaires en cinq catégories :
- Les jeux publicitaires ;
- Les jeux ludo-éducatifs ;
- Les edumarket games ;
- Les jeux engagés ;
- Les jeux d’entrainement et de simulation.
A cette classification peut être ajoutée également une sixième catégorie un peu à part : les jeux de recherches scientifiques.
Les jeux publicitaires
Les jeux publicitaires sont des jeux vidéo destinés à promouvoir l’image d’une marque, également appelée advergame, néologisme issu de advertisement (publicité) et de game (jeu).
L’objectif de ce type de jeux est de permettre aux marques de se différencier de la concurrence en proposant une communication ludique, différente des communications traditionnelles dans la lignée du marketing expérientiel.
L’idée est de créer une relation attrayante entre la marque et le consommateur, car le jeu est moins intrusif qu’une communication traditionnelle et offre au consommateur une véritable immersion dans l’univers de la marque. Le consommateur n’est alors pas seulement passif, récepteur de la communication, il est actif et participe au jeu.
Les jeux publicitaires présentent des formes variées. Ils peuvent ainsi être mis à disposition gratuitement sur les sites internet des marques à des fins promotionnelles ou être vendus à part, comme c’est souvent le cas pour les jeux publicitaires de l’industrie cinématographique (jeu Star Wars, Harry Potter).
Certaines marques ont même réussi à intégrer leurs produits dans d’autres jeux vidéo. C’est le cas pour le jeu Les Sims, dans lequel les personnages peuvent acheter des produits de marques réelles, comme des hamburgers Mac Donald ou des ordinateurs Intel.
Les jeux ludo-éducatifs
Les logiciels ludo-éducatifs ou jeux vidéo éducatifs sont des jeux vidéo dont l’objectif est d’enseigner des connaissances comme la logique ou de développer les compétences de l’utilisateur par l’intermédiaire du jeu.
Certains sont relativement connus du grand public, comme le jeu sur PC Adibou destiné aux enfants ou encore le jeu Programme d’entraînement cérébral du Docteur Kawashima sur Nintendo DS. Il permet d’évaluer dans un premier temps l’âge du cerveau du joueur et par la suite d’améliorer son résultat grâce à des exercices de mémorisation, de calcul mental, ou encore de vitesse de lecture.
Les edumarket games
Les edumarket games sont un néologisme de l’anglais edu pour éducation, market pour marché et game, pour jeu. On peut le traduire par jeux pédago-mercatiques.
En pratique, ils désignent les jeux utilisés à des fins de sensibilisation des utilisateurs, tout en adoptant une approche éducative et en utilisant les ressorts des jeux vidéo.
Ces jeux pédago-mercatiques permettent d’aborder certaines problématiques sociales, environnementales ou humanitaires, afin de modifier la sensibilité des publics à ces enjeux.
Parmi ces jeux, on peut citer Food Force, un jeu lancé par le programme alimentaire mondial des Nations Unis en 2005 et présenté comme le premier jeu vidéo humanitaire éducatif. Il est destiné aux 8-13 ans pour les sensibiliser au problème de la faim dans le monde. En pratique, le joueur incarne un personnage basé sur une île fictive de l’Océan Indien, en guerre. Son objectif est de réussir à nourrir le plus de personnes possibles, avec un budget de 30 centimes par personne.
Les jeux engagés
Les jeux engagés visent à exprimer des messages contestataires de nature politique, religieuse ou militaire. L’objectif le plus souvent est de dénoncer de façon directe des problèmes en utilisant le jeu vidéo.
C’est pourquoi, les concepteurs utilisent les codes des jeux vidéo mais de façon détournée, notamment :
- En privant le joueur de la possibilité de gagner ou en lui demandant de perdre pour gagner, comme dans AntiWar Game, un jeu dénonçant la guerre ;
- En détournant des images graphiques connues ;
- En s’inspirant de jeux réels mais modifiés pour dénoncer certaines pratiques.
Parmi ces jeux, certains ont eu un réel écho dans la presse, comme c’est le cas du jeu Mac Donald Vidéogame, créé par le collectif italien Molle Industria. Dans ce jeu, pour dénoncer certaines pratiques de l’entreprise, le joueur se retrouve à la tête de la firme et peut nourrir des animaux avec des déchets industriels, ou encore corrompre les politiciens.
Les jeux d’entrainement et de simulation
Les jeux d’entrainement ou de simulation sont des jeux qui reproduisent des activités réelles. Parmi ceux-ci, les plus célèbres sont les jeux économiques, les jeux de rôles ou de gestion.
Ces jeux permettent grâce à l’ordinateur et la robotique de reproduire le fonctionnement d’un système. Comme exemple classique de ces jeux, on peut citer ceux offrant la possibilité de piloter virtuellement des engins comme des avions, des voitures ou des navettes spatiales.
Ce type de serious games, par les possibilités offertes par la simulation, est très utilisé dans de nombreux domaines (la défense, la médecine, l’aviation).
Les jeux de recherche scientifique
Les jeux de recherche scientifique sont des jeux conçus pour résoudre des problèmes scientifiques réels, en faisant appel à une communauté de joueurs, plus apte à résoudre des questions difficiles à traiter par des algorithmes.
Deux de ces jeux scientifiques ont fait parler d’eux :
- Le premier est Foldit, un jeu expérimental sur le repliement des protéines développé par les départements d’informatique et de biochimie de l’Université de Washington. Il permet aux joueurs de représenter des protéines en trois dimensions en réalisant des puzzles et a notamment permis de décoder la structure tridimensionnelle d’une protéine jusqu’alors inconnue.
- Le second est Phylo, un jeu vidéo développé en 2010 par l’Université McGill de Montréal. Il permet de résoudre de façon participative des problèmes de séquencement d’ADN, en utilisant la capacité du cerveau humain à associer les formes et les couleurs. En pratique, le joueur dispose de lignes de briques, qui constituent des séquences du code génétique (des nucléotides) et doit les aligner, pour avoir la meilleure correspondance possible et éviter les espacements.
La diversité des serious games explique leur utilisation dans de multiples domaines : la défense, la santé, l’emploi, l’écologie, l’humanitaire, la politique, la religion ou encore l’art ; la liste n’est pas exhaustive. Ils ont tant vocation à aider la recherche scientifique, à sensibiliser l’opinion publique ou à servir de publicité pour les marques. Mais ces jeux sont également de plus en plus utilisés par les entreprises, pour former et sensibiliser leurs collaborateurs à des problématiques diverses d’une manière qui diffère des formations plus classiques.
Crédit image : Shutterstock.