L’énergie libre : une énergie illimitée, gratuite et facile à produire ? Certains pensent qu’elle existe, mais que les industriels nous la cachent… Qu’en est-il vraiment ? Retour sur le mythe de l’énergie libre et sur le mal qu’il fait à notre environnement.

Lorsque l’on se questionne sur le développement durable et l’écologie, l’une des problématiques les plus importantes est celle de l’énergie. En effet, la plupart des problèmes environnementaux que nous connaissons à l’heure actuelle sont dus à nos besoins en énergie. Ce sont par exemple nos besoins en pétrole qui produisent du CO2, nos besoins en électricité qui nous font produire des déchets nucléaires… Dans ce contexte, la question de savoir comment est produite l’énergie (et donc de la transition énergétique) devient véritablement fondamentale. Or aujourd’hui, les moyens dont nous disposons pour produire de l’énergie sont apparemment limités : qu’il s’agisse de l’énergie de combustion (moteurs) ou de l’électricité, nous ne disposons que de quelques moyens limités pour produire de l’énergie : le pétrole, le charbon, le gaz, le solaire, l’éolien, l’hydraulique, les énergies marines…

Mais s’il existait en fait une forme d’énergie facile à produire, de façon presque illimitée, gratuite… mais qu’on nous le cachait ? Si les industriels de l’énergie avaient volontairement empêché ces sources d’énergie d’être connues du grand public afin de garder leur monopole sur la production d’énergie ? Cette question est à la base des réflexions sur « l’énergie libre ». Mais alors, qu’en est-il vraiment ?

Qu’est-ce que l’énergie libre ?

L’énergie libre est un concept dérivé des théories scientifiques sur l’énergie et notamment de la thermodynamique. L’idée de l’énergie libre, c’est qu’il existerait des formes d’énergie faciles d’accès, abondantes, gratuites et simples à exploiter. On parle ainsi souvent de la possibilité d’exploiter la gravité terrestre, les champs électromagnétiques naturels ou divers phénomènes naturels comme la condensation pour produire de l’électricité. On dit souvent que Nikola Tesla (l’un des scientifiques à l’origine de notre connaissance actuelle de l’électricité) est l’un des premiers à avoir travaillé de façon intensive sur l’énergie libre. Certains prétendent même que ce scientifique aurait dès le début du 20ème siècle déposé des brevets de divers types de moteurs capables de faire avancer des voitures ou de produire de l’énergie à bas coût, en utilisant peu de ressources. Mais il ne serait pas le seul : en effet, lorsque l’on parle d’énergie libre, on voit souvent apparaître les noms de divers inventeurs qui auraient inventé des générateurs d’énergie capables de produire une énergie infinie ou presque, gratuitement.

Aujourd’hui, les réflexions sur le développement durable ont accentué les débats sur les énergies libres. En effet, puisque nos sociétés ont besoin d’énormément d’énergie et que nos modes actuels de production d’énergie sont très polluants et demandent beaucoup de ressources, nombreux sont ceux qui cherchent à inventer de nouveaux modes de production d’énergie, moins coûteux et plus économes… Et cela fait ressortir les questionnements sur l’existence d’une énergie libre ou d’autres formes d’énergies faciles à produire. Ainsi, on a vu se développer des idées de moteurs capables de faire avancer des voitures avec de l’eau, des moteurs capables de reproduire des phénomènes de fission nucléaire à basse échelle à partir de petites quantités d’helium ou d’autres gaz rares, des générateurs utilisant les « champs électriques sans fin » pour produire une énergie illimitée ou encore des scientifiques prétendant être capables de reproduire la fusion nucléaire à froid, dans un tube à essai, pour produire de l’énergie.

Sur quels principes et comment pourrait-on produire de l’énergie libre ?

Tous ces dispositifs fonctionneraient plus ou moins sur le même principe : le principe surnuméraire. L’idée de ce principe, c’est que le dispositif serait capable de produire de l’énergie facilement, mais surtout de produire plus d’énergie qu’il n’en reçoit lui-même pour fonctionner. Par exemple, pour produire de l’électricité, on peut faire tourner une bobine de fils conducteurs autour d’un métal type aimant. La rotation et l’interaction des champs électro-magnétiques produit alors de l’électricité dans les fils conducteurs : c’est sur ce principe que fonctionnent les dynamos. Si on utilise une quantité X d’énergie (égale à 10 par exemple) pour faire tourner la bobine, mais que la bobine en tournant produit une quantité d’énergie supérieure à X (20 par exemple), on aurait alors un dispositif de production d’énergie surnuméraire. Pour peu que le dispositif soit capable de s’alimenter lui même en énergie, et cela donnerait un dispositif capable de produire de « l’énergie libre », infinie et potentiellement gratuite.

