Le Forum Green and Connected Territories (aussi appelé ville durable et connectée) a fermé ses portes jeudi dernier.
Organisé par l’Association Communication et Information pour le Développement Durable (ACIDD), présidé par Gilles Berhault, l’évènement se tenait à la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) les mercredi 6 et jeudi 7 avril 2011.

A propos de l’organisation du Forum

150 participants étaient présents le premier jour, 130 le deuxième jour. J’ai rencontré une majorité de participants issus du tissu économique local, en grande partie des sociétés de services, mais aussi de nombreuses personnes en association et collectivités locales. Les autres participants étaient plutôt issus de la région parisienne.
Selon moi, les participants présents étaient presque tous initiés au principe du développement durable, aux enjeux territoriaux et aux aspects réglementaires relatifs à l’environnement. Les attentes de chacun étaient surtout de networker, d’aller plus loin sur une réflexion co-construite lors des ateliers-conférences, et de connaître de nouvelles pratiques innovantes.
L’évènement était organisé par les membres de l’ACIDD, épaulé par des étudiants de la région, et aidé financièrement par des sponsors tels qu’Orange ou Cisco.
A mon humble avis, trop peu d’étudiants étaient présents, et le forum aurait mérité de faire participer plus de blogueurs pour mieux relayer l’évènement auprès du grand public ou des personnes non présentes.

Cet article est un compte rendu non exhaustif de l’évènement, fondé sur ce qui m’a le plus marqué et sur les comptes rendus donnés en direct par les autres participants sur Twitter.

De nouveaux Buzzwords à venir ?

J’ai entendu plusieurs fois des termes que je ne connais pas ou peu. En voici quelques-uns

Effet rebond

Dans le contexte du Forum, ce terme correspond à une augmentation de la consommation d’énergie supérieure à une réduction liée à une innovation. Un exemple pourrait être au niveau des smartmeters. L’usage de ces boitiers, à l’origine de réductions de consommations d’énergies pourraient venir consommer plus d’énergie que la réduction dont ils sont à l’origine.

Un contre exemple a été apporté par Denis Guibard, Directeur Développement Durable du groupe Orange, relatif aux nouvelles technologies. Aujourd’hui en France, les TIC sont à l’origine de 2% des émissions de CO2 en France. Cependant, selon une étude d’Orange, les TIC pourraient être à l’origine d’une réduction de 7% des émissions de CO2.

Economie à usage localisé

Le terme désigne toutes les initiatives lancées au niveau local, qui ont un impact sur le paysage local. L’exemple le plus clair est au niveau des AMAP. La production locale de fruits et légumes est vendue à des consommateurs locaux, et bénéficie aux acteurs locaux (création d’emploi, utilisation des sols et de bâtiments locaux, etc.)

Coopétition

Ce terme désigne la contraction d’une compétition et d’une coopération. C’est la réunion d’intérêts économiques en théorie en concurrence, mis au service de l’innovation, pour créer plus de valeur ou de performance et dégager des avantages concurrentiels par rapport à d’autres entreprises ou régions.

Exemplarité

Ce terme est beaucoup revenu dans le cadre de la gestion et de l’adoption du changement pour le développement durable. En effet, il semble nécessaire que les politiques, collectivités locales et sociétés montrent les voies du changement pour influencer l’utilisateur final. Sinon, comment demander à des citoyens de changer leurs habitudes ou d’adopter de nouveaux gestes si une volonté politique forte n’est pas impulsée par le haut ? Comment demander à des employés d’adopter la mobilité durable lorsque le PDG se déplace toujours en voiture à grosse cylindrée ?

Usager ! Le grand oublié du Forum

Je reprocherais un manque de vision « bottom-up » dans les propos tenus lors du Forum. En effet, les speakers étaient majoritairement d’un haut niveau hiérarchique, experts du milieu, convaincus, et se retrouvaient face à des participants tout autant convaincus et haut placés.

Quid de l’usager « lambda » ? Selon moi, les visions et projets partagés manquaient cruellement d’études sur l’adoption des utilisateurs, de retours terrains, de vraies best-practices… en quelque sorte… de pragmatisme.

Les smartmeters, c’est super, ils sont capables de réduire considérablement les consommations énergétiques, de rentrer dans les objectifs, du Grenelle… mais concrètement, comment motiver les usagers à adopter ces boitiers, à s’intéresser à leur facture, à les accompagner sur la réduction de leur consommation ? Ce type de sujet a été trop peu abordé lors du Forum.

