L’hydrogène, présenté comme un vecteur énergétique « vert », pourrait en fait constituer un polluant atmosphérique aggravant le réchauffement climatique, d’après des chercheurs de l’Université de Princeton.
Pour accomplir la transition écologique, nous allons devoir abandonner les énergies fossiles rapidement dans tous les secteurs de l’économie. Pour cela, des sources d’énergie alternatives peuvent constituer une partie de la solution : le recours aux énergies bas carbone et renouvelables, les biocarburants et biogaz, ou encore l’hydrogène constituent quelques exemples.
Cependant, ces énergies alternatives ont des avantages, mais aussi des inconvénients. Dans le cas de l’hydrogène, l’enjeu est évidemment de savoir comment cet hydrogène est produit, et pour quoi il sera utilisé, pour savoir si l’hydrogène vert sera réellement écologique. Mais l’hydrogène pourrait poser d’autres problèmes.
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L’hydrogène : un gaz à effet de serre ?
Certains chercheurs ont en effet montré que l’hydrogène, lorsqu’il se retrouve dans l’atmosphère, interagit avec les autres gaz et pourrait aggraver le réchauffement climatique. Il ne s’agit pas ici de dire que l’hydrogène serait un gaz à effet de serre, car l’hydrogène n’a pas d’impact direct sur l’effet de serre. En revanche, lorsqu’il se retrouve dans l’atmosphère, l’hydrogène peut modifier l’effet d’autres gaz, et donc avoir une influence indirecte sur le réchauffement climatique. En ajoutant de l’hydrogène dans l’atmosphère, on peut donc perturber l’équilibre des gaz à effet de serre, et notamment ralentir la dégradation du méthane dans l’atmosphère.
Le méthane se dégrade en effet naturellement dans l’atmosphère lorsqu’il est oxydé par une molécule, le radical hydroxyle (radical OH). Mais ce radical interagit aussi avec l’hydrogène. Plus il y a d’hydrogène dans l’atmosphère, notamment dans ses couches basses, moins il reste de radical OH pour les réactions d’oxydation du méthane. En résumé : plus d’hydrogène dans l’atmosphère = plus de méthane dans l’atmosphère. L’hydrogène interagit également avec d’autres gaz à effet de serre, l’ozone et la vapeur d’eau notamment. Résultat, ces effets combinés en font un gaz à effet de serre indirect au pouvoir de réchauffement global de 11 (soit 11 fois plus réchauffant que le CO2).
L’hydrogène peut-il être une solution au réchauffement climatique ? Cela dépend, notamment, des émissions d’hydrogène qui auront lieu au sein de la filière. Si la transition vers l’hydrogène permet de remplacer des énergies fossiles d’un côté, mais qu’elle génère des émissions d’hydrogène atmosphérique, il n’est pas sûr que le bilan soit positif. C’est ce que des chercheurs de l’Université de Princeton, ont donc voulu évaluer dans une étude publiée dans la revue Nature Communications.
Les émissions d’hydrogène dans l’atmosphère
Il faut en effet comprendre que l’hydrogène est un gaz extrêmement volatil, la plus petite molécule existante. Il est donc extrêmement difficile de stocker l’hydrogène, et de nombreuses fuites peuvent avoir lieu à toutes les étapes de la production, du stockage et du transport de l’hydrogène. Si l’on fait la transition vers des systèmes de production utilisant l’hydrogène, il faudra donc veiller à ce que les éventuels bénéfices climatiques de l’hydrogène ne soient pas annulés par des fuites qui contribueraient à aggraver la crise climatique.
Les calculs des chercheurs montrent que si nous faisons la transition vers l’hydrogène pour remplacer les énergies fossiles dans certains secteurs, l’effet global sur le climat sera négatif si 9% ou plus de l’hydrogène « vert » produit s’échappe vers l’atmosphère.
Concernant l’hydrogène bleu, produit à partir de méthane, ce chiffre descend à 1%. Ce ne sont bien sûr que des estimations, fondées sur un certain nombre d’hypothèses techniques, économiques et sociales. Mais elles montrent qu’il faut être très vigilant sur les fuites d’hydrogène si on veut que ce vecteur énergétique contribue effectivement à limiter le réchauffement climatique.
Gérer les fuites d’hydrogène
Or, au fur et à mesure que la filière se développe, cet enjeu des fuites va devenir de plus en plus important. Or gérer les fuites de gaz n’est pas simple : dans l’industrie du gaz naturel, pourtant très ancienne et bien structuré, on estime que les fuites de méthane équivalent à environ 1 à 5% de la production, certaines évaluations montant à 6-8%. Difficile d’évaluer l’ampleur des fuites sur la filière hydrogène, encore balbutiante, mais d’ores et déjà des scientifiques de l’Université de Columbia ont fait des estimations : près de 5.6% de l’hydrogène pourrait « fuiter » en 2050.
Difficile toutefois de prévoir : les technologies de la filière hydrogène sont encore en plein développement. Et de nombreuses applications pourraient voir le jour compte tenu des investissements massifs dans l’hydrogène. Sans planification et orientation du secteur, on pourrait voir des projets se monter dans de nombreuses industries, dans le transport, la chimie et bien-sûr l’énergie. Dans chacun de ces secteurs, il y aura des risques de fuites. Mais seront-ils anticipés et gérés par les industriels ? Pas sûr, quand on connait la propension des acteurs économiques à anticiper les externalités négatives de leurs activités.
On le voit encore aujourd’hui dans la filière gaz et énergies fossiles : les études montrent régulièrement que les fuites sont plus importantes que prévues sur les sites de production. Des sites d’extraction de pétrole ou de gaz continuent de générer des fuites de méthane, y compris après l’arrêt de leur exploitation, et constituent aujourd’hui un gros problème climatique. Il faudra éviter de laisser la filière hydrogène tomber dans les mêmes dérives, avec sans doute une bonne dose de réglementation. Mais encore faudra-t-il que les régulateurs l’anticipent, pour éviter que l’hydrogène ne soit finalement une fuite en avant.
Photo de Frantzou Fleurine sur Unsplash
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