Quel est l’impact environnemental des feux d’artifice ? Sont-ils dangereux pour l’environnement ou pour la santé ? On fait le bilan avant le 14 juillet.
Comme chaque année, ce jeudi, la célébration de notre fête nationale sera l’occasion de faire la fête partout dans le pays. Et comme c’est la tradition, le ciel français s’illuminera de feux d’artifice tous plus éblouissants les uns que les autres. Mais les feux d’artifice sont-ils anodins en termes environnementaux ? Sont-ils écologiques ? Sont-ils dangereux pour la planète ? On fait le point pour vous !
Quelle est la composition d’un feu d’artifice ?
Pour comprendre comment les feux d’artifice affectent l’environnement, il faut d’abord comprendre comment ils fonctionnent. Il faut savoir que les feux d’artifice sont essentiellement composés de ce qu’on appelle la « poudre noire ». C’est une forme de poudre similaire à la poudre à canon, qui sert de combustible aux bombes des feux d’artifice. Cette poudre noire varie en composition en fonction des techniques utilisées et des couleurs que l’on veut obtenir, mais elle est toujours composée d’une grande partie de carbone, de souffre et de nitrate de potassium.
Ensuite, on ajoute à cette poudre différents éléments chimiques en fonction du résultat que l’on veut obtenir : du strontium et du lithium si l’on veut que les flammes soient rouges, du baryum et du cuivre si on veut qu’elles soient vertes, ou encore du titane et de l’aluminium pour les explosions argentées. Au total, plus d’une douzaine de composants peuvent être utilisés (zinc, potassium, calcium, sodium, magnésium, fer, souffre, antimoine…).
Pour contenir ces poudres, les artificiers utilisent des tubes, bombettes et contenants de divers matériaux, notamment du carton.
Feux d’artifice : est-ce que ça pollue ?
Avec une telle composition, il semble assez logique que les feux d’artifices soient plutôt polluants. Concrètement, les études menées sur la pollution liée aux feux d’artifice montrent qu’1 kg de poudre noire utilisée pour un feu d’artifice projette dans l’atmosphère 480 grammes de CO2. Pour un feu d’artifice de l’envergure de celui de Paris pour le 14 juillet, qui utilise environ 30 tonnes de poudre (d’après le Ministère des Affaires Etrangères), cela représente donc 14.7 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Soit environ l’équivalent de 91 000 km en voiture. On estime également qu’aux Etats-Unis, les feux d’artifice tirés chaque année émettent 60 000 tonnes de CO2 supplémentaires, soit l’équivalent de la consommation de carburant de 12 000 voitures durant une année. Les feux d’artifice contribuent donc de façon non négligeable au réchauffement climatique.
Mais ce n’est pas tout : les feux d’artifice sont aussi responsables de fortes pollutions aux particules fines. Une étude menée à Montreal a montré que le niveau record de pollution aux particules fines jamais enregistré dans la ville avait eu lieu juste après un feu d’artifice ! Dans une étude relayée par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), on apprend qu’aux Etats-Unis, dans les 24 heures suivant les feux d’artifice du 4 juillet, la concentration moyenne en particules fines (PM 2.5) augmente de 42 à 370 %. Dans les 2 heures suivant les spectacles, la concentration est jusqu’à 4 à 5 fois plus élevée qu’habituellement. Les taux dépassent d’ailleurs largement les taux enregistrés lors des pics de pollution liés à la circulation automobile.
Même à Beijing, où les taux de pollution aux particules fines sont généralement plus élevés, on observe une augmentation par 5 de la concentration en particules fines lors des évènements avec des feux d’artifice.
Les feux d’artifice et les contaminations aux perchlorates, aux métaux, aux plastiques
Les autres problèmes des feux d’artifice, ce sont les substances qu’ils dégagent à l’explosion. Les feux d’artifice contiennent généralement des dérivés des perchlorates, un minéral oxydant dont les effets sur la santé et l’environnement posent encore de nombreuses questions. Dans les années 1990, les agences de santé américaines avaient classé les perchlorates dans la liste des contaminants à surveiller. En France, lors d’une contamination aux perchlorates en Aquitaine, les autorités sanitaires avaient émis des recommandations de prudence notamment à l’égard des personnes sensibles. Les recherches scientifiques sur cette substance montre qu’elle pourrait être liée à des problèmes de thyroïde, des perturbations du système endocriniens et même certains cancers. Or, plusieurs études ont montré que les feux d’artifice entraînaient une contamination des étendues d’eaux près desquelles ils étaient tirés (44 micro-grammes par litre sur le lac d’Oklahoma par exemple, soit 1000 fois la dose normale).
