Une entreprise régénérative, qu’est-ce que c’est ? Quelle utilité ? Existe-t-il des exemples viables ?

Le concept d’entreprise régénérative désigne un modèle commercial et organisationnel qui va au-delà des formes de durabilité représentée par la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). L’objectif de l’entreprise régénérative n’est pas seulement d’être moins destructrice de l’environnement, mais de favoriser la restauration, la revitalisation et l’amélioration autant de l’environnement que des structures sociales et économiques. Une entreprise régénérative vise conjointement à générer des profits tout en participant à créer un impact positif sur la planète et la société. 

Les limites de l’entreprise traditionnelle

Depuis la victoire du modèle capitaliste dans la deuxième moitié du XXe siècle s’est construite une société fondée sur un modèle économique incohérent avec les limites planétaires. La croissance fulgurante de l’économie mondiale à partir de la première révolution industrielle s’est faite au détriment de la Nature. Les ressources naturelles ont été consommées à outrance, et les écosystèmes détruits au profit de l’étalement urbain, de zones commerciales, ou d’industries.

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Un modèle d’entreprise plus que débridé pour répondre, voire créer tout un ensemble de besoins jusqu’au point de non-retour. 

La crise écologique s’intensifie grandement et l’augmentation des températures mondiales participe à toute une série de déséquilibres – déclin de la biodiversité, fonte des glaces, changement des cycles physico-chimiques, hausse et intensification des événements climatiques extrêmes – dont les graves conséquences se dévoilent progressivement aux yeux des terriens, jusqu’à venir impacter leur quotidien et l’ensemble des structures sociales existantes.

Un retour du bâton dont la société se rend compte doucement, mais après plus de 70 années d’alertes et de critiques sur les limites du système économique actuel et de son poids sur l’environnement.

Conscient de leur part de responsabilité dans la crise écologique, les entreprises tentent de montrer leur bonne volonté. Il y a celles, majoritaire dans le système économique actuel, qui misent sur des solutions technologiques afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre tout en faisant comme avant, le business as usual.

Ces solutions technologiques, principalement centrées sur des technologies high-tech sont un sujet critiqué au moins depuis le développement du complexe militaro-industriel et l’invention de la bombe atomique lors de la Seconde Guerre mondiale par Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou Günther Anders pour ne citer que ces personnes. L’Homme est de moins en moins maître des technologies qu’il crée.

Dans l’économie actuelle, cette foi envers les technologies de décarbonation, de compensation, de découplage absolu entre croissance économique et émissions de CO2 prend la forme des technologies de capture du carbone, de technologie de géo-ingénierie pour faire pleuvoir, pour refléter les rayons du soleil, pour modifier génétiquement les espèces…

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Mais dans les faits, ces technologies ne sont que des palliatifs. Leur production et leur fonctionnement consomment des ressources et participent à déséquilibrer d’autres parties du système Terre, en plus de rendre une fois encore les individus, les entreprises, les organismes, plus dépendants des chaînes d’approvisionnement. 

Puis en parallèle, il y a celles qui veulent démontrer leur compréhension de la crise environnementale et sociale en cours. À partir de 3 lettres, R (Responsabilité), S (Sociétale) (des)  E (entreprises) – en d’autres termes l’ensemble des pratiques mises en place par les entreprises afin de respecter les principes du développement durable, être économiquement viable, avoir un impact positif sur la société et respecter l’environnement, les entreprises qui se revendiquent de la RSE tentent de démontrer de leur investissement dans la lutte contre les inégalités et la crise écologique sans pour autant réussir à endiguer la crise. Car la RSE consiste seulement à moins détruire. Mais moins détruire, c’est logiquement continuer à aggraver la crise écologique. Ce qu’il faut c’est restaurer les écosystèmes détruits, sauvegarder et protéger ceux qui peuvent encore l’être et surtout favoriser la régénération de tous les écosystèmes. 

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Qu’est-ce qu’une entreprise régénérative ?

L’entreprise régénérative souhaite aller plus loin encore que les entreprises de la RSE en proposant un nouveau modèle d’entreprise dont les missions seraient de devenir elles-mêmes capables de revitaliser et développer les écosystèmes, les liens sociaux et l’économie locale en retour des ressources extraites. LUMIÅ, un centre de recherche et de formation dédié à l’entreprise régénérative, décrit dans une fiche informative trois “macro-principes” propres à l’entreprise régénérative.

Les “macro-principes » de l’entreprise régénérative

1 – Avoir une approche systémique visant une valeur étendue partagée

Ce macro-principe s’exprime dans une entreprise par la compréhension de sa position au sein d’un écosystème. Une entreprise régénérative se doit de reconnaître l’ensemble des acteurs, économiques, sociaux et naturels et leurs besoins. Cela suppose de participer à réduire les inégalités, à partager justement la valeur et qu’elle ne soit pas seulement destinée aux clients et actionnaires. L’entreprise doit le cas échéant savoir ralentir, se limiter lorsque son activité participe à la destruction nette des écosystèmes.

2 – Développer une conception et des designs bio-inspirés

Une entreprise régénérative cherche à avoir un regard sur l’ensemble de sa chaîne de production afin de réduire les conséquences néfastes de ses activités sur l’environnement. Cela passe d’abord par une production sobre et son intégration à une économie circulaire, et par un usage raisonné des ressources disponibles. Mais une conception durable nécessite également que l’ensemble des acteurs en amont et en aval de l’entreprise aient une production durable. En d’autres termes, que l’ensemble de la chaîne suive les mêmes principes socio-environnementaux. Cette dernière nécessite que toutes les entreprises se revendiquant de l’entreprise régénérative assurent un travail de transparence et rendent compte de leur impact social et environnemental, de leurs objectifs, de leurs pratiques de gouvernance et de leurs résultats en matière de durabilité.

3 – Nourrir les coopérations et les relations

Ce dernier principe vise à la création d’un espace d’inclusivité et de respect au sein des entreprises, et au déploiement d’outils démocratiques donnant la voix à toutes et tous. Il fait appel à une plus grande coopération et coordination des différents acteurs privés avec les autres organismes privés, bien sûr, mais aussi publics, institutionnel, issus des ONG, ou de la société civile.

L’entreprise régénérative représente une nouvelle manière d’imaginer l’économie et les modèles commerciaux, c’est du moins l’objectif que se donnent ses défenseurs. Mais cet idéal nécessite un effort commun d’organisation technique, sociale, économique cohérent avec les limites planétaires. 

Exemple d’entreprises tournées vers l’économie régénérative

Pocheco est une entreprise française fondée en 1928 spécialisée dans la production d’enveloppes, de sachets et de pochettes écologiques.

Guayaki, une entreprise américaine spécialisée dans la vente de boissons énergisantes à base de maté.

Camif, société à mission dans l’aménagement des maisons, est engagée dans la consommation responsable et le « Fabriqué en France ».

Interface est un industriel spécialisé dans les dalles de moquette.