Avion, voiture, viande, streaming ? À quel geste seriez-vous prêts à renoncer pour le climat ? Retour sur le sondage mené par la Banque Européenne d’Investissement dans plusieurs pas en Europe, en Chine et aux Etats-Unis.

On le sait, l’écologie passera par certains renoncements. Pour le climat, c’est notamment aux énergies fossiles qu’il faut renoncer, mais par extension, cela signifie bien souvent renoncer à certains aspects de nos vies. L’omniprésence de la voiture, de l’avion, par exemple. Pour éviter les émissions de CO2, il est aussi clair qu’il faudra renoncer à consommer autant de viande qu’aujourd’hui, étant données les émissions de méthane du secteur de l’élevage.

Mais dans la pratique, quels sont les gestes auxquels les citoyens du monde sont prêts à renoncer ? Quels gestes semblent le plus difficiles à abandonner ? C’est ce qu’a voulu savoir la Banque Européenne d’Investissement à travers son récent sondage. Tentons d’en tirer quelques enseignements.

Quels gestes seraient les plus faciles pour le climat ?

Le sondage a proposé à des panels de citoyens de répondre à des questions sur cinq gestes du quotidien : manger de la viande, prendre l’avion, regarder des vidéos en ligne, l’achat de vêtements et la voiture individuelle. Plus précisément, l’enquête cherchait à savoir auxquels de ces gestes les sondés seraient prêts à renoncer et ceux auxquels ils étaient le plus attachés.

Le premier constat, c’est que le geste auquel les citoyens semblent pouvoir le plus facilement renoncer est le fait de prendre l’avion, et ce, partout dans le monde. Ne plus prendre l’avion semble le geste le plus acceptable pour 40% des Américains ou des Français, 43% des Chinois, mais aussi 48% des Hongrois, des Slovaques et même 51% des Croates.

Viennent ensuite le fait de renoncer aux vidéos en streaming, aux achats mode, ou au fait de manger de la viande. 22% des Américains seraient prêts à renoncer à la vidéo en streaming, ainsi que 18% des Européens et 13% des Chinois. Concernant la viande, 14% des Américains, 16% des Européens et 15% des Chinois disent pouvoir l’abandonner facilement.

Dans la plupart des pays, très peu de sondés sondés répondent qu’ils pourraient se passer facilement de la voiture. Seuls 11% des Européens, 8% des Américains et 15% des Chinois estiment que ce serait le geste le plus facile.

Climat : le totem de la voiture

Lorsque l’on pose la question dans l’autre sens, et qu’on demande aux sondés à quel geste ils auraient le plus de difficultés à renoncer, la voiture arrive donc logiquement en tête. Près de 39% des Européens voient dans le renoncement à la voiture le geste le plus difficile. C’est également le cas de 38% des Américains. On voit que pour beaucoup de citoyens, la voiture reste donc un totem intouchable.

Pourtant, le transport en voiture émet très largement plus de gaz à effet de serre que le transport aérien à l’échelle mondiale, et en particulier dans les pays développés. En France, où 41% des Français disent ne pas vouloir renoncer à la voiture, le secteur des transports est le premier émetteur de CO2, et la voiture individuelle représente à elle seule près de 55% des émissions du secteur.

En Chine, en revanche, c’est renoncer à la viande qui semble le plus difficile, pour 35% des Chinois.

Climat : quelques ordres de grandeur

Ces données permettent d’avoir un regard intéressant sur les perceptions citoyennes au sujet des gestes climat. Mais elles invitent également à une prise de recul.

D’abord, il faut avoir conscience que ces différents gestes n’ont pas du tout le même poids dans le problème climatique. La voiture est de loin le geste ayant le plus d’impact sur le climat parmi ceux qui sont proposés aux sondés. Le transport représente aujourd’hui près de 14% des émissions de CO2 en ne comptant que les émissions directes (la consommation d’essence), sans même prendre en compte les émissions induites par la fabrication des voitures, des infrastructures, des routes etc…

La consommation de viande arrive en seconde position, l’élevage étant responsable à lui seul de près de 6% des émissions de CO2 mondiales (là encore, sans compter les émissions indirectes, voir à ce sujet : Élevage ou transport : lequel émet le plus de CO2 ?). L’avion, le numérique et les achats mode arrivent derrière, à moins de 2-3% des émissions de CO2 mondiales.

On constate donc, malheureusement, que les gestes jugés les plus faciles ne sont pas ceux qui ont nécessairement le plus d’impact à l’échelle globale.

Renoncer ou réduire ?

D’autre part, les résultats obtenus peuvent être nuancés sur plusieurs points.

Par exemple, il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que les voyages en avion constituent un renoncement facile pour beaucoup de citoyens. Les voyages en avion ne représentaient en 2016 que 8% des trajets touristiques des Français : c’est un mode de transport encore très souvent réservé à une population privilégiée, et la plupart des citoyens ne prennent en général pas vraiment l’avion. Il est donc simple pour eux d’y renoncer, et cela ne dit donc pas grand chose de l’ambition climatique des sondés.

Inversement, renoncer à la voiture semble évidemment un geste insurmontable dans la mesure où nous vivons dans des systèmes sociaux conçus très largement autour de la voiture. La question invite donc forcément à une réponse tranchée. Il serait intéressant de savoir aussi dans quelle mesure les sondés seraient prêts à réduire leurs déplacements en voiture, ou à remplacer leurs véhicules par des alternatives moins polluantes, comme la voiture électrique (voir à ce sujet : La voiture électrique est-elle vraiment écologique ?).

Ce résultat démontre aussi encore une fois à quel point les gestes individuels sont secondaires dans la transition écologique. Sans une politique urbaine et sociale ambitieuse permettant à la majorité des citoyens de se passer de voiture, il sera difficile de prétendre réduire l’impact climatique de nos déplacements.

D’autre part, les résultats du sondage n’ont pas les mêmes implications selon les pays. 35% des Chinois déclarent qu’il leur serait difficile d’abandonner la viande, mais les Chinois n’en consomment « que » 50 kg par an et par habitant. Soit deux fois moins que les Américains. L’enjeu de la consommation de produits d’origine animale n’a pas la même ampleur dans les deux pays. Là encore, il serait intéressant d’observer dans quelle mesure les citoyens seraient prêts à réduire leur consommation de viande, sans l’abandonner totalement.