Nouvel outil de mesure, l’index diversité a vocation à révéler le niveau d’inclusion des entreprises. Dans les faits, son efficacité à lutter contre les discriminations interroge.

26 janvier 2021. Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances annonce la création d’un « index diversité » dans les entreprises publiques et privées. L’objectif ? Mesurer la dimension inclusive de leur recrutement et de leur gestion des ressources humaines.

L’index, uniquement basé sur le volontariat, doit permettre de se faire une idée de la place accordée aux différentes minorités au sein des effectifs. Vraie avancée dans la lutte contre les discriminations ou simple coup de com ?

Grandes entreprises françaises : une discrimination massive à l’embauche

Pénaliser les discriminations à l’embauche et rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes en la matière, voilà une promesse de campagne réitérée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron. Une campagne de testing a bel et bien été menée et s’est achevée dans la plus grande discrétion.

Et pour cause : l’étude parue en janvier 2020 fait le constat d’une discrimination « généralisée » et « massive ». Plus de 17 600 candidatures et demandes d’informations (fictives) ont été envoyées à 103 grandes sociétés issues du CAC All tradable, dans différentes régions françaises. A chaque fois, il y avait deux profils identiques mais dans un cas avec un patronyme maghrébin, dans l’autre un patronyme d’origine française. D’après cet échantillon, les candidats nord-africains ont près de 20% de réponses en moins que les candidats français.

Par ailleurs et d’après les indicateurs de l’étude, les sociétés les plus discriminantes sont celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à la médiane. Elles sont en effet plus attractives et suscitent un nombre plus élevé de candidatures pour chaque poste, ce qui pourrait expliquer une exposition plus élevée au risque de discrimination. 

Si l’étude souligne une discrimination « significative et robuste » selon le critère de l’origine mais aussi, dans une plus faible mesure, selon le lieu de résidence, ces différences de traitement sont parfois fondées sur d’autres critères tels que le genre, l’âge, le handicap… A ce jour, 20 critères de discrimination sont fixés par la loi.

Mesurer la diversité, réduire les inégalités

« La mesure de la diversité s’attache à étudier la représentativité de groupes de personnes au sein d’une organisation donnée et au regard des composantes de la société. Elle vise, sur la base d’indicateurs, à dresser un état des lieux des inégalités ou risques d’inégalités dans l’organisation voire un état des lieux des perceptions et ressentis de ses collaborateurs » selon le site de la Charte de la diversité.

Le développement d’outils tel que l’Index égalité professionnelle hommes/femmes, rendu obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés en 2019, a pour vocation de chiffrer l’étendue des inégalités et en évaluer la progression afin de réduire les écarts via la mise en place d’actions adaptées.

L’index Diversité s’inscrit dans la continuité de l’Index égalité professionnelle. A la différence de celui-ci, il est basé sur une démarche volontaire et son but premier est de s’attacher à l’ensemble des échelons des organisations et à favoriser l’essaimage de bonnes pratiques.

L’idée n’est pas d’imposer une norme contraignante supplémentaire mais de créer un outil qui prendra une photographie de la diversité d’une organisation à un instant T. Cet outil aidera les dirigeant·es et les directions des RH à engager ensuite des mesures correctives qui soient au final un meilleur reflet de notre société.

Elisabeth Moreno, Étape du Tour de France de la Charte de la Diversité dans le Pays de la Loire, 14 janvier 2021

Les controverses autour de l’index diversité

Une politique de « chiffres »

Si mettre en avant les chiffres des inégalités permet d’alerter, d’indigner, ils ne se suffisent pas à eux-mêmes et nécessitent d’être saisis par les acteurs en mesure d’agir. Ces chiffres doivent permettre de poser un diagnostic guidant à une action commune de lutte contre les inégalités.

Or, cette politique par le nombre présente ses limites, à l’instar de l’index égalité professionnelle : critique des modalités de construction de l’index, chiffres qui ne sont pas toujours produits par les entreprises ou saisis par les directions et syndicats, et qui, lorsqu’ils le sont, ne permettent pas toujours de déboucher sur un diagnostic consensuel.

Pas sûr que ce nouvel index parvienne d’une part à combler les limites structurelles du précédent, et d’autre part à mobiliser les parties prenantes autour de la lutte contre les inégalités en entreprise.

La diversité au sens large

A travers cet index, la diversité est prise au sens large. Un point de vue justifié par Elisabeth Moreno : « les raisons qui font qu’on ne recrute pas sont toujours les mêmes : le rejet de l’autre et la présence de biais, de stéréotypes« .

Cependant, si l’on a des statistiques sur le pourcentage de personnes handicapées ou encore sur la répartition hommes/femmes dans les effectifs, pas de chiffres sur les sujets plus tabous comme les discriminations liées à l’origine, considérées comme le parent pauvre des politiques de lutte contre les discriminations dans l’emploi.

L’index diversité n’apporte donc pas de réponse sur ce point et se contente d’une approche globale des inégalités.

Diversité ou égalité de traitement ? Ne pas se tromper d’enjeu

Cet index s’inscrit dans une logique de transparence les grands groupes à diffuser publiquement leur « taux de diversité ».

En revanche, ce chiffre n’est en rien un gage d’une égalité de traitement entre les individus. Embaucher des personnes noires, des personnes en situation de handicap ne garantit pas qu’elles aient les mêmes perspectives de carrière, ou les mêmes chances d’obtenir une promotion par exemple.

Ce taux de diversité pourrait même servir d’alibi aux entreprises accusées de discrimination, qui afficheraient des taux de diversité élevés mais qui effectueraient de la discrimination au sein des effectifs.

Index diversité : outil efficace contre les inégalités ou pure communication pour les entreprises et le gouvernement ?

Alors même qu’un quart de la population active est concernée par la discrimination à l’embauche selon le baromètre 2020 de la perception des discriminations dans l’emploi, on peut légitimement se demander si la création de ce nouvel index qui devrait être mis en place avant l’été sera à même de répondre efficacement au problème.

Est-ce réellement un nouvel outil de chiffrage, non coercitif et traitant uniquement de la diversité au sens large qui permettra véritablement de lutter contre les inégalités en entreprise ?

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