Selon un récent baromètre, 75 % des salariés des grandes entreprises ressentiraient un malaise face à l’inaction de leur entreprise dans la lutte contre la crise environnementale et la croissance des inégalités. Six salariés sur dix envisageraient même de quitter leur entreprise pour ces raisons.
Un travail qui a du sens. C’est la quête actuelle de nombreux salariés à l’heure de la crise environnementale, de l’érosion de la biodiversité et d’inégalités sociales exacerbées. Une quête qui amène de plus en plus de salariés à questionner le rôle des entreprises dans la transition écologique, mais aussi leur place dans leur entreprise, voire dans la société.
Les récents mouvements « jeunes », à l’image du Manifeste pour un Réveil Écologique en 2018 signé par plus de 30 000 étudiants et les discours des étudiants engagés d’établissements réputés comme l’École polytechnique, AgroParisTech, ou HEC Paris, témoignent d’une prise en considération grandissante des enjeux socio-écologiques par les jeunes. Le salaire ou le prestige de l’emploi, de la carrière, ne sont plus des critères suffisants aux yeux de ces futurs professionnels. Au contraire, ils évitent, boycottent, critiquent les entreprises polluantes ou non respectueuses des valeurs d’inclusion. Mais qu’en est-il de ceux qui travaillent déjà ?
Inaction RSE : les salariés désengagés
Aujourd’hui, ils et elles seraient plus de 75 % à être désengagés dans leur quotidien d’entreprise et dans leur travail selon le nouveau baromètre de la société de conseil dans la transition écologique Imagreen, en collaboration avec l’entreprise de sondage Kantar. Basé sur un échantillon de 1000 salariés travaillant dans des entreprises de 100 salariés ou plus, il est estimé que 39% des salariés du privé ressentent un décalage entre leurs convictions sur les enjeux socio-écologiques, le métier qu’ils exercent et les activités de leur entreprise.
Ce mal-être au travail se traduit de différentes façons, la démission n’étant qu’une manière pour les salariés de témoigner des dissonances qu’ils vivent dans leur travail. Des néologismes apparaissent régulièrement pour décrire les expressions de cette tension : « bore-out », sentiment de faire un bullshit job…
Et tout cela n’est pas sans conséquence pour les entreprises, qui pâtissent elles-mêmes du manque d’investissement des directions dans les questions sociales et environnementales. 6 salariés sur 10 envisageraient, ou auraient déjà décidé, de quitter leur entreprise. Les autres, moins motivés, se désengagent et font le minimum, au point que l’on parle désormais de quiet quitting, démission silencieuse.
Désengagement : les raisons d’un malaise
Ce malaise s’explique notamment par les pollutions inhérentes à certaines activités (construction, aviation, pétrochimie…) et le manque de considération des problématiques environnementales et sociales. Les stratégies de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) supposées aider les entreprises à mieux prendre en compte ces problématiques, provoquent souvent le scepticisme des salariés, qui en parallèle, gagnent en expertise sur ces mêmes sujets.
Ils deviennent plus alertes sur les conséquences des activités de leur entreprise sur l’environnement, et au contraire deviennent moins réceptifs aux éléments de langage et à l’écoblanchiment (greenwashing) diffusés par l’entreprise en interne et au grand public. 55% des salariés interrogés admettent que leur entreprise ont, ou serait capable d’avoir une communication erronée ou disproportionnée à propos de leurs activités, en particulier ceux travaillant pour les secteurs du BTP, de l’immobilier, des banques et des assurances.
Les salariés sont aussi de plus en plus critiques des actions menées dans leur secteur. Un salarié sur deux juge que la feuille de route de son entreprise n’est pas cohérente, voire inefficace, par rapport aux enjeux sociaux et environnementaux. Ceux qui connaissent bien le sujet constatent que la RSE de leur entreprise est encore insuffisante, inefficace.
Voir aussi : Partage de la valeur : les salariés perdants, le capital gagnant
Entreprises : passez enfin vraiment à l’action
Malgré cela, un tiers des salariés continuent de percevoir l’entreprise comme un levier majeur et prioritaire dans la transition écologique, derrière le gouvernement, mais devant l’action citoyenne. Cela montre que les attentes sont hautes envers les entreprises, et cela doit probablement être perçu comme un signal d’alerte.
De plus en plus de citoyens tiennent les entreprises pour responsables de la crise écologique et sociale en cours, et attendent de ces dernières qu’elles s’engagent plus, que ce soit en matière d’écologie ou de transition sociale. Pour répondre à cette attente, les entreprises devront pousser plus loin les stratégies RSE, mieux sensibiliser en interne, mobiliser les compétences et les ressources pour engager leurs organisations dans un changement profond.
Sans quoi, ils pourraient perdre en route une bonne partie de leurs collaborateurs, qui ne sont plus dupes désormais face à leur inaction.
Image par mohamed Hassan de Pixabay
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