À quoi servent les objectifs d’énergies renouvelables ? Sont-ils efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique ? Tentons de comprendre.
Dans l’optique d’un développement plus durable et d’une lutte plus active contre le réchauffement climatique, de plus en plus d’acteurs se fixent des objectifs relatifs à l’usage d’énergies renouvelables.
50% d’énergies renouvelables d’ici 2050, 100% d’énergies renouvelables d’ici 2040… Entreprises ou Etats sont de plus en plus nombreux à se fixer ce type d’objectifs. En France, par exemple, la Loi de Transition Énergétique pose un objectif de 32% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’électricité d’ici 2030.
Mais à quoi servent ces objectifs ? Sont-ils efficace pour mener une politique de lutte contre le réchauffement climatique ? Pas sûr. Une communication publiée dans Nature Climate Change par des chercheurs de l’Université du Queensland estime que ce type d’objectifs pourrait même être contreproductif. Explications.
Les énergies renouvelables : pas toutes vertes
Les énergies renouvelables regroupent les sources de production d’énergie (électricité, chaleur, carburant) se basant sur des ressources virtuellement non-épuisables. Il s’agit des éoliennes, des panneaux solaires, des barrages hydro-électriques, mais aussi des biocarburants ou des énergies renouvelables thermiques comme la géothermie.
Ces sources d’énergies sont généralement bas carbone, car elles permettent de produire de l’énergie en recourant moins aux énergies fossiles, principales sources d’émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. À ce titre, elles sont un outil indispensable dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour cette raison, de plus en plus d’acteurs se fixent comme objectif d’atteindre un certain seuil d’énergies renouvelables pour leurs consommations ou leurs productions d’énergie.
Mais il faut garder à l’esprit que les énergies renouvelables, bien que « bas carbone » ne sont pas des outils 100% écologiques. Les énergies renouvelables comportent un certain nombre de limites ou de désavantages. Certaines ne produisent pas en permanence (l’éolien, le solaire), et nécessitent donc des systèmes de gestion de l’intermittence (du stockage d’énergie, des batteries, par exemple). Elles nécessitent des matériaux, parfois rares, parfois difficiles à extraire. Leur production génère donc des pollutions, pas forcément celles qui contribuent au réchauffement climatique, mais des pollutions qui peuvent affecter les écosystèmes, les ressources en eau…
Quant aux biocarburants, s’ils permettent d’économiser du CO2 par rapport aux carburants fossiles, ils mobilisent des ressources agricoles et terrestres conséquentes, et demandent des méthodes de gestion efficaces pour être réellement bénéfiques.
Bref, les énergies renouvelables sont utiles, mais pas parfaites.
La transition vers les énergies renouvelables : une affaire de compromis et d’adaptation
Mettre en place des énergies renouvelables nécessite donc presque toujours de faire certains compromis, de s’adapter ou de faire certains renoncements. Par exemple, si l’on veut généraliser l’usage d’énergie éolienne ou solaire pour la production d’électricité, il faudra mettre en place un système de stockage de l’électricité permettant de lisser les pics et les creux de production.
Installer des éoliennes, des panneaux solaires, prend aussi beaucoup d’espace. Si l’on veut en installer dans des terres agricoles, il faut alors voir comment concilier production agricole et production électrique. Il faut dialoguer avec les exploitants, les populations locales, gérer des conflits d’usage des terres.
C’est pour ces raisons notamment que les chercheurs de l’Université du Queensland estiment qu’il n’est pas forcément pertinent d’ériger les énergies renouvelables en objectif en soi. En se fixant des objectifs quantitatifs quant au taux d’énergies renouvelables (plutôt qu’objectif de réduction des émissions énergétiques par exemple) on créerait, selon les chercheurs, des biais qui peuvent masquer les compromis liés à la transition énergétique et rendre aveugles aux autres objectifs pertinents à se fixer. Si l’on décide par exemple qu’il faut 50% d’énergies renouvelables sur un territoire d’ici 15 ans, les gestionnaires seront incités à mettre en place le plus rapidement possible cet objectif, sans avoir de vision globale et sans prendre en compte les potentiels effets collatéraux de cette mise en oeuvre.
Ainsi, les chercheurs donnent l’exemple de la Californie. L’Etat est engagé ces dernières années dans la mise en oeuvre d’objectifs de développement de l’énergie éolienne et solaire. Problème : les gestionnaires n’ont pas suffisamment bien prévu la transition vers des énergies intermittentes. Résultat : en période de canicule, lors des pics de consommation, les énergies intermittentes n’étaient plus suffisantes pour assurer la demande, et l’absence de système de stockage efficient a mené à des coupures d’électricité dans la région.
Les énergies renouvelables : pas un objectif en soi ?
Cet exemple illustre que la question de la transition énergétique n’est pas simple, et qu’il ne suffit pas de se fixer des objectifs ambitieux pour avoir un impact positif. En fait, de nombreuses questions se posent. Se fixer des objectifs en termes d’usage des énergies renouvelables, soit. Mais d’abord, est-ce réaliste ? Est-ce faisable techniquement ? Pourra-t-on gérer l’intermittence ? Est-ce utile du point de vue du CO2 ? Est-ce positif du point de vue écologique globalement ? Quelles sont les filières permettant de gérer les autres impacts écologiques des énergies renouvelables (recyclage, remise en état des terrains) ?
La réponse à ces questions n’est pas toujours évidente. Par exemple, installer des millions de panneaux solaires est-il utile en France du point de vue CO2 ? Pas forcément. Les panneaux solaires émettent aujourd’hui plus de CO2 par kWh que les sources de production d’électricité disponibles actuellement en France (nucléaire, hydro-électricité…). Lorsqu’on voit certaines grandes entreprises en France décider généraliser l’usage de panneaux solaires, elles décident donc en fait d’utiliser une source d’énergie émettant plus de gaz à effet de serre que celle qui est déjà disponible. Dans ce contexte, il y aurait donc certainement d’autres actions, plus efficaces, à mener pour limiter son bilan carbone.
En se focalisant sur les énergies renouvelables comme objectif, on risque aussi d’oublier d’autres aspects du problème : l’efficacité énergétique, la sobriété énergétique par exemple. Dans certains cas, n’est-il pas plus simple, plus pertinent, et plus « durable » d’investir pour réduire ou éviter une consommation énergétique plutôt que d’investir pour consommer cette énergie à partir de sources renouvelables ?
Vers des objectifs plus pertinents ?
Le problème, c’est que si les engagements sur les énergies renouvelables ne sont pas nécessairement toujours les plus pertinents ou les plus efficaces, ils sont très souvent plus lisibles, les mieux compris du grand public.
Cela incite donc les acteurs cherchant à s’engager sur des objectifs consensuels à se tourner vers des objectifs « énergies renouvelables » plutôt que de mener une analyse globale des enjeux écologiques de leurs systèmes énergétiques.
Selon les chercheurs, il s’agirait aujourd’hui de sortir de ce paradigme qui fait des énergies renouvelables un objectif en soi, mais d’utiliser ces énergies renouvelables seulement lorsqu’elles sont utiles, lorsqu’elles sont efficaces, après une analyse globale. D’une manière générale les chercheurs appellent à passer à une approche holiste du problème écologique, plutôt que de se poser des objectifs sectoriels, en prenant les problèmes les uns après les autres.
Photo par American Public Power Association sur Unsplash
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