Combien de CO2 émet l’industrie de la mode chaque année ? À quel point la mode contribue-t-elle au réchauffement climatique ? On fait le point sur ce sujet controversé.

La mode est-elle très polluante ? Combien de gaz à effet de serre sont émis chaque année par le secteur ? Difficile de trouver une réponse précise à cette question lorsque l’on interroge les moteurs de recherche.

On trouve en effet tous les chiffres et toutes les emphases : la mode serait l’industrie la plus polluante du monde selon certains, elle émettrait 10% des gaz à effet de serre sur la planète selon d’autres, la mode polluerait deux fois plus que les secteurs aérien et maritime réunis… Mais alors qu’en est-il vraiment ?

Impact carbone de la mode : le fourre tout des chiffres

Le premier constat que l’on peut faire, c’est qu’il est difficile de trouver sur ce sujet des ressources fiables. Soit les chiffres que l’on retrouve ne sont pas sourcés, soit, quand ils le sont, on ne comprend pas vraiment comment ils ont été calculés. Par exemple, de nombreux médias affirment que la mode est l’industrie la plus polluante du monde (ou la deuxième). D’où vient cette idée ? Personne ne sait vraiment. Il semble qu’il ait été issu d’une communication émanant d’un salon dédié à la mode durable… ou d’un film-documentaire sur l’impact de la mode… ou d’un rapport rédigé par le cabinet de conseil Deloitte désormais disparu. Peu importe. L’affirmation continue de circuler, mais elle est fausse. Lorsque l’on regarde la répartition des émissions de CO2 par secteurs dans le monde, il semble évident que la mode ne peut pas être la seconde industrie la plus polluante du monde, si tant est que « polluant » fasse ici référence au CO2. La production énergétique, le transport ou encore la production alimentaire sont largement devant.

De même, on lit souvent que l’industrie de la mode représente 10% des émissions de CO2. Ce chiffre émanerait d’un rapport co-construit par l’UNEP (Le Programme des Nations Unies sur l’Environnement) et la Fondation Ellen MacArthur publié en 2017. On retrouve d’ailleurs ce chiffre de 10% sur le site français de l’UNEP… Mais pas sur le site anglais, qui lui indique 2-8%. Quant au rapport, on n’y trouve pas ce pourcentage, mais une évaluation à 1.2 milliards de tonnes de CO2 par an, ce qui représente en fait plutôt 2 à 3% des émissions globales (selon le périmètre considéré). On y lit par contre que cela représente plus que l’aviation et le transport maritime, sur la base d’une donnée issue d’un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie, datant lui de 2014, mais utilisant des chiffres qui sont depuis très largement obsolètes, puisque l’aviation émet un peu plus d’un milliard de tonnes de CO2 par an en émissions directes (sans compter l’effet climatique des trainées de condensation).

Un manque de données fiables

En fait, il est d’une manière générale assez difficile d’évaluer l’impact carbone d’un secteur économique de façon précise, car tout dépend du périmètre de calcul que l’on utilise. Quand on parle de l’industrie de la mode, y intègre-t-on les émissions de gaz à effet de serre liées au transport des vêtements ? Ces émissions n’appartiennent-elles pas au secteur des transports ? Et dans ce cas, quel sens a la comparaison avec le secteur du transport aérien et maritime ? Comment inclure les émissions liées à la production de la matière première (coton, polyester, lin…) ? Que prend-on en compte, et jusqu’où aller ? Ce type de calculs demande une méthodologie, et des données dont on ne dispose pas toujours.

Dans une industrie aussi diverse que la mode, comment récolter précisément les données des consommations énergétiques, quand elles impliquent des milliers de fournisseurs, travaillant dans des conditions très variables, parfois très opaques ? Comment évaluer l’impact des milliards de produits différents, avec des méthodes de production différentes ?

Résultat, on ne dispose pas d’étude « consensuelle », établie par des organismes scientifiques ou des institutions de référence pour l’impact carbone de la mode, comme on peut en disposer pour le transport ou l’élevage. Il semble donc difficile de trouver une source fiable permettant d’estimer la contribution de l’industrie de la mode au réchauffement climatique.

Quel est vraiment l’impact carbone de la mode ?

La meilleure source disponible d’après nos recherches est un rapport publié par Qantis en 2018, une entreprise privée spécialisée dans l’évaluation des impacts environnementaux. Le rapport estime que l’industrie de la mode au sens large émet environ 3.3 milliards de tonnes de CO2 par an. Ce chiffre représente les émissions liées à la production de la matière première, ainsi qu’à la production textile, son traitement (teintures, par exemple), sa distribution (transport), et sa fin de vie (destruction) mais n’intègre pas les impacts (positifs ou négatifs) du recyclage, ou les conséquences environnementales de l’usage des vêtements (lavage).

L’étude précise que les données sont parcellaires. Par exemple, il a été considéré que toutes les fibres textiles étaient « conventionnelles » au moment d’évaluer leurs émissions. Il n’y a donc aucune prise en compte de matières textiles bio ou éventuellement recyclées ou « upcyclées » dans cette évaluation.

Avec ces informations en tête, que représentent 3.3 milliards de tonnes de CO2 ? Sachant que nous émettons chaque année environ 59 milliards de tonnes de CO2 dans le monde, cela représenterait environ 5.6% des émissions globales. L’étude parle, elle, de 5 à 10%, avec une moyenne autour de 8%, probablement car elle se base sur les estimations d’émissions de l’époque (49 milliards de tonnes).

En bref, la mode est un contributeur important au réchauffement climatique, mais cela reste un secteur moins émetteur que le secteur des transports, celui des consommations énergétiques ou encore la production alimentaire, la construction, etc.

Qu’est-ce qui génère le plus de gaz à effet de serre dans le secteur de la mode ?

L’étude de Qantis permet aussi de mieux comprendre d’où vient l’impact carbone de la mode, ce qui secoue au passage quelques idées reçues. D’abord, on voit que 64% des émissions du secteur sont liées à deux étapes du cycle de vie d’un vêtement : la fabrication du tissu à partir de la matière première (le filage du coton et le tissage du tissu par exemple) et le traitement du textile (teintures et finitions). Le transport, lui, représente environ 1% de l’impact environnemental d’un vêtement, et la production de la matière première (culture du coton par exemple) 15% seulement.

L’essentiel de ces impacts sont liés à l’énergie utilisée pour ces procédés industriels, qui provient essentiellement de la combustion d’énergies fossiles. La production des produits chimiques (teintures par exemple) contribue aussi nettement aux émissions de CO2 du secteur.

Pour réduire l’empreinte carbone du secteur, l’enjeu est donc principalement d’accompagner la transition énergétique (pour faire baisser les émissions de la production textile) et de réduire le volume de vêtements mis sur le marché (pour éviter la surproduction). Hors de ces considérations énergétiques, le lieu de production semble peu déterminant dans l’impact carbone de la mode.

Photo par Lucas Hoang sur Unsplash

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