Tous les métaux utilisés pour donner de la couleur aux feux d’artifice ont également un impact sur l’environnement, puisqu’ils se retrouvent dans l’air ou dans l’eau. Les contaminations au cuivre sont susceptibles d’entraîner des taux élevés de dioxine et des problèmes de peaux, les contaminations à l’aluminium sont liées à des problèmes cognitifs et sont suspectées d’augmenter la prévalence de la Maladie d’Azlheimer. Le phosphore, qui est également massivement utilisé dans les feux d’artifice, entraînerait l’eutrophisation des lacs. Ces substances affectent donc aussi la biodiversité locale, peuvent contaminer les poissons, les insectes ou les oiseaux et éventuellement les déchets peuvent entraîner des empoisonnements. On a également constaté que les feux d’artifice entraînaient des émissions dans l’atmosphère de résidus de barium radioactifs…
Bref, l’exposition à des taux anormalement élevés de tous ces métaux peut poser des problèmes à long terme. Il ne s’agit pas de dire qu’un seul feu d’artifice aura des conséquences dévastatrices sur l’environnement, la santé ou la biodiversité, mais que la répétition de ces spectacles peut entraîner des taux de contamination anormalement élevés à long terme. De plus, nous manquons encore de recul et de mesures pour savoir à quel point ces contaminations sont nocives pour l’environnement et/ou la santé.
Les conséquences environnementales et sanitaires des feux d’artifice : cela vaut-il le coup ?
Evidemment, il faudrait aussi considérer une foule d’autres conséquences. Par exemple, tous les métaux et substances utilisés dans les feux d’artifice doivent être produits en exploitant des zones naturelles, notamment les zones montagneuses (pour le perchlorate) ou des mines (pour les métaux). La pollution sonore engendrée par les feux d’artifice est également un problème pour la biodiversité locale qui peut être effrayée, voire blessée par les bruits des feux d’artifice. Par exemple, en 2012 en Arkansas, 5 000 carouges à épaulettes (une espèce d’oiseau de la famille des passereaux) ont été tués à la suite d’un mouvement de panique causé par les sons d’un feu d’artifice. On sait aussi que beaucoup d’oiseaux abandonnent leur nid suite à la peur suscitée par les feux d’artifice, ce qui peut poser de graves problèmes si cela a lieu pendant des périodes sensibles (reproduction, premiers jours des nouveaux nés).
Il faudrait encore ajouter la quantité de déchets de cartons et de plastiques qui sont expulsés autour des feux d’artifice au moment des explosions et qui ne sont pas toujours ramassés à 100% (notamment quand les feux d’artifice sont tirés au dessus d’un fleuve). Une étude suisse estimait que les feux d’artifice tirés en Suisse chaque année entraînaient la production de 1 000 tonnes de déchets plastiques, carton et bois !
Au final, on ne pense pas tellement aux conséquences environnementales de nos feux d’artifice, lorsque l’on est éblouis par la beauté du travail des artificiers. Pourtant, il faut garder à l’esprit que finalement, ces prestations ne sont pas anodines. Elles représentent un vrai danger environnemental et sanitaire, en particulier dans les zones où ils sont répétés plusieurs fois par an. Des alternatives commencent à se mettre en place néanmoins : certains fabricants notamment en Chine (où la question de la pollution causée par les feux d’artifice fait énormément débat), ont commencé à commercialiser des feux d’artifice sans sulfite, sans explosifs, fonctionnant grâce à des technologie à air comprimé. Ils ne sont pas encore 100% green, loin de là, et coûtent 10 fois plus cher que les feux d’artifice classiques, ce qui rend leur commercialisation difficile.
D’un autre côté, on remplace progressivement les feux d’artifice par des spectacles sons et lumières, moins nocifs. Du côté des innovations, on peut aussi parler de l’initiative d’Intel, Drone 100, qui utilise des drones illuminés dansant dans le ciel pour remplacer les feux d’artifice (mais il faudrait encore voir si cela permet d’être moins polluant à long terme…). Il y a donc d’autres manières de célébrer nos fêtes nationales ! Voici une première démonstration de cette initiative :
https://www.youtube.com/watch?v=teQwViKMnxw
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