Conflits, troubles économiques, impact du Covid-19 sont autant de facteurs explicatifs de la faim dans le monde, et le changement climatique en fait partie. Explications.

En 2019, selon un rapport de la FAO, 690 millions de personnes ont souffert de la faim. Si rien n’est fait, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim d’ici à 2080 à cause du changement climatique d’après le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Les effets du dérèglement climatique sur la sécurité alimentaire, on peut déjà les constater à Madagascar : « nous avons des gens au bord de la famine et il n’y a pas de conflit. Il y a juste le changement climatique avec ses pires effets qui les affecte gravement » rapporte Lola Castro, directrice régionale du Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour le Sud de l’Afrique.

Si Madagascar subit aujourd’hui de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique, d’autres régions inquiètent tout autant et leur sécurité alimentaire est en péril. On fait le point.

Le Sud de Madagascar menacé par la famine

Selon l’ONU, 1,14 million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire à Madagascar. Parmi elles, environ 14 000 personnes se trouvent déjà dans des conditions catastrophiques, proches de la famine (Phase 5 du Cadre intégré de Classification de la sécurité alimentaire – IPC 5) et ce chiffre devrait doubler pour atteindre 28 000 d’ici octobre.

« J’ai rencontré des femmes et des enfants qui luttaient pour rester en vie et qui ont marché pendant des heures pour se rendre à nos points de distribution alimentaire ; pour ceux qui étaient en assez bonne santé pour y parvenir », déclarait ainsi David Beasley, directeur du PAM, depuis un centre de nutrition de la région.

En cause ? Une sécheresse sans précédent, considérée comme la pire depuis 4 décennies, venue à bout des récoltes dans le Sud de l’île. Une catastrophe pour ces communautés dépendantes de l’agriculture.
Selon le Programme Alimentaire Mondial, les populations sont depuis plusieurs mois contraintes de se nourrir de fruits de cactus rouges, de feuilles sauvages et de criquets…

Un accès très difficile à la nourriture qui impacte directement les enfants : toujours selon le PAM, chez les Malgaches de moins de 5 ans, la malnutrition aiguë globale (MAG) a presque doublé au cours des 4 derniers mois, atteignant un taux alarmant de 16,5%. Le district d’Ambovombe est parmi les plus touchés avec un taux de 27% de MAG, témoin du danger que courent ces enfants.

Par ailleurs, l’aide humanitaire peine à se rendre sur place, notamment en raison des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Le PAM réclame davantage de ressources pour répondre à l’ampleur des besoins et « empêcher qu’une tragédie évitable ne se déroule sous nos yeux ».

Cette situation est d’autant plus préoccupante car Madagascar a le dixième taux de retard de croissance le plus élevé au monde.

Quand le changement climatique menace la sécurité alimentaire

Le Sud de Madagascar est loin d’être la seule région impactée par la faim en raison du changement climatique. La région éthiopienne du Tigré, le Soudan du Sud et le Yémen sont dans une situation également préoccupante.

D’après le PAM, 41 millions de personnes sont aux portes de la famine (IPC phase 4/Urgence) dans 43 pays en l’absence de financement urgent et d’accès humanitaire immédiat. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 27 millions de 2019. 

Par ailleurs, selon la FAO, en 2019, 183 millions de personnes étaient classifiées comme étant en situation de stress alimentaire (Phase 2 de l’IPC), dont 73 millions vivent en Afrique.

Le changement climatique est l’une des causes de cette aggravation, avec les conflits ou encore les turbulences économiques (dépréciation de la monnaie…). On constate en effet avec le dérèglement climatique une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent fortement réduire voire anéantir les récoltes mais aussi contribuer à l’appauvrissement des sols à travers le phénomène de désertification par exemple.

Concrètement, le nombre de personnes sous-alimentées a tendance à être plus élevé dans les pays très exposés aux événements climatiques extrêmes, notamment lorsqu’une grande partie de la population vit de l’agriculture locale. C’est notamment le cas en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et en Asie du Sud-est. Certaines populations se retrouvent très affectées et sans moyens de subsistance.

Cela engendre 2 conséquences principales :

  • la flambée des prix des denrées alimentaires de base ce qui contribue à appauvrir davantage ces populations. Puisque les récoltes sont instables, les prix des denrées de base le deviennent sur les marchés internationaux, entraînant des variations de prix néfastes aux producteurs comme aux consommateurs.
  • des déplacements de populations lorsque la situation devient trop grave, afin de trouver des alternatives. D’après la Banque mondiale, si rien n’est fait, 143 millions de personnes pourraient devenir réfugiés climatiques d’ici 2050.

C’est donc les rendements agricoles, la stabilité des prix et par conséquent l’accessibilité de la nourriture qui sont déstabilisés par le climat, et le phénomène devrait s’intensifier dans les années à venir. Il est donc plus que jamais urgent d’accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, mais également de commencer dès aujourd’hui à s’adapter à ces conditions climatiques nouvelles qui menacent la sécurité alimentaire.