La révolution de 2011 en Tunisie a fait sauter des carcans. De nouvelles énergies se sont libérées et certaines d’entre elles se sont traduites dans des projets d’entrepreneuriat social alignés avec les principes de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Le mouvement est frémissant mais il est bien là. Ses débuts sont riches d’enseignements et porteurs d’optimisme pour la jeune démocratie arabe.

La faillite de l’Etat tunisien

La création de ces projets répond d’abord à l’échec de l’état à répondre aux besoins essentiels des tunisiens. Suite à la révolution, des coupes drastiques ont été imposées dans les budgets de l’Etat et des collectivités. La qualité des services publics (hygiène, sécurité, transport, école…) a rapidement chuté, au point que certains affichent désormais leur nostalgie du régime de Ben Ali, une période où le coût de la vie était plus faible et les rues plus propres.

L’envie de changer les choses en Tunisie

De nombreux tunisiens ne veulent pas rester les bras ballants devant ce déficit de services publics. Livrés à eux-mêmes, il reste la voie entrepreneuriale. Leur énergie et leur détermination finissent par les pousser à entreprendre.

Développé par Développement Sans Frontière et le Comptoir de l’Innovation, deux structures du Groupe SOS, le Lab ESS, (aussi connu pour son jeu de mot, car « Labess » en Tunisien signifie « Tout va bien »), est une structure témoin de de ce dynamisme.

Selon Mathilde (membre de cet organisme qui promeut l’Entreprenariat Social et l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) en Tunisie) « Il y a une demande d’accompagnement énorme », « Beaucoup de tunisiens veulent faire quelque chose pour leur pays. Ils veulent s’engager pour leur communauté ».

L’ESS est un moyen plébiscité parce qu’il apporte des solutions pérennes aux problématiques sociales et environnementales. La logique de rentabilité permet aux entreprises sociales d’augmenter leur résilience et leur autonomie, conditions essentielles pour durer dans un contexte où l’Etat n’aide plus.

Des projets d’entrepreneuriat social entre modernité et tradition : l’exemple de la broderie

L’entrepreneuriat social et l’économie sociale et solidaire en Tunisie ne se limite pas qu’aux enjeux récents nés du Printemps Arabe. Il propose aussi des réponses nouvelles à des problèmes très anciens.

Un projet incubé au sein du Lab ESS peut l’illustrer. Tilli Tanit est un projet porté par Nejib Bel Hadj, fils et petit-fils, neveu et petit-neveu de brodeuses traditionnelles de Mahdia.

La broderie est un artisanat ancestral en Tunisie, qui se vend mal aujourd’hui car les collections produites ne correspondent plus aux canons de la mode actuelle. De plus, les brodeuses traditionnelles ont des conditions de travail précaires et un revenu très faible, car une grande partie de la marge est captée par les marchands. Conscient de ces enjeux, Nejib Bel Hadj a décidé de créer un espace de co-working ou des brodeuses traditionnelles travaillent avec des designers pour concevoir des collections à la mode. Cet espace veille également à ce que les brodeuses travaillent dans des conditions décentes, avec une rémunération correcte en vendant les produits en direct ou au travers de magasins spécialisés.

Des projets comme celui-ci, il y en a d’autres. Le Lab ESS accompagne actuellement cinq projets et en conseille ponctuellement bien d’autres.

Mathilde garde un bon espoir : « Je suis assez optimiste pour ce pays. Beaucoup de gens se bougent au quotidien. Plein de choses formidables se passent […] j’ai envie de casser les clichés qu’on a depuis la France. Il faut faire passer ce message ».

 

Source photo : page Facebook de Tilli Tanit