A propos de la région Alsace et des participants

Je ne citerai pas l’intégralité des participants à l’évènement, cependant je noterai une forte présence de la Communauté Urbaine de Strasbourg dans les débats. J’ai noté entre autres que la CUS a développé une marque pour renforcer l’attractivité et la visibilité de Strasbourg : The Europtimist.

La prise de parole de Bettina Laville, avocate et experte en énergie et environnement, a été fortement remarquée et appréciée des participants sur Twitter.

J’ai particulièrement apprécié la prise de parole pragmatique de Florence Durand Tornare de l’association Villes Internet. L’association propose des outils tangibles pour mettre en réseau la société, et compte désormais 1300 collectivités locales membres en France.

A propos des réseaux sociaux et des territoires numériques

Les réseaux sociaux. Je n’ai pas participé au précédents forums, cependant j’ai noté que la notion de réseau social s’est souvent retrouvée au coeur des débats comme facteur accélérateur du changement. Selon Gilles Berhault, « les réseaux sociaux changent notre quotidien et la manière dont nous vivons dans les territoires ». Je ne peux qu’aller dans son sens. Au niveau national ou international, les réseaux sociaux permettent une propagation forte de l’information et le regroupement des individus par affinités, peu importe le lieu de connexion. Selon Richard Collin « le monde devient un gigantesque lieu de communication ». Au niveau territorial, ils permettent de fédérer les citoyens sur des problématiques précises, en temps réel.

La téléphonie mobile et les smartphones ont peu été abordés. Peut-être cette révolution sera-t-elle au centre du prochain forum ?

Quelques visions des TIC dans les territoires. La notion de TIC était souvent abordée comme un moyen d’inciter et d’accompagner le changement, les collectivités devant faire figure d’exemplarité en la matière. Pour Bruno Janet d’Orange, le numérique est à la fois un facteur d’innovation, mais aussi de développement durable. En la matière, Andrée Buchmann de la CUS propose une vision globale pour permettre l’accès aux TIC dans les territoires : des chantiers sur les services, les usages et les infrastructures. Cependant, de nombreux intervenants ont mis l’accent sur la fracture numérique en France, telle Bettina Laville pour qui « les TIC doivent être facteurs d’égalité sociale, pas de différences ». Une des explications peut venir de Catherine Trautmann, à l’origine d’une comparaison entre les vitesses de changement d’une société avec TIC, contre la vitesse de prise de décision politique, toujours trop lente.

Quelques exemples concrets. Bruno Janet, directeur collectivités locales chez Orange a eu l’occasion de partager 4 exemples en matière de TIC dans les territoires.

  1. Des cartes sans contact NFC ont été lancées dans la ville de Strasbourg pour réduire le nombre de cartes des citoyens
  2. Orange a récemment mis en place un partenariat avec Plastic Omnium pour optimiser les tournées de camions et permettre une tarification incitative sur les déchets des citoyens en collectivité
  3. A Besançon, la ville a bénéficié de la création d’un réseau intelligent pour repérer le mobilier urbain détérioré et gagner en performance sur les réparations, sans obligatoirement faire déplacer une équipe d’intervention
  4. Orange et Emmaüs. La mise en place d’un partenariat pour la collecte et le traitement des téléphones mobiles usagés a permis de créer 20 emplois pour l’association

Dans la métropole de Rennes, quelques exemples permettent de sentir la proactivité de la région en faveur des TIC pour le développement durable.

  1. La ville a été la première à proposer gratuitement toutes les données de la collectivité publiquement (opendata). Grâce à cette initiative, 43 applications ont pu être réalisées par des sociétés ou citoyen, sans impliquer de surcoût pour la collectivité
  2. Un smartmeter est lancé en version Alpha pour quelques testeurs. Le matériel et le software seront distribués en mode opensource, à retrouver ici
  3. Rennes a récemment créé une « Cantine« , un espace de coworking et d’évènements déjà lancé à Paris. Résultat, en l’espace de 90 jours, le lieu a permis de lancer plus de 83 évènements et d’accueillir des centaines de travailleurs et curieux. L’accent a été mis sur la simplicité de cette gestion d’espace, intégralement géré par un Wiki.

L’ARCEP quant à lui réalise actuellement une étude prospective sur les territoires Numériques, à publier l’an prochain.

Sur le coté prospectif de la ville et société de demain

De quoi est fait notre futur ? Selon Richard Collin, « la ville doit favoriser la création ». L’intervenant a proposé une étude prospective d’ARAVIS sur le travail dans 30 ans.

