Et si on sortait un peu plus tôt du travail ? Si nos horaires de boulot étaient moins longs au quotidien ? Les conséquences pourraient être positives pour la santé comme pour la productivité.
Alors que de de plus en plus de discours politiques et économiques appellent à travailler plus, d’autres s’interrogent : et si, au contraire, on travaillait moins ? Alors que les entreprises sont de plus en plus marquées par le burn-out, brown-out, bore-out et autres quiet quitting, on peut en effet s’interroger : est-ce qu’on ne travaille pas trop, et trop mal ?
La réduction du volume quotidien de travail est de plus en plus discutée, essayée, dans les entreprises et même à l’échelle de certaines régions ou de certains pays. Mais alors, quelles sont les conséquences de ces journées de travail plus courte sur la productivité ? Et sur la santé des salariés ? Et si travailler des journées plus courtes permettait d’être à la fois mieux dans sa vie, mieux dans son travail, mais également de booster la productivité des entreprises ?
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Des journées de travail plus courtes : pourquoi nous travaillons 8 heures par jour ?
La journée de 8 heures est devenue au cours du 20ème siècle le schéma traditionnel des travailleurs. Nous débutons la journée à 9 heures, pour la finir entre 17 et 19 heures (selon le temps de pause repas), et effectuons environ 8 heures de travail quotidien. Mais pourquoi 8 heures ? Cette idée qui nous semble aujourd’hui si évidente est héritée d’un simple slogan qui a près de 200 ans.
C’était les débuts de la révolution industrielle, et les entreprises étaient florissantes grâce notamment à la force de travail de leurs salariés. Les entreprises poussaient alors ces salariés à travailler le plus possible : jusqu’à 12 voire 15 heures par jour. Un entrepreneur et penseur social, Robert Owen, eut alors l’intuition qu’il serait plus productif pour une entreprise d’avoir des salariés plus heureux et en meilleure santé plutôt que des salariés épuisés par des journées intenables. Il lança un programme social pour améliorer la qualité de vie de ses salariés, baisser leurs heures de travail, mettre fin au travail des enfants. En 1817, il lança un slogan « 8 heures de travail, 8 heures de récréation, 8 heures de sommeil« , un programme supposé symboliser l’équilibre d’une journée de travail. Ce slogan devint même celui de la 1ère Internationale Ouvrière.
200 ans plus tard, en 2016, les entreprises fonctionnent toujours sur ce principe, un principe développé il y a 200 ans pour soulager des ouvriers précaires de l’exploitation. Et bien évidemment, aujourd’hui, de plus en plus d’entrepreneurs et de salariés se demandent si un principe aussi archaïque est aujourd’hui toujours adapté à notre monde du travail, radicalement différent de celui de 1817. C’est notamment le cas de la Suède, qui a lancé un programme de journées de travail de 6 heures. Et la science semble leur donner raison !
Des journées de travail plus courtes : une nécessité biologique
En effet, l’idée de travailler 8 heures consécutives dans la journée est en complète contradiction avec la façon dont fonctionne notre corps. En effet, notre organisme est incapable d’être productif durant 8 heures consécutives, notamment à cause de ce que l’on appelle le « rythme circadien », c’est à dire nos cycles biologiques quotidiens. La façon dont notre corps réagit au cours de la journée dépend de nombreux facteurs : nos hormones, notre alimentation, notre exposition à la lumière du jour… Et ce que les scientifiques qui étudient ces questions ont constaté, c’est que nous avons un rythme biologique très particulier. Ainsi, nous sommes productifs à certains moments de la journée sur le plan intellectuel et à d’autres sur le plan physique. Et à d’autres moments, nous ne sommes pas productifs du tout.
Par exemple, on sait que le corps humain a deux pics de productivité dans la journée. Le premier a lieu en milieu-fin de matinée : après le réveil, le cerveau s’active progressivement, et devient très actif avant midi (jusqu’à 13 heures en moyenne). S’en suit alors une période où le cerveau est peu productif (jusqu’à 15-16 heures). Puis le corps se réactive progressivement et arrive à un maximum de productivité (sur le plan physique) jusqu’à 17-18 heures. En résumé : le corps est fait pour réfléchir le matin, faire des tâches nécessitant peu de concentration en début d’après-midi, et des tâches physiques en fin d’après-midi début de soirée. Certains suggèrent que le corps a également un pic de créativité le soir vers 21 heures. Bien sûr, ces rythmes ne sont pas toujours exacts, ils peuvent dépendre des individus, de leur heures de sommeil ou de leur rythme alimentaire. Mais c’est globalement un mode de fonctionnement normal pour un corps humain.
