Et si les entreprises et les grandes industries mondiales payaient pour les dommages qu’elles font subir à l’environnement ? Eh bien selon une étude récente publiée par des chercheurs américains, aucune d’elles ne serait rentable.

Depuis longtemps on parle du principe de « pollueur-payeur ». Le concept est simple : lorsqu’un dommage est commis sur l’environnement, c’est celui qui a causé le dommage qui doit payer pour en gérer les conséquences sur la collectivité. Régulièrement, on applique ce principe lorsque par exemple une entreprise est responsable d’une catastrophe écologique comme une marée noire : l’entreprise peut alors avoir à payer une amende aux collectivités qui ont été affectées.

Mais que se passerait-il si on décidait d’appliquer totalement ce principe ? Si chaque entreprise devait gérer les externalités négatives de son activité sur la planète ? C’est ce qu’a voulu savoir une équipe de chercheurs américains de l’organisation Trucost dans leur rapport « Natural Capital at Risk ».

Le principe pollueur payeur et la question des externalités environnementales

Pollution afrique

À l’heure actuelle le principe pollueur payeur n’est en effet appliqué que très partiellement. En fait, la plupart des pollutions causées par les entreprises (ou les autres acteurs) ne sont jamais ni mesurées, ni évaluées, et encore moins facturées. Par exemple, quand une entreprise émet du CO2 ou des polluants atmosphériques, elle ne paie rien. Pourtant, cela a des conséquences pour la société : cela cause du réchauffement climatique et de la pollution de l’air. Et ces phénomènes coûtent cher à la collectivité : il faut faire plus de dépenses sociales pour gérer les maladies pulmonaires, ou pour indemniser les victimes de catastrophes climatiques par exemple.

C’est ce concept que l’on appelle « les externalités environnementales » : l’activité de l’entreprise a une conséquence indirecte sur l’environnement, qui affecte la société. Pourtant, ce n’est pas l’entreprise qui finance le coût de cette externalité, mais bien la société, c’est à dire les citoyens.

Sur le principe, il semblerait plus logique que ce soit l’entreprise qui finance ce dont elle est responsable. Et c’est théoriquement possible, si on arrive à comptabiliser la valeur de ces externalités. Et c’est justement là tout l’enjeu : comment évaluer la valeur et le coût de réalités aussi diverses que la biodiversité, une forêt, ou une tonne de CO2 ?

Évaluer les externalités négatives de l’activité économique

Prenons un exemple : une entreprise acquiert un terrain de forêt pour y installer ses activités. Elle achète le terrain au prix du marché et l’argent de la transaction est reversé au propriétaire. Mais la valeur marchande du terrain ne reflète pas forcément sa valeur intrinsèque pour la société. Par exemple, une forêt peut abriter de la biodiversité et fournir de la nourriture, elle produit des ressources renouvelables (le bois), stocke du CO2, elle rend des services à la société qui ont de la valeur. En faisant certaines hypothèses et certains calculs, on peut quantifier cette valeur, ce « capital naturel ».

C’est ce que se sont attachés à faire les chercheurs à l’origine de l’étude. Avec une méthodologie complexe et détaillée, ils sont parvenus à évaluer la valeur des externalités liées à l’activité économiques des grands secteurs industriels mondiaux. Et leurs résultats sont très inquiétants.

Aucune activité économique vraiment rentable

Pollution Climat COP21

Le premier constat le plus singulier, c’est que si les entreprises payaient pour leurs externalités, elles ne seraient pas vraiment rentables. Par exemple, l’étude montre que le secteur de la production d’énergie en Asie de l’Est produit un revenu de 443 milliards de dollars par an. Or dans le même temps, ses impacts environnementaux (gaz à effet de serre, occupation des sols, pollutions de l’air ou de l’eau) se chiffrent à 453 milliards. Cela signifie que si l’entreprise payait pour compenser ses externalités, elle serait en déficit de près de 10 milliards par an.

Même chose pour l’industrie de l’élevage en Amérique du Sud, l’une des plus profitables de la région : elle a un revenu de 16.6 milliards par an pour des impacts estimés à 350 milliards par an. Soit un coût pour la planète 22 fois supérieur à la richesse monétaire qu’elle créé.

En fait, selon l’étude, aucun grand secteur économique parmi les 100 plus rentables de la planète ne serait bénéficiaire si elle devait réellement financer ses coûts pour la planète.

Quel intérêt de connaître ces coûts ?

À l’aune de cette étude, on peut finir par se demander quel est l’intérêt de ce genre de calculs. En effet, on pourrait penser que ces « coûts » environnementaux ne sont pas des coûts réels et que ce n’est pas très grave si les entreprises ne les paient pas. Le problème, c’est que ces coûts sont bien réels : ils sont seulement différés, soit parce qu’ils sont différés dans le temps, soit parce qu’ils sont pris en charge par d’autres acteurs.

Par exemple, tout le CO2 qui est émis aujourd’hui dans l’atmosphère a bien un coût pour le monde. Le coût des cyclones qui se multiplient, des sécheresses qui affectent les récoltes, ou même de façon plus prosaïque le coût de votre facture d’électricité qui augmente car vous devez mettre la climatisation chez vous pendant les canicules liées au réchauffement climatique. Mais le plus important, c’est que ce coût sera de plus en plus élevé avec le temps : le réchauffement climatique va s’aggraver, et ce sont les générations de demain qui paieront (physiquement et financièrement) le prix de nos externalités d’aujourd’hui.

La biodiversité subit le même phénomène : en soi, la disparition d’une espèce ne coûte pas cher à la société. Par contre, lorsqu’une espèce disparaît, cela perturbe la chaîne alimentaire. À force, certains écosystèmes sont perturbés : l’agriculture produit moins et donc son coût augmente, les forêts disparaissent, les sols sont plus fragiles. Et tout cela fonctionne comme un cercle vicieux.

L’histoire d’une économie et d’une croissance déconnectées de leurs coûts réels

Cette étude montre bien à quel point l’économie actuelle s’est déconnectée de sa réalité. Sur le papier, nous gagnons des milliards, nous produisons des richesses, nous faisons de la croissance. Mais si on y intègre tous les coûts cachés, on se rend compte que tout cela ne fonctionne pas : notre croissance serait négative, les entreprises déficitaires. Et si aujourd’hui cela fonctionne, c’est parce que nous commençons à peine à payer ces coûts. Au final, cela donne un système économique sans résilience, sans prise en compte du développement de long terme, du développement durable.

Aujourd’hui, la majorité de ces coûts cachés sont les émissions de gaz à effet de serre, comptant pour 38% de nos externalités négatives, suivis par l’usage des ressources en eau (25%) et l’occupation des sols (25%). La pollution de l’air (7%) des eaux (5%) et la production de déchets arrivent ensuite, sachant que ces enjeux risquent de coûter rapidement de plus en plus chers. Il est donc temps de se reconnecter à cette réalité, de la prendre en compte, de l’intégrer dans notre vision du monde et du business. C’est ce qui commence (très lentement) à être envisagé avec l’hypothèse d’instaurer une Taxe Carbone qui imposerait aux acteurs économiques de payer pour le CO2 qu’elles émettent.

Reste à savoir qui paiera pour tout le capital naturel que nous avons déjà détruit, sans doute de façon irréversible.

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