Toujours sur le plan prospectif, le terminal mobile a été un peu abordé, proposant qu’il sera sans doute une source d’intégration des populations à l’Internet plus forte que l’ordinateur, notamment chez les personnes âgées. Selon Pierre Perez, du DUI,  il est nécessaire de « construire un fonds financier pour les solidarités numériques ».

A propos des investissements au niveau local et national

Quelques chiffres de la Caisse des Dépôts ont été partagés lors du Forum. A savoir que 250 millions d’Euros vont être investis dans les smartgrids dans le cadre du grand emprunt, désormais rebaptisé programme « investissements d’avenir« . Pour les systèmes de transports innovants et ville numérique, 2,25 milliards d’Euros vont être investis.

A la suite des séances plainières, j’ai pu participer à plusieurs débats-conférences. J’ai eu un intérêt particulier pour deux thèmes centraux du Forum Green And Connected Territories : les smartgrids et les tiers lieux.

A propos des Smartgrids et Smartmeters

Ces boitiers intelligents sont encore peu présents en France. Pourtant, les enjeux sont de taille en matière de réduction des consommations énergétiques des habitats. Nous sommes actuellement sur une moyenne de consommation énergétique de 150KW/m2 en France. L’objectif est d’atteindre une consommation énergétique de 50KW/m2 en 2020. Si l’isolation de l’habitat est un facteur de taille, il est aussi important de mesurer et contrôler les consommations, à adapter selon nos besoins réels. C’est le rôle des smartmeters et des smartgrids.

Je parle souvent des nudges sur ce blog, ces petits coups de pouce qui permettent de changer rapidement les comportements de citoyens et des consommateurs. Les smartmeters semblent bien répondre à cette dénomination. Une étude a montré qu’une fois un smartmeter mis en place, on constate une diminution immédiate de -15% sur les consommations d’énergie. Sur l’eau, le fait de voir défiler un compteur au niveau d’un robinet permet de réduire par 3 la consommation d’eau d’un ménage. Cependant, si l’affichage est important, l’accompagnement est essentiel. Le sujet a été peu abordé lors du Forum.
Un exemple. Veolia et Orange ont récemment créé m2o city, pour relever les consommations d’eau et les données environnementales des foyers

A propos des notions de tiers lieux

J’ai relevé quelques faits intéressants sur ces tiers lieux (un nouveau mot pour moi), désignant la famille de lieux qui permettent aux individus de travailler en dehors de son lieu de travail habituel, sans être pour autant chez soi. On retrouvera dans cette famille les écocentres, les télécentres, les espaces de Coworking tels qu’évoqués plus haut, on encore les bars et restaurants qui peuvent ponctuellement dépanner un travailleur.

Un fait majeur a été relevé par une étude de Régus : 55% des bureaux en moyenne sont inoccupés. Ce type de piste pourrait voir naitre de nouveaux types de télétravail, non pas chez soi, mais par exemple dans une autre entreprise. Cependant, selon Régus, le vrai frein à la mobilité des travailleurs repose sur deux plans : un stress potentiellement accru, et une peur de l’exclusion sociale entre le travailleur et l’entreprise.
Un exemple. Un projet est en cours d’élaboration en région Alsace pour transformer un projet fonctionnel de maison à ossature bois à 100 000 €, pour le transformer en un écocentre à 100 000 €. L’application peut être la création de ces maisons facilement constructibles dans des villages ou villes éloignées des lieux de travail.

Quelques informations et chiffres marquants en vrac :

  • Il y a plus de connexions Internet dans la ville de New-York qu’en Afrique entière
  • Un projet de visioconférence lancé pour Pôle Emploi en Auvergne a permis de faire passer le taux de non présence aux entretiens individuels de 50% à 20%. L’origine de l’absence venait d’un éloignement des demandeurs par rapport à leur agence Pôle Emploi (souvent supérieur à 50 Kms)
  • 64% des entreprises dans le Rhin ramènent leur matériel informatique au distributeur en fin de vie
  • 7% des déplacements à Strasbourg sont fait en vélo
  • les TIC sont à l’origine de 2% des émissions de CO2 en France, équivalentes à l’aviation civile
  • 20% de la population française peut être raccordée en France pour du très haut débit. Cependant, seulement 5% des français sont équipés de fibre optique

Avez-vous participé ? Quels sont les faits les plus marquants de l’évènement selon vous ?

A voir aussi :

Sources : speakers lors du Forum Green And Connected Territories, fil Twitter

Images : moi :-), CUS – The Europtimist
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