Lorsque l’on travaille de 9 heures à 18 heures à un bureau, avec une pause de 12 h à 13 h par exemple, on est donc en complète contradiction avec notre rythme naturel. D’abord, on est en pause repas exactement au moment où notre cerveau est le plus actif. Ensuite, on passe pratiquement un tiers de sa journée (de 13 heures à 16 heures) à travailler au moment où notre corps est le moins productif… Finalement, il n’y a que le matin (là où nous sommes globalement plus productifs) que nous sommes en adéquation avec notre rythme.
Et puis surtout, de plus en plus d’études tendent à prouver qu’un individu ne peut focaliser son attention sur un travail intellectuel que pour une durée limitée ! Certaines études parlent de 52 minutes consécutives, d’autres 1 h 30… Mais globalement, les résultats montrent que sur une journée, nous ne sommes réellement productifs sur le plan intellectuel que 6 heures environ, et à condition de faire les bonnes pauses.
Moins d’heures de travail pour des journées plus productives : quel temps de travail idéal ?
Ces constatations théoriques, beaucoup d’entreprises et de salariés en font l’expérience dans la pratique : on sait par exemple que les employés qui travaillent 8 heures ou plus dans la journée sont en moyenne moins productifs que ceux qui travaillent moins. Ils sont moins performants aux tests cognitifs, moins performants aux tests intellectuels, notamment à cause de la fatigue cérébrale qui s’accumule. Être au bureau plus de 8 heures par jour est associé à une plus mauvaise santé générale, avec un risque 40% plus élevé de développer des maladies cardiaques ou des maladies liées au stress. Une autre étude menée par le Laboratoire sur la Santé et la Sécurité du Royaume-Uni montre que de longues heures de travail induisent fatigue, stress, maux de tête, désordres cardiovasculaires (attention, les « longues heures » incluent le temps de trajet !). Certaines recherches vont jusqu’à dire que travailler plus de 8 heures par jour assis à un bureau est aussi mauvais pour la santé que de fumer du tabac.
On constate que les pays où les temps de travail sont les plus élevés en moyenne sont aussi ceux où la productivité est la plus faible. Et ceux où les journées de travail sont les plus courtes sont les plus productifs. Et c’est peut-être un hasard, mais ces pays sont aussi ceux où la qualité de vie au travail est la plus élevée, et également ceux où la qualité de vie générale est la meilleure. Et le constat est le même pour les entreprises : celles qui imposent des horaires quotidien de travail longs sont aussi celles qui sont les moins productives.
Au final, les scientifiques s’accordent globalement sur le fait que le temps de travail quotidien idéal se situerait plutôt autour de 6 heures, et plutôt concentrées le matin. C’est ce qui est mis en pratique en Suède, et rencontre pour l’instant un succès significatif. Ainsi, les travailleurs profitent des heures où ils sont le plus productifs pour travailler, et concentrent l’après-midi d’autres activités quotidiennes (notamment sociales, sportives et culturelles). Cette liberté permet aux salariés de mieux gérer leur fatigue, leur équilibre vie privée et vie professionnelle (fondamental pour la productivité) et permet aussi de redécouvrir la vie quotidienne en dehors du travail. Les experts en psychologie ont d’ailleurs montré que ce mode d’organisation du temps de travail (des journées de travail courtes ponctuées de courtes périodes de vacances) est celui qui rend les salariés les plus heureux, plus par exemple que de travailler plus longtemps en prenant des vacances plus longues. Il vaut donc mieux travailler moins au quotidien et prendre de petites vacances fréquentes, d’autant plus que de longues vacances semblent avoir un effet néfaste sur l’humeur et la productivité !
En résumé, ce que dit la science aujourd’hui, c’est que tout notre mode d’organisation du temps de travail est inadapté à notre physiologie. Plutôt que de travailler longtemps chaque jour, nous devrions travailler moins longtemps et de façon plus intense et concentrée. Plutôt que de passer toute notre journée au bureau, nous devrions fragmenter notre temps de travail, et le concentrer plutôt le matin. Plutôt que de travailler dur toute l’année dans l’espoir de prendre de longues vacances au mois d’août pour avoir le plaisir de tous se regrouper sur la plage, nous ferions mieux de prendre le temps de vivre au quotidien et de prendre des vacances plus courtes plus fréquemment tout au long de l’année.
Alors si vous voulez être plus productif, plus heureux et en meilleure santé, c’est le moment d’adopter un mode de vie différent. Et de moins passer vos journées au travail !