Un certain nombre de dispositifs ont fait la une des médias en faisant la promesse de fonctionner sur le principe de la production surnuméraire : le catalyseur d’énergie d’Andrea Rossi, le résonateur à eau (ou Bidule de Dumas) de Jean-Christophe Dumas, les moteurs à mouvement perpétuels, les générateurs de la Fondation Keshe ou les moteurs à plasma type PlasmERG. Tous promettaient de résoudre les besoins en énergie de l’humanité grâce à des dispositifs relativement simples capables de produire de l’énergie de façon infinie. Si cela s’avérait vrai, cela serait effectivement une très bonne nouvelle pour l’environnement puisque cela nous permettrait de mettre fin relativement facilement à nos émissions de CO2.

L’énergie libre face aux lois de la thermodynamique

Mais alors est-ce vraiment possible ? Si l’on en croit les connaissances scientifiques, non. En effet, les transformations et les circulations énergétiques sont régies par des principes physiques qu’on appelle les lois de la thermodynamique. Ces lois sont des règles qu’on ne sait pas expliquer, mais qui sont systématiquement vraies dans la réalité pratique et scientifique. Le premier principe de la thermodynamique est le principe de la « conservation de l’énergie ». Selon ce principe, la quantité d’énergie dans un système est toujours la même, quelles que soient les transformations physiques qui ont lieu dans ce système. En d’autres termes, on ne peut pas « créer » d’énergie. On peut simplement la convertir : par exemple, convertir l’énergie d’un feu en vapeur, qui elle même va faire tourner une bobine pour produire de l’électricité. Mais on ne peut pas créer d’énergie à partir de rien et l’énergie ne disparaît jamais.

La seconde loi de la thermodynamique stipule que « toute transformation d’un système thermodynamique s’effectue avec augmentation de l’entropie globale ». L’entropie, c’est le « désordre » d’un système, ou le degré de dissipation / dispersion de l’énergie dans ce système. Pour simplifier, en termes énergétiques, cela signifie que selon la seconde loi de la thermodynamique, quand une énergie est transformée ou convertie d’une forme à une autre, une partie de l’énergie se dissipe, ou plutôt se convertit en des formes moins ordonnées, moins structurées, qu’il est plus difficile d’utiliser. En d’autre termes, lorsque l’on produit de l’énergie il y a toujours des « pertes » (des dissipations). Par exemple, quand un moteur électrique utilise de l’énergie pour faire avancer une voiture, l’énergie électrique est transformée en énergie mécanique (qui fait tourner le moteur et les roues) mais aussi en chaleur et en friction, formes d’énergie que nous ne savons pas récupérer. De la même façon quand une éolienne produit de l’électricité, l’énergie électrique produite est systématiquement inférieure à l’énergie mécanique du vent, car une partie de l’énergie est dissipée sous forme de frictions.

En résumé, lors de toute réaction physique ou chimique, non seulement l’énergie disponible ex post (à la fin) ne peut pas être supérieure à l’énergie disponible ex ante (au départ), mais l’énergie disponible sous forme utilisable est généralement inférieure ex post car une partie se dissipe.

Bref, si l’on suit ces principes physiques fondamentaux le principe d’une production d’énergie surnuméraire est tout simplement impossible. De ce fait, aucun des dispositifs prétendant produire de l’énergie libre n’a pu fonctionner réellement. Que ce soit les travaux de la Fondation Keshe et son moteur « Magrav » à énergie libre, l’énergie libre par la fusion froide d’Andrea Rossi ou de Pons et Fleischmann, les travaux de Jean-Christophe Dumas, tous ont fini par être démentis par les faits et l’expérience scientifique.

L’énergie libre et le développement durable : la grande illusion qui empêche de voir

Le problème, c’est que ces débats sur l’énergie libre alimentent un idée : celle qu’une solution facile à nos problèmes énergétiques (et donc à nos problèmes environnementaux) existe quelque part. L’idéologie derrière l’énergie libre est la même que celle qui se cache derrière certains projets d’énergie renouvelables ou non : l’idée d’une énergie abondante et facile. Or si une chose est certaine sur le plan physique aujourd’hui, c’est que produire de l’énergie n’est jamais simple, qu’il s’agisse d’énergie renouvelable ou non.

Actuellement, nous avons l’illusion d’une énergie illimitée car nous sortons d’une période d’environ 150 ans où nous avons eu accès à une énergie relativement abondante grâce au pétrole, au charbon et au gaz. Mais il ne faut pas oublier que ces ressources (limitées) sont le produit d’un travail biologique et géologique intense que l’être humain ne peut pas reproduire. Il a fallu des millions d’années à la matière organique constituant le pétrole pour se décomposer et subir les transformations chimiques qui la rendent aujourd’hui utilisable comme énergie. Ces énergies n’étaient donc pas simples, faciles à produire, libres.

Aujourd’hui, toutes nos méthodes de production d’énergie sont complexes : elles reposent sur des technologies très dépendantes des ressources (panneaux solaires, éoliennes, énergies marines, énergie nucléaire) et demandent des infrastructures importantes (centrales, barrages…). L’énergie n’est pas libre et ne peut pas l’être, elle n’est pas simple, elle n’est pas abondante.. Si l’on continue à raisonner en termes de production illimitée ou d’énergie libre, cela nous empêche de voir que le principal problème (du point de vue environnemental) n’est pas de savoir comment produire plus d’énergie, mais comment en produire et en consommer moins.